« L'équilibre fiscal au
Canada »
Notes pour une allocution
de l'honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Allocution annuelle devant les membres
de la Chambre de commerce de Saint-Laurent
Montréal (Québec)
le 27 mars 2002
L'allocution prononcée fait foi
Lien vers
les tableaux auxquels on fait référence dans le discours (format PDF)
À peu près à la même période chaque année, la Chambre de commerce de
Saint-Laurent m’invite à faire le point sur l’état financier de la
fédération canadienne. Je vous remercie d’autant plus de cette invitation
cette année que le sujet est particulièrement d’actualité. En effet, selon
une thèse en vogue que vous connaissez bien et qui est largement discutée en
ce moment, le surplus budgétaire du gouvernement fédéral serait la preuve de
l’existence d’un déséquilibre fiscal au détriment des provinces.
Avant de vous expliquer pourquoi le gouvernement du Canada ne souscrit pas à
la thèse du déséquilibre fiscal, j’aimerais faire trois remarques
préliminaires.
Premièrement, l’existence d’un surplus budgétaire fédéral est une
bonne nouvelle pour tous les Canadiens. Que nos finances fédérales soient
excédentaires, après avoir été si longtemps déficitaires, et qu’en même
temps nos gouvernements provinciaux soient parvenus à assainir leurs finances,
alors que tous étaient dans le rouge en 1993, voilà un redressement dont nous
pouvons nous réjouir et nous féliciter car il est le fruit de nos efforts des
dernières années.
Deuxièmement, il est normal que nous ayons différents points de vue quant
à l’utilisation de ce surplus budgétaire. Il s’agit d’un débat habituel
dans toute fédération : celui de l’allocation optimale de l’argent des
contribuables entre les ordres de gouvernement. Il est normal que nous ayons
différentes vues sur ce sujet, y compris entre partis politiques qui croient en
l’unité canadienne. Ce qui est anormal, c’est que certains essaient de
tirer de ce débat une justification à la sécession. Quand le premier ministre
du Québec, M. Landry, affirme que le rapport Séguin serait « un puissant
instrument pédagogique pour la souveraineté », il tient un propos
déconnecté de la réalité : les pays ne se défont pas sur des questions
de surplus budgétaires.
Les finances publiques suscitent des discussions souvent âpres dans tous les
pays. Aux États-Unis, les États se retrouvent avec un déficit inattendu de
plus de 50 milliards de dollars US et on leur reproche d’avoir trop réduit
leurs impôts. Ce débat qui rappelle le nôtre ne crée, bien sûr, aucun
séparatisme aux États-Unis.
En Allemagne, les länder riches ont presque menacé de faire la
grève de la péréquation et sont allés en cour et ont obtenu des règles de
péréquation moins exigeantes. Ce débat très complexe et ardu ne crée aucune
tension séparatiste en Allemagne.
Et je pourrais aussi parler de la situation en Belgique, où, pour convaincre
le gouvernement flamand d’aider davantage la communauté française de
Belgique en situation financière très précaire, il a fallu lui faire une
série de concessions qui ont eu pour effet, selon certains, d’amoindrir les
protections linguistiques dont disposaient jusqu’alors les municipalités qui
offrent les services en français aux francophones de Flandre. On le voit, le
débat sur la capacité fiscale des ordres de gouvernement existe aussi dans d’autres
fédérations et soulève souvent des difficultés plus importantes que chez
nous.
Ma troisième remarque préliminaire est que l’argument du « consensus »
ne doit en aucune façon entraver la réflexion individuelle : chacun peut en
arriver à ses propres conclusions. Il est vrai que beaucoup de gens au Québec,
comme ailleurs au Canada, croient à l’existence d’un déséquilibre fiscal
au détriment des provinces. Mais, d’une part, ce consensus porte sur une
question très complexe et ne rallie pas, loin de là, tous les experts. Il n’inclut ni
les porte-parole des milieux d’affaires québécois (tableau 2),
ni les nombreux analystes financiers qui félicitent régulièrement le ministre
des Finances du Canada pour sa rigueur financière.
D’autre part, il est normal que les partis politiques provinciaux exigent
toujours plus d’argent du gouvernement fédéral, comme il est normal que nos
municipalités trouvent que « les besoins sont dans les municipalités
et [...] l’argent est à Québec ».
