La collection...
Peut-on y échapper ?

L'écrivain Italo Calvino compare la collection à un journal intime où le collectionneur s'inscrit, jour après jour, objet par objet. Elle peut tout aussi bien être l'espace où s'exprime une rigidité intellectuelle ou bien le terrain propice au développement de sensibilités créatives.

Dans La vie étrange des objets, Maurice Rheims en parle comme d'un désir instinctif que l'on retrouve chez certains animaux. Par exemple, la pie voleuse amasse dans son nid de petits objets sans but utilitaire et le viscache d'Amérique du Sud disperse dans son terrier qui couvre souvent sur quelques kilomètres carrés, divers petits objets subtilisés à son entourage.

Il est fascinant de constater comment sous ce chapeau de la collection s'abritent des collectionneurs de tout acabit, aux oeuvres multiformes, de natures multiples. Chaque collection est objet de curiosité et captive par sa méthodologie de classement, sa documentation, la qualité ou la quantité des éléments qui la composent.

La collection est à la fois système organisé, architecture, organigramme et organisme vivant. Le collectionneur construit de toutes pièces une oeuvre composée d'objets auxquels il attribue une valeur. Certains s'accommodent de règles fixes, d'autres naviguent à leur guise selon leurs propres critères. La collection publique, pour sa part, affirme des valeurs, des consensus et une identité sociale.

Si la collection est un antidote à l'angoisse métaphysique, un régulateur de tensions, une assurance de se survivre, elle déjoue principalement la perception du temps chronologique. Cette problématique du temps est inhérente à la collection.

En transposant le temps réel en une dimension systématique, le collectionneur se joue de l'irréversibilité de la vie.

[SJ]