Parcours désordonné Propos d'artistes sur la collection |
Photo Danielle Binet | |||
Jocelyne
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Dans Parcours désordonné :
De la réserve à l'action publique
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Jeux de bois
Il y a quelques années, j'ai amorcé une réflexion sur les possibles ancrages de la sculpture dans une tradition qui serait nôtre.
Primal Spirit, l'exposition des sculpteurs japonais au Musée des beaux-arts du Canada en 1991, me confirma la possibilité de relier l'art contemporain aux racines d'un peuple sans pour autant le faire sur un mode nostalgique comme le fait ici l'art dit de «cabane à sucre». Si cette pratique arrive cependant à survivre c'est qu'elle rejoint des fibres qui ont tissé notre devenir collectif ; elle parle entre autres de notre relation profonde à la forêt comme habitat, nourriture, loisir et cadre d'une certaine mythologie.
Mythologie qui a façonné mon imaginaire d'enfant car, née dans un petit village de Charlevoix (à l'orée du parc des Grands Jardins), j'ai grandi entre les histoires de braconnage, de feux de forêts, les «chouennes», les «peurs» et l'attente saisonnière des produits de la chasse et de la pêche. En somme, j'appartiens à cette forêt d'épinettes noires comme d'autres au fleuve ou à la mer.
C'est ainsi qu'à défaut d'une relation intime et précoce à l'art et à son histoire, j'ai assimilé un savoir-faire considérable sur la transformation du bois pour la survie. C'est à cette connaissance primitive que je puise pour re-connaître le bois, l'apprécier, le choisir. Qu'il s'agisse de troncs de sapins de Noël, de bois de chauffage, de madriers prélevés sur des chantiers de démolition, de rebuts des cours à bois ou de son sous-produit culturel, le livre, c'est toujours le caractère précieux du bois qui me fascine et que je tente de lui restituer, non pas en le travaillant mais en le présentant dans tous ses états.
Alors que Jeux de bois I (Lachine, 1993) tentait d'élaborer un langage sculptural à partir de gestes primaires (couper, fendre, empiler, corder), de procédés rudimentaires d'assemblage et de mise en forme pour créer masse et densité, Jeux de bois II (1994) s'enracine dans un sol plus personnel : celui de l'enfance, de l'histoire qu'on se raconte de soi-même à soi-même et qu'on ne communique aux autres qu'avec une certaine pudeur, avec le timide sourire du : «excusez-la».
Je me suis réinstallée récemment à la campagne et le bois est vite devenu le véhicule du passage, du glissement continuel entre l'art et la vie : les mêmes gestes, les mêmes outils, la même brassée de bois pouvant nourrir tantôt le feu, tantôt l'oeuvre...
S'ajoute mon souci de collectionner : accumuler, identifier, sélectionner, répertorier, conserver, qui s'impose à la manière de mes premières collections de cailloux, pour devenir de plus en plus systématique dans un phantasme de préservation d'une espèce en voie de disparition, d'oubli.
En somme, Jeux de bois II s'alimente à la tranquille énergie de ce qui dort : l'enfance, l'histoire et tente de leur fabriquer un lieu de conservation, de repos... un musée.
Par ce travail se continue avec une touche d'humour, cahin-caha, une réflexion sur la culture : celle qu'on a, celle qu'on aurait souhaité avoir et celle qu'on se fabrique...
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Jocelyne Tremblay | |||
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