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Les arts visuels

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La foi dans l'art

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Les Clercs de Saint-Viateur à Joliette

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Exposition de peintures moderne au Séminaire
Réponse à Jean Bernot par le P. Wilfrid Corbeil

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Une exposition de peintures modernes avait lieu dans le grand parloir du Séminaire, en janvier dernier; elle avait été organisée en vue de faire connaître aux élèves de la maison et au public de Joliette quelques-unes des oeuvres de nos peintres d'aujourd'hui.

C'était un premier contact, assez brusque d'ailleurs, avec des oeuvres d'une facture qui surprend par son modernisme et par ses libertés d'allure révolutionnaire; ce fut pour la plupart une initiation à un art nouveau qui a brisé franchement avec les procédés usagés et périmés de la peinture facile et à la mode, non pas avec les plus saines traditions picturales faites de sincérité et de vérité. Or cette démonstration, pourrait-on dire, a eu l'effet de piquer la curiosité d'un public nombreux, d'attirer l'attention de plusieurs sur le problème difficile sans doute, mais important que nous posent les artistes de nos jours; enfin, pour un moment du moins, cette exposition aura détourné, au profit de l'art, les esprits des sujets ordinaires de la conversation.

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Les journaux locaux interprétant les diverses impressions produites chez les visiteurs ont fait écho à la discussion engagée à ce sujet: Paul Brien prenait résolument fait et cause pour les Modernes, dans l’Action Populaire; Jean Bernot, dans L'Étoile du Nord, réagissait avec force arguments à la façon de ceux qui n'aiment pas être dérangés dans leurs opinions toutes faites.

Les exposants étaient Madame Louise Gadbois et Messieurs Alfred Pellan, Paul-Emile Borduas, John Lyman, Goodridge Roberts et Marc-Aurèle Fortin. Grâce à leur concours bénévole comme à celui de M. Maurice Gagnon, le conférencier à l'ouverture de l'exposition, nous avons pu aligner sur la cimaise du parloir vingt-quatre toiles bien caractéristiques de leur style.
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M. Pellan exposait des paysages canadiens, un portrait La petite fille en rouge, et une nature morte.

Décidément M. Pellan s'est mis à la peinture des scènes et des gens de chez nous. Il a, avec la franchise qu'on lui connaît, je serais tenté de dire, son ingénuité, abordé des sujets tels que le four à pain, le coin de village et la grange rouge. La sincérité est bien la qualité de ces toiles qui se présentent à nous sans arrangement, sans procédé qui sente l’atelier ou le studio; c’est le grand air, la couleur vive. Comme c’est loin du déjà vu, du sujet à calendrier!

«Le coin du village, rive Nord» semble le plus caractéristique de cet art fait de franchise; c’est le moment du jour où le gris de nos maisons et de nos granges couvertes en tôle se mêle au gris du ciel, de la montagne et du fleuve dont la ligne domine tout ce coin de patelin.

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Que dire de cet admirable portrait de petite fille habillée de rouge croquée sur le vif, et merveilleuse de vie intense mais contenue? Quand Pellan s'aventure à peindre des «abstractions» — nous aurions aimé voir à Joliette l'une de ces grandes machines qu'il a rapportées d'Europe — Pellan, dis-je, peut paraître nous mystifier, et nous faire douter de son talent, nous laisser perplexes au sujet de ce qu'il veut dire; mais quand il peint des figures de cette sorte, il n'y a plus l'ombre d'une hésitation, nous sommes en présence d'un grand peintre. Personne chez nous n'a poussé si loin l'art du portrait.
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Avec le minimum de traits et de procédés, il fixe l'instant où cette enfant va bouger. Aucune recherche de l'effet, aucune ombre pour faire ressortir le modèle et le mettre en valeur, nul détail pour aider à l'expression, pour venir à la rescousse du sujet, voilà du nouveau que personne, je pense, pas même Jean Bernot, ne peut ne pas admettre. Il faut souhaiter à M. Pellan de continuer à exploiter le filon qu'il a découvert chez nous et qui lui permettra d'exercer sa verve avec succès.


Si Pellan n'est pas toujours compris et goûté du public, c'est que son art pour parler comme Jacques de Tonnancour est cruel et troublant. «Il lui faut le risque. Les choses qui ne ratent pas, les choses agréables et infaillibles, il les laisse aller sans en avoir souci. Cela choque beaucoup ceux qui ne voient pas ce qu'il cherche. Chez nous, un peintre qui massacre et qui laisse le «bon goût» gisant dans une pâle et anémique mare de sang doit sûrement appartenir à une autre époque... pas encore venue.

Mais Pellan vit dans son siècle, lui. Tôt ou tard nous constaterons.»

C'est avec un égal sentiment de sécurité que nous pouvons aborder les autres artistes qui montrent une franchise semblable dans l'expression de leur art. C'est probablement ce qui heurte le plus nos préjugés, nos jugements tout faits sur la peinture: la franchise, la sincérité, parfois brutale, je l'avoue, qui caractérise les artistes de cette école.