Surtout, on ne peut écarter la possibilité qu’un consensus se crée
autour d’une conception erronée. Il n’est pas besoin de remonter jusqu’à
Duplessis pour en trouver des exemples au Québec. Au début des années 1990,
il y avait un « consensus » selon lequel le déficit budgétaire fédéral,
alors très imposant, était le résultat de dizaines de milliards de dollars de
dépenses en dédoublements inutiles entre programmes fédéraux et provinciaux.
À elle seule, la formation professionnelle était censée nous coûter des
centaines de millions de dollars en dédoublements, entendait-on un peu partout.
Des « études » étaient supposées le prouver. « Sortez-les, ces
études », avait tonné M. Parizeau en plein débat télévisé avec
M. Daniel Johnson lors de la campagne électorale provinciale de 1994. Bien
sûr, une fois parvenu au pouvoir, M. Parizeau n’a trouvé qu’une pile
de documents qui ne prouvaient rien. Le « consensus » reposait sur une
croyance erronée.
Cette fois-ci, par contre, le gouvernement du Québec a rendu publique une
étude : le rapport de la Commission Séguin. L’argumentation contenue
dans ce rapport peut se résumer en une phrase : le gouvernement fédéral
empile des surplus qu’il utilise en bonne partie pour envahir les champs de
compétence des provinces alors que celles-ci manquent de revenus autonomes pour
faire face à leurs propres responsabilités, entre autres dans le domaine de la
santé. La Commission Séguin amalgame ainsi deux débats.
Le premier est d’ordre financier : les surplus fédéraux sont-ils la
preuve qu’il y a un déséquilibre fiscal au détriment des provinces?
Le second est d’ordre constitutionnel : le gouvernement fédéral
profite-t-il de sa marge de manœuvre budgétaire pour envahir les compétences
législatives des provinces?
Permettez que je reprenne dans l’ordre ces deux questions (tableau
3).
I. Le mythe du déséquilibre fiscal
Pour juger de l’équilibre de nos finances publiques, il faut d’abord s’appuyer
sur les faits, plus précisément sur l’évolution historique des trois
variables clés : les recettes, les dépenses et les surplus. Cette base
historique une fois posée, nous pourrons examiner les projections (tableau 4).
1.1 Les faits
Les tableaux
5 et 6
montrent qu’il est inexact de prétendre que l’argent est à Ottawa alors
que les besoins seraient dans les provinces. Le tableau
5 montre que, pris dans leur ensemble, les revenus provinciaux dépassent
les revenus fédéraux depuis fort longtemps, et rien n’indique un
renversement de cette situation. En fait, les baisses d’impôts fédérales
annoncées dans le Budget 2000 et l’énoncé économique d’octobre 2000 –
qui totaliseront 100 milliards de dollars sur cinq ans (dont les trois
quarts touchent l’impôt sur le revenu des particuliers) – réduiront encore
plus la taille des revenus fédéraux.
Le tableau 6
montre que les dépenses de programmes des deux ordres de gouvernement ont connu
une croissance moins rapide que celle de l’économie. Afin d’assainir leurs
finances, nos gouvernements ont considérablement réduit le poids de leurs
dépenses dans l’économie canadienne depuis 1993, d’où la force des
pressions qui s’exercent aujourd’hui sur eux pour qu’ils réinvestissent
dans tous les domaines : développement économique, santé, éducation,
sécurité du revenu, recherche et développement, culture, environnement,
sécurité, logement social, infrastructures, etc. Ces pressions s’exercent
sur le gouvernement fédéral comme sur ceux des provinces.
La santé et l’éducation sont de loin les deux principales sources de
dépenses pour les gouvernements provinciaux. Or, rien n’indique l’existence
d’une sorte d’« asphyxie financière » qui les priverait des moyens
de faire face à ces responsabilités dans notre fédération. Le Canada est un
pays qui a su investir beaucoup dans la santé et dans l’éducation. Le tableau
7 prouve que notre fédération a été tout à fait capable de fournir un
effort financier appréciable pour ces deux priorités.
