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Propos d'artistes sur la collection
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Collection création

par Sylvie Tourangeau
Version intégrale parue dans Parcours désordonnée



L'oeuvre-collection -- stratégies d'intervention
tentatives de rapprochement

Tant que la liberté est fondée sur la violence
et la pratique de l'art sur les privilèges,
les oeuvres d'art tendent à être des prisons,
les chefs-d'oeuvres des complices du pouvoir [1]


Choisir, trouver, accumuler, répertorier, classer...

S'investir dans des actions reliées au processus de la collection comme mode d'apprentissage, outil de connaissance et agent de développement d'une identité individuelle-collective ou encore d'une vision du monde, fait partie de notre vie de tous les jours. Pour l'artiste contemporain, réaliser une oeuvre-collection semble appartenir à une autre histoire.

En effet, à travers les rencontres avec M. Laurier Lacroix tout au long du laboratoire collectif sur la collection, nous avons abordé des éléments de définition de la collection, son parcours historique, comment celle-ci peut intervenir dans l'apprentissage et la construction de l'identité d'un individu tout en nous tenant l'oeil ouvert vers ce qui s'en différencie, s'en éloigne. Cette polyvalence vis-à-vis les différences et les similitudes entre la collection et le processus artistique nous a maintenus dans un état constant d'observation des composantes de l'activité artistique.

En soi, «l'activité de collection nous invite toujours à établir des rapports qui n'ont pas été vus et reconnus dans cette forme auparavant. Dans cette activité de réorganisation la collection et la pensée possèdent le même potentiel créateur» [2].

Pourtant ce potentiel se canalise dans plusieurs champs d'action, en réponse à des objectifs de toutes sortes. Qui collectionne? Que collectionne-t-on? Pourquoi et comment collectionne t-on? Une foule de réponses deviennent possibles et bien d'autres problématiques font surface lorsqu'il s'agit, en plus, de les orienter en rapport avec une identité, un statut d'artiste et un langage plastique. Pour s'y reconnaître, il nous a fallu laisser un interstice entre la collection et l'art, conserver la distanciation nécessaire pour mieux s'y voir. Cette marge de manoeuvre a permis à l'information de se propager, a assuré la circulation des échanges entre les artistes et canalisé l'expérimentation vers des positionnements individuels.

- Est-ce que l'application des méthodes reliées à la collection (série, multiple, accumulation, classement, répertoire, etc.) dans le processus et la présentation d'une oeuvre d'art contemporain lui confère l'appellation d'oeuvre-collection?

- La simple introduction d'un procédé relié aux étapes de la collection implique-t-elle un questionnement du système de la pensée ou de celui de l'art?

- L'imitation, l'altération ou l'appropriation des règles et méthodes de fonctionnement des musées deviennent-elles une caractéristique essentielle d'une oeuvre-collection?

- Est-ce qu'à lui seul le choix d'instaurer des nouveaux modes et éléments de mise en ordre fait évoluer les principes de la collection ou du langage artistique?

- À quel moment le changement de fonction d'un objet remet-il en cause un mode de pensée ou précise-t-il certains rôles de l'art?

- Une fois que sont introduits des principes de collection à l'intérieur du langage de l'oeuvre d'art une fonction critique apparaît-elle automatiquement?

N'ayez crainte... le présent texte ne tentera pas de répondre à ces questions... ni de définir l'oeuvre-collection. La transmission des interrogations garde l'art vivant.


Quelques caractéristiques de l'oeuvre-collection

«D'une façon très générale les oeuvres-collection [...] sont des oeuvres dans lesquelles sont mis en scène divers aspects propres à ce mode particulier d'intelligibilité du monde qu'est l'acte de collection en lui-même» [3]. On a pu retrouver «des formes subtiles de collection utilisées comme moyen d'expression artistique. Un grand nombre d'artistes utilisèrent la collection comme activité directe ou ils s'en inspirèrent en réunissant des archives ou des inventaires, ou alors en créant des reconstructions et des musées. Cette façon d'élever la collection au niveau de forme d'art découle d'une longue tradition liant les collections et la production artistique» [4]. Mais c'est «à partir de l'acceptation du fragmentaire et d'une dissémination du réel, que le principe général de collection peut ainsi être mis en oeuvre, dans un contexte artistique qui semble rompre pourtant avec les principes fondamentaux dont relève l'acte de collection.» [5].

