De la réserve
à l'action publique

Entre 1987 et 1990, des musées et des centres d'exposition m'ont invitée afin d'animer des Actions-rencontres sur l'art de la performance. Pour l'occasion, le temps d'un moment «performatif», des oeuvres d'art et des objets d'autres époques subissaient une mise en lecture tout à fait inusitée. Ils devenaient des artefacts dynamiques.

Je jumelais des diapositives, des extraits sonores, des objets provenant de performances variées avec des oeuvres de collection du musée qui me recevait. Après une petite visite des réserves, je formais des installations à l'aide d'artefacts de différentes natures. Avec tous ces objets rassemblés, j'exécutais des actions et inventais des mises en situation illustrant mon propos : l'art de la performance au Québec entre 1970-1985.

À la suite de cette tournée des Actions-rencontres  à travers le Québec, je me suis lancée dans une recherche d'artefacts visuels, sonores et textuels de l'ensemble des performances du Québec et du Canada au cours des années 1980. Quelle histoire à la fois diversifiée et parsemée de récurrences ! Ce fut pour moi un processus de «collectionnement», de classement et d'assemblage fort complexe qui dura plus de deux ans.

Il existe beaucoup de traces résiduelles de performances mais leur nature, leur provenance et leurs caractéristiques diffèrent considérablement. Une telle panoplie d'images fixes ou en mouvement m'a contraint à une observation minutieuse des détails et des différences.

Ma méthode de classement établit donc des connexions multiples en rapport avec les motifs, les thèmes, les actions représentées, les objets et certains traits dominants ou non. J'ai dû établir un système de regroupement pluriel et ouvert, dicté par maintes ramifications analogiques, par filiations, certaines correspondances formelles ou virtuelles se référant davantage à des atmosphères.

Comme la vidéo fonctionne par système de contagion d'une image sur une autre, le médium vidéographique m'a permis d'orchestrer une succession judicieuse des artefacts sélectionnés. En accolant à d'autres images une photo anodine d'un geste d'à peine une seconde, et ainsi de suite, j'ai tracé une empreinte de l'art de la performance.

À l'aide de cette collection de documents-témoins, j'ai réalisé une «mise en acte» de références visuelles. Cette bande vidéo, L'Art de la performance/L'art du changement, recèle une quantité représentative d'artefacts de performances et l'on sent fort bien leur pouvoir d'évocation. Preuve que...

«Mettre ensemble des images, des objets, c'est leur donner la parole ; c'est utiliser les artefacts comme des mots qui prennent un sens dans leur cohabitation avec d'autres, comme dans une phrase.»

[JT]

Le médium de la photographie, la pratique de l'installation et l'art de la performance ont beaucoup influencé les oeuvres d'art qui réinventent à la fois la notion d'artefact et les méthodes reliées à la collection.

La photographie comme la vidéo nous permettent de capter, d'immobiliser des éléments d'une collection à caractère plus virtuel. En ne conservant que les instants de leur capture, on peut désormais choisir de collectionner des attitudes, des parties du corps, des mots, des animaux, des actions, des moments de vie, des éclipses...

Les performances

sont-elles des collections d'actions ?

[ST]

* Action/Rencontre sur la performance, Musée d'art de Joliette, 1988, photo Eric Paren.
* Action/Rencontre sur la performance, Musée d'art de Joliette, 1988, photo Eric Paren.
* Performance Trois actions pour une distanciation, Galerie Verticale, Laval, 1996, photo Jean-Marie Savage.
* Objets de la performance Trois actions pour une distanciation, Galerie Verticale, Laval, 1996, photo Jean-Marie Savage.
* Action/Rencontre sur la performance, Université Concordia, 1987, photo Madeleine Doré.