S’il est vrai que les dépenses dans le domaine de la santé ont augmenté
considérablement au cours des dernières années, elles représentent toutefois
une part des recettes provinciales et de l’économie comparable à celle qui
prévalait dans les années 1980 (tableau
8). Au Canada, comme dans d’autres pays, la croissance des dépenses en
santé est due surtout à la hausse du nombre des médicaments et des nouvelles
technologies médicales, de même qu’au vieillissement de la population (qui
commence à peine à se manifester). Plusieurs leaders d’opinion, dont
M. Landry, ont déjà souligné qu’il ne s’agit pas seulement d’une
question d’argent mais aussi de façons de faire. Des commissions ont étudié
ou étudient présentement la question, notamment celles de M. Clair au
Québec, de M. Fyke en Saskatchewan, de M. Mazankowski en Alberta, de
M. Léger au Nouveau-Brunswick et de M. Romanow au niveau fédéral. Le
gouvernement du Canada est déterminé à continuer à faire sa part, tant pour
la majoration du financement – il contribue aux dépenses publiques en santé
dans une proportion d’environ 40 % (tableau
9) – que pour la recherche des meilleures politiques et pratiques.
Regardons maintenant l’évolution des soldes budgétaires. Le tableau
10 nous rappelle que, pendant deux décennies, les déficits fédéraux ont
été bien plus importants que ceux des provinces. Si, au cours des dernières
années, les surplus fédéraux ont été plus importants que ceux des
provinces, il n’en reste pas moins que ces surplus demeurent très petits par
rapport aux déficits qui les ont précédés – et par rapport à la dette que
ces déficits nous ont léguée. Les surplus des gouvernements provinciaux sont
plus petits que ceux du gouvernement fédéral, mais les déficits provinciaux
qui les ont précédés ont également été beaucoup moins imposants. En
conséquence, les frais du remboursement de la dette sont aujourd’hui deux
fois plus élevés pour le gouvernement fédéral (23,6 cents sur chaque dollar
de recettes) que pour ceux des provinces (11,5 cents sur chaque dollar de
recettes).
Le tableau
10 appelle un autre commentaire. Le débat sur le prétendu déséquilibre
fiscal n’est apparu que récemment, ces dernières années, comme par hasard
au moment où les finances fédérales ont cessé d’être plus mal en point
que celles des provinces. Pendant toutes ces années où le gouvernement
fédéral accumulait des déficits nettement plus importants que ceux des
provinces, personne ne parlait d’un déséquilibre fiscal au détriment du
gouvernement fédéral.
Comme l’a noté le professeur de science économique M. Jean-Yves Duclos,
de l’Université Laval, l’écart entre le surplus fédéral de 17 milliards
de dollars en 2001 et le surplus de l’ensemble des provinces de 12 milliards
de dollars est faible malgré les apparences : « il pourrait d’ailleurs
être comblé par exemple par une augmentation de moins de 1 % du taux des taxes
de vente provinciales. » Les gouvernements provinciaux ont plutôt choisi
de baisser leurs impôts depuis 1994-1995, ce qui représente pour 2002-2003 un
manque à gagner de 22,7 milliards de dollars, alors même que les
transferts fédéraux qu’ils reçoivent ont été plus que restaurés à leurs
niveaux de 1994-1995 (tableau
11). Qu’il soit bien clair que je ne reproche pas aux provinces leurs
baisses d’impôts, pas davantage que je ne leur recommande de les augmenter.
Je dis simplement que le fait que ces gouvernements provinciaux choisissent de
baisser leurs impôts est l’un des signes qui démontrent qu’il n’y a pas
de déséquilibre fiscal au Canada.
Il n’y a pas davantage de déséquilibre fiscal aujourd’hui que dans le
passé. Il y a seulement une bonne nouvelle : les finances publiques de
notre fédération se sont assainies. Mais cet assainissement a nécessité une
réduction draconienne du poids des dépenses de nos gouvernements dans l’économie,
de sorte que s’exerce sur eux une forte pression pour qu’ils réinvestissent
dans tous les domaines.
1.2 Les projections
Mais la pièce maîtresse du rapport Séguin est une projection, celle du
Conference Board. Selon cette projection, en 2019-2020, les surplus du
gouvernement fédéral s’élèveraient à 87,8 milliards de dollars,
alors que le gouvernement du Québec encourrait un déficit de
4,8 milliards de dollars (tableau
12). Le déséquilibre fiscal tant dénoncé serait donc à venir, mais pas
tout de suite cependant. Le Conférence Board lui-même ne prévoit que de très
faibles surplus fédéraux pour les cinq prochaines années (tableau
13).