Et en ce qui a trait à la transposition de l'univers de la collection, Christine Dubois soulève que la structure interne de l'oeuvre-collection se lit souvent par le même et le différent et c'est également de cette façon que la part du discours de l'artiste est offert au regardeur. La notion d'emprunt apparent et la répartition des objets, des images suscitent, lors de la réception, des réseaux de sens.


Observations générales sur l'oeuvre-collection

Les oeuvres-collection portent en elles une certaine complexité parce qu'elles utilisent à la fois des procédés de classement reliés à l'intelligibilité humaine et des modes de langage artistique. Le contexte historique, la mise en espace des oeuvres, les choix de mises en représentation ajoutent d'autres significations. Les modalités d'inscription de l'oeuvre dans le système de l'art font de même.

Les problématiques émises par l'oeuvre-collection s'orchestrent dans un registre très étendu d'éléments et de manières. On remarque l'attention portée à la manière d'agencer les composantes dans leurs moindres détails, l'ordre de succession des étapes dans le processus, l'importance accordée à un élément plutôt qu'à un autre, le va-et-vient entre l'implicite et l'explicite, la manipulation du sens, des fonctions, des modèles, les corrélations entre vision sur l'art et pratique artistique.

Les enjeux d'une oeuvre-collection posent le problème de l'accès du spectateur au système interne qui régit l'oeuvre mais également au système extérieur à l'objet présenté soit celui des fonctions de l'art dans la société contemporaine. Par sa matérialité, ses aspects formels, ses modes de langage et la façon dont celle-ci s'incorpore dans le lieu physique et l'espace de perception du regardeur, l'oeuvre-collection instaure une dynamique de fusion et de différenciation avec les modèles dont elle se sert. Dans ce sens, je m'associe à cette idée que l'oeuvre-collection doit être avant tout une oeuvre-débat.

La prise en compte du fonctionnement de la pensée agissante et des modes d'intervention du langage plastique amène un jeu de correspondance ou de dissonance dans la lecture de l'oeuvre-collection. Certaines réalisations démontrent une prépondérance de la «systématique sur la thématique» (Baudrillard) alors que d'autres illustrent le contraire quelle que soit la quantité d'éléments choisis.

Au départ, cette pratique conteste certaines notions comme le principe unificateur (totalitaire), la valeur de vérité, l'art et la vie; elle affirme que des systèmes différents peuvent être de valeur égale et que toute stagnation empêche le développement de l'imaginaire et par ricochet des modes de langage (plastique ou autres).

Selon Krzysztof Pomian, «on ne saurait parler de collections sans aborder les problèmes politiques, économiques sociaux» [6], de même que l'on ne pourrait extraire d'une oeuvre-collection l'intention de défaire des principes associatifs qui ont servi à catégoriser l'oeuvre d'art. Je pense entre autres à celles de Wölfflin dans ses «cinq oppositions terme à terme dans la réalisation de la forme linéaire/pictural -surface/profondeur -ouvert/fermé- multiplicité/unité clarté absolue et relative» [7] et toute une panoplie de systèmes d'associations dichotomiques, binaires ou autres pourraient, ici, s'ajouter.

L'oeuvre-collection et les invités des Ateliers convertibles [8]


Au cours des années 1970 et des années 1980 plusieurs «artistes se sont servis du musée en tant que format ou comme cadre de présentation en jouant sur certains aspects de son rôle social et historique, son prestige traditionnel, sa manière d'organisation» [9].

