Mais c'est surtout à l'individu lui-même que sont destinés les plus grands biens de formation qui accompagnent l'étude de la musique, car la puissance formatrice de la musique s'étend aux plus nobles facultés de l'être humain. L'artiste doit accumuler en soi toutes les formes du penser, du sentir et du vouloir. (Combarieu). C'est donc que cette influence s'étend à la sensibilité, à l'intelligence et à la volonté.

     La musique éduque la sensibilité, l'homme sensible est l'homme social: celui qui comprend les autres. L'étudiant, doué d'une sensibilité supérieure, due à la musique, est préparé à tout le reste de l'éducation, car “quiconque sent plus vivement, comprend plus profondément”. [...]

     On pourrait ajouter que la musique développe le sens du rythme et de la mesure, et qu'elle entraîne à la maîtrise de soi; mais il ne faudrait pas oublier toute l'importance que l'étude des diverses sciences musicales réserve à l'imagination, qui dans la composition est une des premières servies; car, dans une pièce musicale, plus il y a de trouvailles, subordonnées au principe d'unité qu'on doit retrouver dans toute composition, plus elle a de chance de durer.

Or, au Séminaire, nous avons le grand avantage de pouvoir ouvrir notre esprit à la culture musicale, qui en est réellement une, comme les lettres, de faire nôtres les qualités formatrices qui l'accompagnent.      Dès les premières classes du cours classique, on apprend la gamme en même temps que “rosa”; il y a des classes obligatoires de solfège théorique et pratique. Le solfège trouve immédiatement son application pratique dans le chant en commun, liturgique et profane.

     Vingt-cinq privilégiés font partie de la chorale de chant grégorien, dirigée par M. l'abbé Lanoie, élève de M. l'abbé Clément Morin, directeur de la chorale du Grand Séminaire de Montréal. Je dis privilégiés, car le chant grégorien est certainement l'une des formes les plus parfaites de l'Art. [...]

     Pour les pièces de musique profane, on a formé une chorale à six voix, sous la direction du Père L. Bellemare. Cette chorale s'exécute dans les grandes circonstances. Elle a déjà pris part aux concerts bisannuels que donne l'orchestre, et elle aura sa place au prochain, paraît-il. Au cours des fêtes du Centenaire qui auront lieu en juin, elle jouera certainement un grand rôle. […]

     Quoiqu'il ne faille pas dédaigner la musique vocale, c'est surtout par la musique intrumentale, et de préférence l'orgue, le piano et le violon, parce que ce sont des instruments complets en eux-mêmes, que l'on pénètre plus intimement au coeur de l'art musical. Aussi le Séminaire met-il à la disposition des élèves deux excellents professeurs, M. Georges Lindsay, Prix d'Europe 1934, professeur d'orgue et de piano, et le Père Rolland Brunelle, c.s.v. Ils comptent respectivement quarante-sept et quarante élèves. Ces élèves ont à leur disposition une vaste salle de musique, où ils pratiquent régulièrement tous les jours. À la fin de l'année, ils donnent un récital; cette apparition en public leur procure une occasion de se maîtriser, et d'acquérir les dons et les talents d'un interprète.

     Mais l'orchestre est sans contredit le corps principal de musique instrumentale au Séminaire. Un orchestre symphonique dans un collège classique est certainement une organisation unique dans le Québec, et peut-être dans tout le pays. De concert en concert, les instrumentistes prennent de l'assurance et on peut jeter les yeux sur des pièces plus difficiles.[...]

     Le prochain concert s'annonce déjà avec un programme très varié composé de musique instrumentale et de musique vocale; on entend parler un peu du premier concerto pour piano de Beethoven, de La Pavane pour une Infante défunte de Ravel, de la Marche des petits faunes de Pierné, et d'autres pièces aussi intéressantes les unes que les autres. Une assistance enthousiaste et nombreuse encourage cet ensemble musical qui élève le niveau artistique de Joliette et qui sert à lui donner un bon renom dans les villes avoisinantes.

     Il y a de plus, au Séminaire, des organisations qui permettent à ceux qui font déjà de la musique vocale ou instrumentale de se cultiver davantage, et à ceux qui n'en font pas du tout, de ne pas échapper complètement à la formation due à la musique. [...]

     Tous les dimanches après-midi, le cercle musical nous invite à écouter le concert de l'Orchestre symphonique de New-York. Quelquefois, au cours des congés il y a des auditions de disques; aussi, à l'ocasion, le Père Marion répète les conférences qu'il donne aux cours d'été de l'Université Laval. De plus, des variétés d'une musicalité agréable sont déjà à l'affiche.

     C'est dans ce même but de formation artistique qu'a été fondée la Société des Amis du Séminaire qui met les élèves et la population de Joliette en relation avec les artistes canadiens-français les plus compétents, et même avec les meilleurs représentants de l'art des pays étrangers. Cette société, habilement administrée par le Père Corbeil offre à ses membres, de saison en saison, des concerts d'une valeur artistique plus élevée.

     La saison présente, selon les paroles du Père Corbeil lui-même, offre un programme extraordinaire, comparable à celui de n'importe quelle autre société du même genre. [...]

     La musique, surtout par ces derniers temps, s'est tellement développée dans notre Québec, et principalement à Montréal, que le Séminaire, qui veut en ses élèves des modèles dans la société, des hommes complets, tient à leur procurer l'occasion et les moyens de culture, de formation musicale nécessaires à toute jeunesse moderne.