Ainsi s'exprime, avec la délicatesse qui lui sied bien, Mme Gadbois dans ses natures mortes et son portrait de petite Indienne à l'air boudeur et renfrogné.
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Les peintures de J. Lyman sont d'une facture nette et précise; celles de G. Roberts sont remarquables par la vigueur du dessin. Par ailleurs le jeu des noirs et des gris dans Trees and Lake, reproduit dans ces pages, sont le témoignage non équivoque d'une grande sensibilité chez l'artiste; pour peu qu'on s'arrête à regarder cette toile, on sent bientôt le froid de cette, grisaille qui à travers les arbres représente l'eau et le ciel d’un matin triste.

M. M.-A. Fortin a eu l'heur de plaire à la plupart des visiteurs; sa fantaisie ne nous empêche pas de reconnaître les pays d'en haut qu'il peint avec bonheur.

«Dessins agréables, dira Bernot, en résumant sa pensée et ses appréciations, mais où il ne peut être question de Beauté». Comme si la beauté n'était plus la splendeur du vrai! La définition de Platon n'a pas vieilli.

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Les peintures de J. Lyman sont d'une facture nette et précise; celles de G. Roberts sont remarquables par la vigueur du dessin. Par ailleurs le jeu des noirs et des gris dans Trees and Lake, reproduit dans ces pages, sont le témoignage non équivoque d'une grande sensibilité chez l'artiste; pour peu qu'on s'arrête à regarder cette toile, on sent bientôt le froid de cette, grisaille qui à travers les arbres représente l'eau et le ciel d’un matin triste.

M. M.-A. Fortin a eu l'heur de plaire à la plupart des visiteurs; sa fantaisie ne nous empêche pas de reconnaître les pays d'en haut qu'il peint avec bonheur.

«Dessins agréables, dira Bernot, en résumant sa pensée et ses appréciations, mais où il ne peut être question de Beauté». Comme si la beauté n'était plus la splendeur du vrai! La définition de Platon n'a pas vieilli.
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P.-E. Borduas que nous connaissions par ses portraits et ses peintures religieuses, n'exposait que des «abstractions» et un portrait chargé, intitulé à faux Le Philosophe. Par ses extravagances, par «cet art de coup de poing», Borduas a attiré à lui l'attention du plus grand nombre des visiteurs et les sarcasmes d'une critique sévère.

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C'est, je pense, tenter en vain et vouloir répéter inutilement l'expérience de ceux qu'on a appelés au début du siècle les fauves. Ils se nommaient Georges Rouault, Henri Matisse, André Derain, pour ne mentionner que ceux-là. L'expérience est vieille de quarante ans déjà et, au dire de Jacques Baschet, Rouault est «le seul qui soit resté un vrai fauve et qui crie son intransigeance en demeurant fidèle à sa conception d'une humanité pitoyable, hurlant son dégoût d'elle-même».

Par contre il faut dire, à la décharge de Borduas, qu'il possède une grande sûreté d'exécution qui se traduit en traits vigoureux et fermes.

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Mais il y a un autre aspect de son art qu'on ne peut passer sous silence, celui de ses «abstractions». Nous avons reproduit ci-contre [dans L’Estudinat] harpe brune exposée au parloir.

C'est ici qu’on doit s'en prendre à Jean Bernot et à sa sophistique refusant de reconnaître à cette sorte de peinture les qualités d'un art qu'on ne peut plus mettre de côté, pas plus qu'on ne peut méconnaître la musique d'un Debussy ou d'un Ravel, à moins de passer pour un philistin ou de vouloir le rester. Il faut déplorer certains excès, on a le devoir de s'insurger contre d'audacieuses folies, mais on ne peut pas contester à des artistes le droit de réagir contre un académisme désuet et à la mode, c'est-à-dire contre l'art du portrait travaillé et fardé comme une photographie, l'art du tableau à effet arrangé contre les règles du bon sens et auquel cependant on nous a habitués. Ainsi faut-il entendre l'académisme; si parfois il arrive à faire beau, il ne détient pas pourtant le monopole de la beauté. Ce n'est pas d'aujourd'hui, comme semble le dire Jean Bernot, qu'on réagit contre ces façons de peindre; toutes les fois qu'une école tentait d'arrêter l'art dans des formules sans vie, avec des procédés qui étaient devenus des recettes de beauté, il y a eu de ces réactions.

Ce n'est pas d'aujourd'hui non plus que le peintre s'essaie à reproduire sur la toile les sentiments, la poésie intérieure qui le possèdent. «L'artiste, écrit S. Rocheblave dans son livre L'Art et le Goût en France, est un interprète bien plus qu'un traducteur; l’oeuvre d'art n'est pas un simple miroir de ce qui est, mais un foyer où se concentrent tous les rayons de poésie épars dans la multitude des choses; la création en art est un dégagement, et non une imitation; et enfin l'artiste n'est complet que s'il fait vivre dans le monde que chacun voit un monde que lui seul a conçu».