Les ressemblances avec le comportement du collectionneur et l'oeuvre-collection s'établissent pour certains à l'étape du processus. D'autres l'accentuent dans la mise en représentation; l'artiste invité Guy Blackburn intensifie différemment ces traits de caractère selon les particularités de ses oeuvres. Ceci a pour effet de donner parfois des oeuvres-collection s'inscrivant plus ou moins dans la tradition tout en reprenant certains procédés reliés à la collection. Cette polyvalence et ces jeux d'identité sont aussi notés dans des ouvrages sur Denis Lessard et Annette Messager. Notons aussi la position particulière d'un des conférenciers, M. Jacques de Tonnancour dont la production artistique est depuis quelques années entièrement transposée dans ses cueillettes d'insectes exotiques.

L'appropriation du musée dans ce type d'oeuvres donne lieu à des «récupérations» des plus évidentes aux plus subtiles, l'artiste en endossant ou non le musée comme figure dominante en matière de diffusion artistique. Certains se contentent d'imiter ou de se dissocier des structures organisationnelles de ces lieux d'art alors que certains artistes passent du musée réel à un musée imaginaire ou encore à un musée personnel. Ils allient connaissance, mémoire et fiction qu'ils conjugent à l'espace autobiographique.

Le workshop donné par Mme Irène Whittome nous a mis en contact avec ces jeux d'interprétation entre la mémoire et l'intime, à l'intérieur d'actions et de représentations semi-publiques. Cet atelier pratique a sensibilisé les artistes-participants à la valeur très connotée d'un objet leur appartenant. Comme on le sait, la notion d'objet en est une très complexe et en constante évolution. Pourquoi choisit-on un objet? L'objet n'est-il là que pour lui-même? Comment compose-t-on avec des significations, des fonctions d'ordre usuel et d'ordre symbolique? Dans une oeuvre, comment dissocie-t-on l'objet en soi et le rapport que l'on adopte avec lui? Que mettons-nous en exposition, des choses ou «la présence des choses»?

Pour cette artiste du «travestissement du musée d'histoire naturelle en un musée imaginaire» chaque élément est un signe. Ainsi chaque artiste avait à faire une présentation de lui-même et de son travail avec la préoccupation suivante : chaque attitude, chacun des gestes posés, des manières de s'exprimer et de communiquer avec l'autre a un sens.

Encore une fois, le développement de l'attention de l'artiste face à son identité et à son propre discours lui a apporté une conscience des nombreux enjeux même si ceux-ci se logent souvent dans des détails. Face à l'oeuvre-collection, la sensibilisation à l'organisation spatiale s'est révélée essentielle. À la suite de cette fin de semaine marquante, les créateurs présents associent aussi musée à «état d'esprit».

Dans ce contexte, l'oeuvre-collection permet à l'histoire de l'art et à l'histoire personnelle de se côtoyer et convie l'artiste à «apposer sa griffe»...

Le stage de M. Denis Lessard quant à lui abordait de front la problématique de l'encodage des images et des objets trouvés ou fabriqués. Les différentes expérimentations à caractère multidisciplinaire (dimension sonore, actions, textes, représentations visuelles par rapport aux objets) nous ont mis devant la constatation suivante : accumuler n'est pas collectionner de même qu'accoler des images de même nature n'est pas constituer une oeuvre-collection.

Les choix de l'artiste mettent «en ébullition» d'innombrables couches de sens, mais voilà qu'il faut les organiser, privilégier des mises en lecture. La technique de l'assemblage et du collage nous a fait comprendre à quel point les mises en lecture des images et des objets peuvent être directes ou indirectes, implicites ou explicites. Ces exercices ont remis en question notre définition d'une oeuvre accessible.

La conférence de M. Denis Lessard (sur son travail d'artiste) nous a stimulés à choisir des matériaux variés. Cette non-hiérarchie étalée au grand jour nous a poussés à diversifier la nature des éléments de nos oeuvres à venir...

