Les mécanos |
Les mécanos
Montez tirez plus haut trop haut baissez pas trop
Cest bon, fixez!
Ce langage cabalistique d'arrière-scène, pris au vocabulaire du Père Corbeil, n'est accessible qu'à un groupe initié d'élèves qu'on appelle Les Mécanos.
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Les Mécanos! ce vocable, depuis
nombre d'années, fait partie du glossaire de nos institutions locales et désigne les
élèves chargés d'apporter leur concours au bon fonctionnement des divers services de la
Salle académique. Ces élèves, bons copains, gais et débrouillards, n'ont qu'une ambition: servir. La préparation des décors, leur agencement final dans un jeu de lumière approprié, requièrent, pour créer l'atmosphère désirée, leur force musculaire, leur habileté, leur goût, leur patience et leur bonne volonté. |
Placés sous la direction du maître régisseur, le Père Corbeil, qui en est à sa 21e année d'expérience, Les Mécanos sont les fidèles propagateurs hélas inconnus! de la tradition artistique au Séminaire. [ ]
Essayons de scruter cet envers du décor oh! légèrement, car on dirait que la plume se refuse à décrire l'activité des mécanos, tellement il y a de choses à réaliser en même temps et de découvrir le secret qui entoure la vie de ces manoeuvres.
Avant tout spectacle, on est loin de l'éblouissement final, de l'ensemble de couleurs aux tons chauds, aux reflets chatoyants. Mais le succès ne se fait pas seul. Il ny a pas de Deus ex machina qui, dans un seul instant, fait surgir le décor du plancher. Ce sont les Mécanos qui, par un travail ardu et persévérant, construisent de leurs efforts le spectacle que l'on admire.
Né dans l'imagination du Père, le décor fait son entrée, peint sur un carton-maquette. Après une première contemplation vient l'étude approfondie des dimensions. Le plan se verra bientôt réalisé à l'échelle voulue: on tend des cotons sur les supports fabriqués par les Frères menuisiers, on découpe les panneaux de Ten-test, on s'habitue à l'odeur de la colle-de-poisson qui chauffe, on délaye les poudres colorées, puis c'est l'arrivée du Père, en costume d'apparat qui s'en vient donner le revêtement artistique à tout ce matériel encore blanc. |
Après avoir orienté les panneaux en vue de la lumière qu'ils recevront, sans hésitation, le Père prend le pinceau le plus souple, bougonne un brin, et d'un geste aussi auguste que le geste du semeur, il ébauche à grands traits son dessin.
Pour les couleurs uniformes, les pleins comme on les appelle en notre langage, le. Père invite les Mécanos à y aller de leurs talents:
-- Innocent, pas comme ça! on ne revient jamais avec son pinceau, toujours une seule direction
-- Voyons, voyons, mettez-en!
-- Bon, c'est beau de même, allez-y!
-- Vite, vite, si on veut finir ce soir!
Et à travers ce dialogue, le montage s'estompe selon les lois de la perspective et de lordonnance, donnant à chaque panneau, une fois séché, sa place bien marquée et son rôle bien défini.
Reste l'éclairage à fixer: les peintres-mécanos deviennent subitement experts-électriciens: ils dissimulent les fils nécessaires à l'ajustage des réflecteurs, installent les rhéostats et préparent les interrupteurs. Sous les feux synchronisés des réflecteurs garnis, de transparents colorés, les décors et les costumes prennent un aspect nouveau dont le spectacle qui va bientôt commencer saura s'enrichir. Non toutefois sans que les costumiers naient tenté de rendre plus jolis ceux qui ne le sont pas ou de rendre plus laids ceux qui ne le sont pas assez.
Les trois coups du bâton traditionnel, le brigadier, précèdent le lever du rideau. Le décor est prêt, un ordre est donné, la gamme de toutes les couleurs, du bleu, du rouge et de lambre, attend son heure Alerte! au dernier instant, noirceur complète Chacun en son poste, vérifie ses connections: le trouble est localisé: un fusible vient de brûler, on le change, le jour revient, le jeu s'ouvre. [ ]
Voilà le travail et le rôle des Mécanos. Nos prédécesseurs l'ont rempli avec joie, et nous sommes fiers de faire notre part à notre tour. L'équipe d'aujourdhui est prête à de nouvelles réalisations, toujours sous l'égide du Père Corbeil, pour que la tradition artistique du Séminaire garde toujours sa réputation de beauté et de tendance à la perfection.