Nous sommes loin de la définition de Louis Hourtric citée par Jean Bernot, et il y a belle lurette que la peinture a franchi ce stage primitif de la simple imitation.
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Je pourrais citer encore ce qu’écrivait M. Langier, de la Sorbonne, aujourd'hui professeur a l'Université de Montréal: «Si parfois la nature est belle, c'est un phénomène du hasard; et recopier cet aspect fortuit est une tâche qui n'est pas la véritable mission de l’artiste; sa véritable mission est de créer de toutes pièces un jeu de lignes, de couleurs, de surfaces colorées, d'arabesques, de volumes et de les ordonner harmonieusement sur cette surface plane qu'est la toile, pour réaliser une oeuvre entièrement neuve, qui soit par la couleur la joie des yeux, et par l'équilibre ou le rythme, la joie de l'esprit. Il ne s'agit plus de reproduire, c'est l'oeuvre du photographe; il s'agit de créer en toute liberté. Il s'agit de rassembler et de combiner en un ensemble organisé des éléments de beauté pris soit en dehors du réel, soit dans le réel lui-même; mais cet assemblage peut se libérer de tout contact avec la nature elle-même; il échappe à ses lois et il a ses lois propres, que l'artiste doit découvrir et dont l'application doit conduire à réaliser avec un maximum de pureté le maximum d'efficacité esthétique et plastique.

Un chef-d'oeuvre, poursuit le même auteur, pourra donc ressembler à rien; ne faire penser à rien; il n'est pas nécessaire qu'il raconte, qu'il imite; il suffit qu'il soit beau, en soi, et pour soi, et c'est cette beauté substantielle de l'oeuvre que le véritable critique d'art devra s'efforcer de saisir et d'expliquer».

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Quelques critiques d'art font remonter le modernisme de la peinture au romantisme, d’il y a cent ans; nos grand-mères, à leur façon, faisaient des abstractions quand elles s'appliquaient à disposer avec goût des carreaux de diverses couleurs sur un couvre-pied, ou qu'elles crochetaient des tapis. Nous ne cherchons pas à comprendre ces arrangements de lignes et de teintes; il nous suffit que ces articles plaisent à l’oeil et soient un ornement pour nos maisons. En s'amusant à juxtaposer des noirs et des bruns, Borduas a réussi là, dans ce qu'il appelle Harpe brune, une savante ordonnance de tons et de lignes qui ont la sonorité d'une musique nègre. C'est du jazz en peinture! Mais il serait sans doute plus profitable à Borduas et à nous qu'il nous fît vibrer au contact des harmonies secrètes qui nous entourent, que l'artiste seul peut capter et qu'il peut nous faire entendre.

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Telle est donc l'aventure que veut courir la peinture. Ayant conquis sa pleine liberté, jusqu'où ira-t-elle? Quel chemin n'a-t-elle pas parcouru depuis? Des artistes, victimes de leur imagination, ont sombré dans le cauchemar, dans le chaos. Pour avoir dérobé le feu sauveur au char du soleil, Prométhée courut à la catastrophe. Et pourtant ne vaut-il pas la peine de risquer le tout pour le chef-d'oeuvre qu'on aura réussi! C'est ce que tente le groupe intéressant des artistes qui ont exposé au Séminaire.
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Guidés, ou plutôt lancés, pour ainsi dire, par le R. Père A. Couturier, o.p., ils vont en marge de l'école, en dehors des sentiers battus. Ils ont déjà fait parler d'eux, tant il est vrai que l'art se renouvelle dans le scandale. Soit dit pour les pharisiens!

Or ils sont nombreux parmi nous. Illogisme des uns qui acceptent le meuble moderne, le nouveau modèle d'automobile, la dernière fantaisie en fait de chapeau, et que sais-je? Obstination des autres qui, par éducation, par tempérament, n'aiment pas à modifier les jugements qu'ils se sont faits sur l'art. Ils n'évoluent pas; ils se moquent de toute nouveauté; ils aiment mieux le chiqué et la camelote; le faux marbre, la potiche simili terre-cuite, le bronze en plâtre ou le plâtre bronzé, les fleurs artificielles et les chromos; ils écoutent volontiers et à coeur de jour la plus mauvaise musique que nous sert la radio.

Or, c’est précisément pour la franchise, la sincérité dont ces artistes font preuve dans leurs oeuvres, qu'ils se mettent à dos une bonne partie de ce public pour longtemps gagné à l'art de la copie. Pour ces mêmes qualités, pour cette même probité, répétons-le, ces artistes ont droit à ce que nous leur fassions crédit. En voie d'énergie, ils sont en train d'écheniller le jardin de nos muses et de rénover l'art chez nous!
(Père Wilfrid Corbeil, c.s.v.,L'Estudiant, Février 1942 Vol. 6 - No. 3)

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