Avec l'artiste et architecte Jean-François Pirson, nous avons réalisé une oeuvre en rapport avec la dynamique et le prolongement du corps et de l'objet, soit un masque-heaume. Encore une fois, nous devions nous investir dans une action individuelle présentée devant un public restreint.

Dans un sens très large, il nous a familiarisés avec une façon de travailler où l'attitude physique et l'attitude mentale se réunissent pour entretenir un rapport privilégié avec un objet fabriqué.

«L'attitude du poète qui est au monde» correspond à une certaine «disponibilité d'être» par laquelle nous sommes à la fois dans le moment présent et aussi liés à une connaissance de la tradition. Nous nous investissions dans des actions suscitées par les mouvements du corps, eux-mêmes déterminés par le port d'objets construits à même les lignes de force de ce corps.


Fonction critique-stratégies d'intervention

Devenir stratège pour ne pas mourir
Suzanne Valotaire [10]

Les artistes se plaignent de l'histoire de l'art conventionnelle parce qu'elle passe à côté des détails les plus fins comme les aspects les plus importants de l'activité artistique. [11]

Les stratégies d'intervention de l'artiste se retrouvent dans toutes les étapes (conceptualisation, fabrication, présentation) d'une oeuvre d'art. Les visions sur l'art, les intentions, les modes de langage du créateur sont canalisées dans les méthodes de travail, les matériaux employés, les médiums choisis, le langage plastique privilégié. Les apports thématique, iconologique, iconographique, sémantique viennent ajouter d'autres sens et préciser certains enjeux. Rappelons-nous aussi le rôle joué par les éléments qui échappent à ces nominations. A seule fin d'ironiser ... je dirais «le plaisir de choisir».

«Les stratèges de l'art» spécifient, personnalisent, raffinent leur travail et précisent certaines avenues dans lesquelles le spectateur peut s'engager. Opérer des stratagèmes fort bien combinés est une affaire d'identité et de sens mais aussi de mises en distance continuelles au sein des actions et des réflexions. Dans le processus artistique interviennent aussi des observations; des détachements constants sont nécessaires à «trouver par accident». Il s'agit «d'organiser des coïncidences» même si ces combinaisons paraissent, à première vue, obéir à une certaine cohérence globale, convergence de significations et d'effets.

Ces stratèges de l'expression tentent d'ironiser, de déjouer l'évidence, d'obtenir des effets spectaculaires en s'immisçant telles des subtilités de langage par des «menues manoeuvres» (Sontag) à l'intérieur et autour de l'objet d'art. On désire «préserver l'indépendance de l'art en utilisant la parodie, la critique ou les équivoques créatrices» [12].

Les stratégies d'intervention sont illimitées. Elles engagent une attention particulière de la part des créateurs et des spectateurs et visent à l'autonomie de l'oeuvre et du discours de l'artiste. Celles-ci témoignent de la trajectoire entre vision et articulation (Payant) et de la projection des prises de conscience vers l'extérieur. Est-il possible que les stratégies d'intervention s'instaurent sans détachement, sans phases d'autocritique?

Le créateur n'est pas à l'abri de la stagnation, il doit aussi se défaire de certains schémas de pensée, ou remettre en cause des principes associatifs, des catégorisations afin d'opter pour «la prolifération des formes et l'incongruité, la gratuité des rapprochements», «l'échappée continuelle du référent» et le glissement des significations. Bref, devenir à la fois délicat et subversif, piquant et spirituel...

Ces positionnements semblent inséparables du rapport aux spectateurs, de la connaissance des rôles et du fonctionnement de l'art et de l'histoire de l'art (en train de se faire). Ce dernier facteur devient décisif pour les oeuvres-collection ne serait-ce que pour altérer, travestir, métaphoriser avec humour et ironie...

Grâce à la qualité des stratégies d'intervention déployée dans les oeuvres-collection les artistes ont réussi non seulement à renouveler le genre (la tradition est déjà là) mais à générer de nouvelles manières de faire et de nouvelles manières de regarder.

