Une deuxième église

Dès l’année 1810, l’église de Jacques Degeay ne convient plus aux besoins de la communauté. Son clocher menace, ruine et occasionne des fissures à la muraille. Le portail doit être refait et surtout l’église est trop petite pour la paroisse. Les marguilliers s’interrogent si on ne devrait pas construire une nouvelle église. Pour le moment, on décide de démolir le clocher jusqu’à la première lanterne et de faire descendre le reste pour le mettre à l’abri du mauvais temps.

En 1818, les marguilliers présentent à Mgr Plessis une requête pour obtenir l’autorisation de procéder à l’édification d’une église neuve, surmontée d’un seul clocher. Puis en cours de construction, on se ravise et on en ajoute un deuxième selon la mode de l’époque.

 

L’ouvrage est confié aux entrepreneurs, Jean-Baptiste Boutonne dit Larochelle, maître-maçon, ainsi qu’à André Auclair, maître-tailleur de pierre, du Faubourg Saint-Laurent de Montréal. Le sieur Pierre Dufour dit Latour, père, de Lavaltrie, signe le marché de la charpente de l’église tandis que la menuiserie est exécutée par Urbain Brien dit Desrochers père et fils, de Pointe-aux-Trembles. La nouvelle église est en forme de croix latine dont la façade est encadrée par deux tours et fermée à l’arrière par une abside. Les clochers sont complétés en 1825 sur le modèle de celui de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours à Montréal. Après la construction, l’ornementation intérieure de l’église précédente est transportée dans la nouvelle. Le curé François Labelle, en 1834, commande aux sculpteurs de Pointe-aux-Trembles, Urbain Brien dit Desrochers, père et fils, de compléter la décoration par des nouveaux retables, une chaire et des ouvrages à la voûte.

Voici un témoin qui nous la décrit:

" Notre primitive église était bien pauvre d’apparence. Trois morceaux d’architecture étaient pourtant admirés la chaire, le banc d’oeuvre et le bassin dans la voûte qui, avec la chaire, figure encore dans l’église d’aujourd’hui réparée en 1864. Elle était avant ce temps en croix latine, avec l’autel de la Sainte-Vierge et celui de l’Ange-Gardien. Dans le jubé dont le devant était caché par une flanelle verte ou rouge, il y avait un grand tableau de Notre Seigneur crucifié. Dans le choeur figuraient les quatre évangélistes, tableaux qui n ‘avaient pas de valeur artistique, seul le tableau de l’Ange-Gardien était bien passable; je ne sais pas ce que sont devenues ces reliques du temps passé. Au-dessus du baldaquin, qui a été conservé, reposait une vaste couronne supportée par quatre grands anges d‘au moins cinq pieds de hauteur, dont l’un se voyait plus tard chez Médéric Foucher à Saint-Jacques-de L’Achigan. Le tableau du grand maître-autel qui a été magnifiquement réparé et encadré par les soins de M. Dorval, laissait à peine apercevoir les personnages et les monuments cachés sous une épaisse couche de fumée et de poussière; un cadre, jadis blanc l’entourait et avait pris la couleur grise.

Deux poêles à bois chauffaient l’église; les tuyaux sortaient par les côtés. Une suie noire et tachante, produite par l’humidité combattue par le chauffage, en ruisselait; de là l’obligation de mettre en-dessous des dalots, au bout desquels étaient suspendues de petites chaudières que l’on vidait au moyen d’une baguette, armée d’un croc pour les détacher et les rependre; c’était l‘ouvrage du bedeau. [...] La voûte de l’église était blanche, sans aucun ornement. [...1 Dans le bras droit de la croix latine (transept) était un jubé bien modeste pour le couvent de la Congrégation. Les élèves (du Collège) qui ne s‘habillaient pas au choeur étaient logés dans le devant du jubé, et étaient sous la surveillance d’un ecclésiastique, chacun à tour de rôle. [...] Dans le choeur de l’ancienne église, au bout des stalles du côté des balustres, il y avait deux trônes ou stalles ornés, qui servaient, celle de droite pour le prêtre à la messe, et celle de gauche pour les vêpres. Le cérémoniaire se tenait le dos tourné aux balustres pour donner les saluts voulus.

Sur le banc d’oeuvre, il y avait une croix avec deux chandeliers. Les marguilliers recevaient l’aspersion à part. Ils venaient dans le choeur recevoir les cierges, les rameaux et adorer la croix. Les différents usages étaient un reste des cérémonies françaises qui ont été supprimées à l’introduction du romain ".

(Témoignage attribué à M. Odilon Guilbault, prêtre au Collège de l’Assomption)

 

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