Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 4 (II:2) 1964

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A la recherche d'Adriaen Honing

par Marcel Röthlisberger

English Summary

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L'acquisition faite par la Galerie Nationale du Canada du beau dessin de Honing (fig. 1) (1) invite à s'arrêter sur cet artiste peu connu, dont les quelques oeuvres conservées sont singulièrement captivantes. Que connaissons-nous de lui? Sa date de naissance, un tableau de jeunesse, une quinzaine de dessins - voilà ce qui reste d'une activité sans doute brève, puisque nous n'avons aucune trace de l'artiste après sa 40e année. Le peu que nous savons de sa vie se résume en deux mots: né à Dordrecht en 1644, Honing est documenté à Paris en 1663 (nous ignorons s'il s'agissait d'un voyage ou d'un séjour prolongé) puis à Rome de 1667 à 1683. Il vécut là dans le quartier des artistes et fut membre de la confrérie des artistes néerlandais qui lui donna le surnom de Lossenbruy. C'est ce nom que nous trouvons inscrit d'une même main, grande et régulière, sur le revers de plusieurs de ses dessins - une identification postérieure, semblerait-il, plutôt qu'une signature authentique.

La nouvelle feuille d'Ottawa nous montre un paysage montagneux de caractère italien et de goût romantique. Il s'agit vraisemblablement d'une composition et non pas d'une étude de nature. La montagne à droite et l'arabesque de l'arbre courbé découlent par trop de la convention pour avoir été pris sur nature. Une poussée en diagonale débutant par la masse d'arbres au premier plan à droite conduit au massif du centre puis au loin. Seul le côté gauche reste ouvert, donnant au dessin une touche légère. Le catalogue de Colnaghi, d'où provient ce dessin, mentionne l'influence de Rosa (1615-1673), représentant par excellence du paysage que l'on peut appeler romantique, puisque tant de ses éléments prédisent ce qui marquera le goût du début du 19e siècle. Le dessin est en fait une copie d'un tableau de Rosa (2) (fig. 2). Le composition de la toile est élargie d'un premier plan, qui est omis du recto du dessin, mais y figure dans le croquis du verso (sans la partie supérieure du feuillage et les figures); quelques traits légers au crayon noir indiquent cette partie sur le recto. Honing a donc réparti l'image de Rosa sur les deux faces de sa feuille, la retransposant, pour ainsi dire, en guise d'étude de nature. Le tableau n'ayant pas été gravé, Honing doit s'être servi directement de ce tableau ou, ce qui est moins probable, d'un dessin préparatoire de Rosa. Quant à la date, il n'y a aucune difficulté, la seule feuille datée de Honing venant de l'année de la mort de Rosa.

Au moins trois autres dessins de notre artiste, dont deux sur papier bleu-vert, montrent le même caractère: une composition schématique pareille et la même écriture. Ce sont le paysage plus grand de la coll. Lugt (MJBK fig. 6), (3) le paysage de la coll. Witt à Londres (MJBK fig. 7) et un paysage assez ordinaire de l'Albertine (inv. 10892). Ces pages sont également fort proches des tableaux et gravures de Rosa, quoique nous n'ayons pas trouvé pour elles de modèles identiques. De toute façon nous pouvons affirmer que le cas du dessin d'Ottawa n'est pas unique, et que Honing s'inspire de Rosa. (4) Cela vaut-il aussi pour sa technique?

Le graphisme de Rosa, comme d'ailleurs le style de ses tableaux, comprend à différentes époques les possibilités les plus variées, allant d'une fougue romantique à la sécheresse de l'imitateur de Poussin. Dans notre dessin, le tracé à la plume reflète certains dessins de Rosa. Mais nous ne trouvons pas chez celui-ci de feuilles aussi pittoresques. Les dessins du hollandais, de grand format, sont minutieusement exécutés, des images complètes qui n'ont pour but qu'elles-mêmes. Ce caractère d'oeuvres autonomes commence par le fond - le papier blanc teinté, ou le papier bleu ou turquoise que Honing a presque toujours employé - travaillé à la plume, le lavis brun et le rehaussé blanc. Ce procédé donne à l'oeuvre une note de couleur. Il n'a d'ailleurs rien de neuf, étant déjà en vogue dès le début du 15e siècle. La plume décrit un zigzag nerveux dans le feuillage, de petits traits parallèles dans les rochers, un pointillé délicat dans le lointain.

Disons d'emblée que cette technique schématique et détaillée ressort beaucoup plus de la tradition du paysage hollandais en Italie que de Rosa. Le fondateur, pour le 17e siècle, en est Bril, suivi de Breenbergh et d'autres maîtres tels que van Nieuwlandt et Swanevelt. Cela se passa cinquante ans avant Honing. La même petite manière fit école et les dessinateurs hollandais à Rome l'adoptèrent généralement. Nous pourrons en observer les variantes individuelles vers Both, Hackaert, Neyts, Roghman et tant d'autres. Plus le siècle avance, plus la découverte de la réalité et la recherche de la lumière naturelle, qui passionne la génération de 1600, sont remplacées par une convention raffinée qui manque au brio du début du siècle. L'oeuvre de Honing appartient à cette génération tardive - la dernière qui traite le paysage hollandais - exprimant un contenu pré-dix-huitième dans une technique ancienne. Car voilà bien comment il faudra caractériser cette écriture. Au-delà de la verve d'un Claude ou d'un Carracci, elle rappelle, consciemment ou non, la manière de l'école du Danube du siècle précédent - Altdorfer, Buber, Lautensack, etc - chez qui les effets de rehaussés sur fond sombre abondent plus que dans le paysage du 17e siècle. On se souviendra également que le paysage montagneux fut une spécialité flamande des environs de 1600 avant d'avoir été adoptée par Rosa.

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