Vous avez entendu le ministre des Finances du Canada, l’honorable Paul
Martin, déclarer qu’il serait irresponsable d’établir nos politiques
budgétaires en fonction de prévisions sur 10 ou 20 ans, alors que les
économistes sont incapables de prédire le début ou la fin d’une récession
à court terme. M. Martin a donné l’exemple des États-Unis, où, en l’espace
d’un peu plus d’un an, les prévisions ont changé radicalement en fonction
des événements et de la conjoncture économique. Le Congressional Budget
Office américain prévoit maintenir un léger surplus de 5 milliards de
dollars US alors qu’il y a à peine 15 mois ses projections pointaient vers un
surplus de plus de 300 milliards de dollars US (tableau
14).
On reproche parfois à M. Martin d’avoir émis, ces dernières années, des
prévisions budgétaires qui ont sous-estimé les surplus budgétaires
effectivement obtenus par le gouvernement du Canada. Au regard de la disparition
des surplus américains indiquée au tableau
14, on aurait plutôt tendance à féliciter M. Martin de se tromper « dans
le bon sens » en se fiant, il faut le souligner, aux prévisions du secteur
privé. C’est pour de bonnes raisons que les experts financiers exigent de lui
qu’il maintienne cette saine prudence. En effet, les quelques milliards de
dollars de surplus dont le gouvernement fédéral canadien dispose maintenant
fondraient comme neige au soleil pour peu qu’il relâcherait sa discipline
budgétaire. Les effets de balancier en la matière sont terribles, comme nous
le rappelle, encore une fois, l’exemple américain.
Même s’il ne faut pas se fier aux prévisions à long terme, examinons
quand même la méthodologie par laquelle le Conference Board en arrive à
prévoir pour 2019-2020 un surplus budgétaire de 87,8 milliards de dollars pour
le gouvernement fédéral, comparé à un déficit de 4,8 milliards de
dollars pour le gouvernement du Québec. La thèse du déséquilibre fiscal nous
laisserait croire qu’un tel écart proviendrait de ce que les revenus du
gouvernement du Canada augmenteraient plus vite que ceux du gouvernement du
Québec alors que ses dépenses augmenteraient moins vite. Or, le Conference
Board contredit ces postulats. Ses calculs l’amènent plutôt à
prévoir que les revenus autonomes et les dépenses de programmes des deux
gouvernements vont évoluer au même rythme (tableau
15). L’écart entre le solde budgétaire des deux gouvernements se
creusera plutôt, selon le Conference Board, en raison de la dynamique
automatique du remboursement de la dette : il postule que le gouvernement
fédéral n’introduira aucune nouvelle mesure et qu’il consacrera toute sa
marge de manoœuvre au remboursement de sa dette.
Ainsi, l’hypothèse clé du Conference Board est que les gouvernements n’engageraient
aucune nouvelle dépense et n’introduiraient aucune nouvelle mesure affectant
les revenus durant l’ensemble de la période. Autrement dit, on suppose en
quelque sorte que les gouvernements se mettraient sur le « pilote automatique
» et partiraient en vacances pendant vingt ans. Bien sûr, comme l’a
précisé le Conference Board lui-même, « l’exercice effectué ici est
purement hypothétique » . Dans la vraie vie, les choses ne se passent pas
comme ça. Les gouvernements – surtout quand leur approche est aussi
équilibrée que celle de M. Chrétien – consacrent seulement une part de
leur marge de manœuvre au remboursement de la dette. Une autre va aux baisses d’impôts
et une autre aux dépenses de programmes.
Or, les baisses d’impôts fédérales dégagent un espace fiscal que les
gouvernements provinciaux peuvent choisir d’occuper. Les dépenses de
programmes fédérales comprennent évidemment des hausses de transferts aux
provinces.
Quand on fait des projections en supposant que les gouvernements se mettent
sur le « pilote automatique », cela donne des résultats bien loin de la
réalité. Pour en juger, imaginons que nous ayons fait cet exercice en 1997.
Nous aurions alors prédit pour 2001-2002 un surplus fédéral de 55 milliards
de dollars et un surplus de 12 milliards de dollars au gouvernement du Québec (tableau
16)!