Cette transformation constante s'opère entre autres parce que «les symboles changent suivant le contexte et se développent avec l'usage. C'est précisément cette fluidité, et non leur capacité de représentation directe, qui les met au coeur de la pensée et de l'action» [13]. Cette capacité d'adaptation face aux époques exige un engagement de l'artiste et «être engagé(s) dans le présent, c'est être attentif au contexte dans lequel se joue l'art actuel, environnement politique, social, économique, esthétique, mais cela se traduit aussi par une présence à l'oeuvre en tant qu'objet» [14].

Dans l'oeuvre-collection, la fonction critique doit prendre le dessus sur les aspects formels ou les tentatives de déconstruction du système de l'art. Elle se pose a priori. Christine Dubois observe que les oeuvres-collection postmodernes se différencient des oeuvres du Pop Art utilisant la série, la répétition, l'accumulation par une mise à distance critique aux ramifications tentaculaires. La distanciation s'opère par une foule d'éléments sans que les choix formels prennent un place prépondérante.

On comprend mieux pourquoi les oeuvres-collection font interagir des dimensions autobiographiques, auto-référentielles et auto-réflexives.

«Ce qui distingue alors l'art du passé et l'art actuel ce n'est pas un degré d'intensité d'auto-réflexion, mais plutôt un degré de transparence de cette réalité auto-réflexive» [15] tout en assumant que subsistera toujours «l'ordre caché de l'art» (Anton Ehrenzweig) même si nous déplaçons les limites de cet ordre.

Le laboratoire-collection et ses stratégies d'intervention


-Trois têtes valent mieux qu'une-

Ici, trois paires d'yeux se fondent pour ne former qu'un seul point de vue. Les autres lignes de vision sont tolérées autour de la table de conférence, mais lors de nos apparitions en public, la solidarité est essentielle. Il est bon pour l'équipe d'avoir un but ou d'élaborer un plan pour la maintenir dans la bonne voie. Après avoir réussi à «arracher un compromis, les autres viendront plus facilement.

General Idea [16]

Réaliser une publication collective a entraîné les créateurs des Ateliers convertibles à articuler «publiquement» leur démarche et ce principalement à l'aide des mots, des images. Cette «prise de parole» par l'écriture nous fait voir les rapports que nous entretenons habituellement en tant qu'artistes en arts visuels avec ce médium. Nous avons été poussés à observer de quelle façon chaque individu s'est inscrit dans «cet acte de langage» où l'impact du discours comporte une dimension sociale et une certaine portée historique : «les écrits restent».

Faire l'expérience d'écrire seul ou dans un collectif d'artistes, écrire pour soi ou pour un lecteur impliquent des différences énormes dont nous sommes maintenant conscients.

Par sa nature même, le thème de la collection a accéléré un étonnant processus de précision, d'affirmation pour chacun des participants dans la structuration et la personnalisation de leurs choix en matière d'activité artistique. Notons aussi que ce laboratoire-collection s'est déroulé à une période où les activités des individus à l'extérieur des Ateliers convertibles ont connu leur plus grand essor.

Ensemble, nous participons maintenant à une intense dynamique de rapports de différenciation et de fusion entre les membres. Chaque personne doit maintenant composer avec cette nouvelle complexité de combinaisons individuelles et l'incorporer dans le regroupement d'artistes pour qu'à son tour, il bénéficie de cette transformation. Tout comme pour l'oeuvre-collection, l'enjeu se situe dans l'effort qu'exige la transparence de la communication de cette auto-réflexion mais cette-fois-ci dirigée vers un collectif basé sur l'échange.

«Après plus de dix ans d'existence Les Ateliers convertibles sont à l'heure de l'autocritique constructive, du raffinement et de la nuance.» Alors qu'en même temps, «la conjoncture politique et les conditions de production actuelles amoindrissent l'importance des positionnements des collectifs» [17]. À quel virage le laboratoire-collection nous prépare-t-il?

Si nous disons du collectionneur qu'il agit en tant qu'auteur et metteur en scène de sa collection qu'en est-il pour le créateur de l'oeuvre- collection des années 1990?

