L'Estudiant, Mars 1937, Vol -
No 5 |
Brosses
Au cours des siècles précédents se sont succédés la mode de la Pompadour, celle de la perruque, celle des cheveux courts. Le vingtième siècle cherchait en vain une formule nouvelle: il n'avait encore rien produit. Alors nous, les rhétos, nous avons inauguré une nouvelle mode, la mode des brosses!
Je vous sens venir: vous allez m'objecter que... ce n'est pas très joli. Allons donc! C'est que vous n'avez pas bien examiné les brosses. Le psalmiste avait bien raison de dire: -- Oculos habent et non videbunt! Ce qui doit plaire, ce qui plaît avant tout chez l'homme, c'est le caractère, c'est l'attitude viriles. Or, dites-moi, mesdemoiselles (car c'est de vous surtout que viennent les réprobations), est-il quelque chose qui soit de nature à viriliser davantage que la brosse? La raideur de cette coupe de cheveux ne donne-t-elle pas un air brave et décidé? [...]
Ti-Jean, notre dévoué président, a lui-même donné l'exemple, d'abord en se faisant tondre l'un des premiers, puis en jouant nu-tête, à l'aréna, devant de nombreux spectateurs et de non moins nombreuses spectatrices, sans être affecté le moindrement. Au contraire, il jouait, paraît-il, avec un entrain sans égal!
Et Ti-Ken? Un brave, celui-là! Impitoyable, malgré les pleurs de sa dulcinée, il a fait tomber sous le ciseau du barbier sa magnifique chevelure ondulée dès qu'il a vu qu'il s'agissait du bien public, d'un acte de collectivité. Aussi sa bravoure et sa ferme attitude ont-elles converti plusieurs confrères à notre cause. [...]
D'ailleurs, la mode est à la brosse, bientôt on ne verra que des brosses et les siècles futurs, dans leur reconnaissance, sauront nous remercier et nous louer, nous qui en sommes les pionniers!
Marcel Robitaille
Rhétorique