Mais nul besoin de remonter à il y a cinq ans, puisque la ministre des
Finances du Québec elle-même a démontré qu’on ne pouvait se fier à de
telles projections sur la base d’une seule année. En effet, tout juste douze
jours après le dépôt du rapport Séguin, Mme Marois a produit
un énoncé budgétaire qui montre un budget équilibré pour le gouvernement du
Québec en 2001-2002, alors que l’étude du Conference Board prévoyait
plutôt un déficit de 600 millions de dollars (tableau
17).
Cette méthodologie n’est donc pas fiable. On ne peut pas prévoir les
soldes budgétaires des gouvernements de façon aussi mécanique et linéaire,
car non seulement leurs recettes et leurs dépenses fluctuent selon les
événements et la conjoncture économique, mais aussi les gouvernements
agissent et leur action modifie le cours des choses. On ne m’enlèvera jamais
de l’idée que les gouvernements peuvent faire une différence selon que leurs
politiques sont bonnes ou mauvaises. Par exemple, si vous me permettez cette
parenthèse partisane, je crois que l’économie québécoise et les finances
de notre gouvernement provincial seront en de bien meilleures mains si, aux
prochaines élections, on les confie à l’équipe libérale de
Jean Charest plutôt qu’au gouvernement sécessionniste de Bernard
Landry. Mais je referme la parenthèse.
S’il y a une chose qu’il ne faut certainement pas faire, c’est
appliquer la recommandation de la Commission Séguin : mettre fin au Transfert
social canadien en échange de la remise de la TPS aux provinces assortie d’une
augmentation de la péréquation qui compenserait pour le rendement moins
élevé que ce transfert de taxe entraînerait au Québec et dans les autres
provinces moins nanties. De l’aveu même de la Commission Séguin, une telle
réforme appliquée immédiatement replongerait le gouvernement fédéral dans
les déficits pour plusieurs années.
Si on ajoute à cela le coût d’une autre recommandation de la Commission,
soit celle qui consiste à remplacer la norme actuelle de calcul de la
péréquation fondée sur la capacité fiscale de cinq provinces par une norme
englobant la capacité fiscale des dix provinces, ce qui aurait pour effet d’augmenter
les paiements de péréquation de 2,9 milliards de dollars en 2002-2003, on
obtient un bilan encore plus négatif pour les finances fédérales. Même la
méthodologie de l’étude du Conference Board à laquelle la Commission
Séguin nous demande de porter foi nous mène à ce constat (tableau
18).
On comprend la Commission Séguin de s’effaroucher de ses propres
recommandations au point qu’elle n’en suggère l’application que de «
façon graduelle » sans préciser davantage. Il faut bien voir que, dans la
vraie vie, et non dans les projections abstraites, des déficits répétés du
gouvernement fédéral auraient des effets négatifs sur la confiance dans l’économie
canadienne et sans doute aussi sur les taux d’intérêt, ce qui nuirait aux
finances des gouvernements provinciaux (tableau
19).
Le gouvernement libéral de Jean Chrétien, pour sa part, entend conserver
son approche équilibrée qui a si bien servi l’économie canadienne. Il va
maintenir sa gestion rigoureuse qui permet de réduire la dette et les impôts
et de faire des investissements stratégiques. Dans cette perspective, il est
déterminé à aider autant qu’il le peut ses partenaires constitutionnels,
les gouvernements provinciaux. De fait, le gouvernement du Canada a haussé ses
transferts aux provinces aussitôt que sa situation budgétaire le lui a permis.
C’est ainsi que le total des transferts aux provinces croîtra de 6,1 % en
moyenne chaque année jusqu’en 2005-2006, alors que la croissance anticipée
des revenus fédéraux ne sera que de 1,9 % (tableau
20). En 2001-2002, sur les 11,2 milliards de dollars de hausses de dépenses
de programmes, le gouvernement fédéral en consacre 4,4 milliards, soit 40 %,
à augmenter les transferts aux provinces (tableau
21).