Face à l'oeuvre-collection, l'habitus culturel du public, des conservateurs et des artistes a bien changé. Nous pouvons voir là, une certaine victoire... mais aussi un signe que si l'on désire atteindre le même objectif, soit remettre en cause le rôle du musée, du marchand, du collectionneur et du public en rejetant des idées reçues telles la construction et la vente des oeuvres, si étroitement liées à celles de l'exposition/collection, du pouvoir et de la hiérarchie [18], d'autres trouvailles s'imposent. «Le musée n'est plus aujourd'hui le témoignage vivant de la mémoire, le lieu où se sédimentait ce que le goût d'amateurs et de collectionneurs avait finalement retenu des passions et des institutions d'une époque. Il est devenu celui qui reflète la création contemporaine à peine sortie de l'atelier de l'artiste, ce qui détermine bien évidemment ce dernier dans les orientations qu'il prend. Le pouvoir que le musée a d'avaliser immédiatement telle ou telle création ne peut laisser l'artiste indifférent dans les propositions qu'il élabore. Cette dépendance, subtile mais incontestable, de l'artiste face au musée pose le problème de savoir quelles sont les conditions de la reconnaissance» [19].

L'ère postmoderne nous a demandé jusqu'ici d'être inventifs et d'accepter la complexité comme système en éternelle mutation, avec la sophistication actuelle des modes de connaissance et de langage, que faut-il à l'artiste pour qu'il ait mainmise sur son contenu, le développement de sa pensée et de son imaginaire?

Tout comme dans le film La folle histoire de l'espace (Spielberg) il nous faut se munir d'astuce en canette et toujours circuler en ayant «le vent dans la face» [20].



Notes

1. Heiner Müller, «Contribution à une discussion sur le postmodernisme», Babylone, no1, 1983, p. 32-33.
2. Walter Grasskamp, «Les Artistes et les autres collectionneurs», Museums by Artists, Toronto, Art Metropole, 1983, p.147.
3. Christine Dubois, «L'Oeuvre-collection de la taxinomie de visible à l'utopie», Parachute, no 54, mars-juin 1989, p. 47.
4. Walter Grasskamp, p.130.
5. Christine Dubois, p.47.
6. Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux, Paris, Gallimard, 1987, p. 312.
7. George Kubler, Formes du temps. Remarques sur l'histoire des choses, Paris, Champ libre, 1973, p. 62.
8. Il ne s'agit pas de résumés des différentes activités du centre d'artiste sur la collection mais plutôt d'un certain choix d'éléments dans des événements. Ce n'est qu'une partie des notions apportées et parfois transposées dans des expériences pratiques.
9. Peggy Gale, Museums by Artists, Toronto, Art Metropole, 1983.
10. Tiré du texte de la performance Innocente ton désespoir me tue de Suzanne Valotaire, 1991.
11. George Kubler, p. 63.
12. Walter Grasskamp, p.134.
13. Sheldon Annis, «Le musée scène de l'action symbolique», Museum, no 151,1986 p.168.
14. Chantal Pontbriand, «Collections : Visions d'avenir», Parachute, no 54, mars-juin 1989, p. 6.
15. René Payant, «Le discours blanc de l'invention du classement au classement de l'invention», Vedute, Laval, Trois, 1987, p. 113.
16. Texte de General Idéa à l'intérieur de leur «showcards» pour le pavillon du concours de beauté de Miss General Idea no 1 «La quête de l'esprit de Miss General Idea».
17. Historique des Ateliers convertibles, à paraître en 1996.
18. Peggy Gale, p.8.
19. Laurence Debecque-Michel, «L'art en crise», Ligeia, no 15-16, octobre 1994/juin 1995, p. 45-46.
20. Je reprends, à ma façon, une expression employée par Mme Peggy Gale lors de sa conférence au Musée d'art de Joliette pour le laboratoire-collection, le 19 octobre 1994.



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