Plutôt que le signe d’un déséquilibre fiscal, les surplus actuels du
gouvernement fédéral sont, tout comme d’ailleurs l’amélioration des
finances des gouvernements provinciaux par rapport aux années passées, le
fruit d’une discipline nécessaire qu’il faut maintenir. Malgré tous les
progrès réalisés ces dernières années, il n’en reste pas moins que le
niveau d’endettement du Canada demeure élevé (66 % du PIB) par rapport aux
autres pays du G7 (tableau
22). Comme nous en avertit l’économiste en chef du Groupe financier
Banque TD, M. Don Drummond, notre situation « demeure assurément
précaire. » [Traduction]
2. Le mythe du fédéralisme centralisateur
La Commission Séguin affirme que le gouvernement du Canada utilise ses
surplus pour envahir les compétences législatives des provinces (tableau
23). Cette affirmation est inexacte et la Commission ne la prouve d’ailleurs
pas.
Il faut dire que la Commission Séguin est prompte à voir des «
envahissements » là où il n’y en a pas. Ainsi, pour elle, une initiative
fédérale comme la Fondation canadienne pour l’innovation est un empiétement
dans une compétence provinciale. Mais où donc est-il écrit dans la
Constitution que la recherche est de compétence provinciale exclusive?
Connaît-on une seule fédération moderne au monde où il est prévu que le
gouvernement fédéral n’appuie pas la recherche universitaire? Irrationnelle
sur le plan économique, une telle conception n’a rien à voir avec le bon
fédéralisme.
De façon plus générale, il se dégage de la lecture du rapport Séguin l’impression
que le gouvernement fédéral canadien est anormalement gros et que son
embonpoint déborde sur l’espace des provinces. La Commission Séguin reproche
aussi au gouvernement fédéral de lier une part de ses transferts aux provinces
au respect de certaines conditions. Selon elle, de tels transferts conditionnels
seraient contraires à l’esprit du fédéralisme. Le gouvernement fédéral
est-il trop gros? Ses transferts aux provinces sont-ils trop conditionnels?
Regardons ce qu’il en est vraiment.
2.1 Un gouvernement fédéral trop gros par rapport aux gouvernements
provinciaux?
En fait, c’est l’espace fédéral qui s’est rétréci au cours des
dernières décennies, et non celui des provinces. Alors que les dépenses de
programmes fédérales correspondaient à la moitié des dépenses de l’ensemble
des gouvernements au début des années 1950, elles n’en constituent
maintenant plus que le tiers. En pourcentage du PIB, les dépenses fédérales
de programmes ont baissé pour s’établir à 11,3 % en 2000-2001, soit le
niveau le plus bas enregistré depuis… 1948-1949! Ce pourcentage est de 5
points de pourcentage inférieur à celui de 1993-1994 (tableau
24).
Ce gouvernement fédéral à qui on reproche d’être trop gros apparaît en
fait dans toute sa minceur quand on compare sa taille à celle des gouvernements
fédéraux des autres fédérations. En effet, la part des revenus accaparée
par le gouvernement fédéral dans l’ensemble des revenus autonomes des
gouvernements est plus petite au Canada que dans les autres fédérations, à l’exception
de la Suisse, selon les données mêmes fournies par la Commission Séguin (tableau 25).
Même en Suisse, les cantons n’ont pas le poids fiscal de nos provinces; c’est
plutôt aux communes suisses qu’échoit une part des revenus bien plus
importante que celle laissée à nos municipalités : 29 % comparativement à 12
%.
Le fait est que la part provinciale des revenus des gouvernements est plus
élevée au Canada que dans les autres fédérations. Cela s’explique en bonne
partie par le fait que, dans notre fédération, les deux principaux ordres de
gouvernement, fédéral et provincial, ont accès aux quatre principales
assiettes fiscales : l’impôt sur le revenu des particuliers, les impôts
sur les sociétés, les taxes de vente et les taxes sur la masse salariale (tableau
26). Ce n’est pas le cas de notre troisième ordre de gouvernement, les
municipalités; les maires de nos grandes villes se plaignent d’ailleurs d’avoir
une assiette fiscale trop étroite pour leurs responsabilités. En outre, nos
gouvernements provinciaux sont les seuls au Canada à pouvoir toucher des
redevances sur les ressources naturelles. Cela leur confère sur cette assiette
fiscale un monopole qu’on ne retrouve pas dans les autres fédérations qui,
comme la nôtre, possèdent d’importantes ressources naturelles. Aux
États-Unis, par exemple, le gouvernement fédéral perçoit de telles
redevances.
Parmi les fédérations, non seulement est-ce au Canada que les entités
constituantes occupent la plus large part des revenus fiscaux, mais en plus nos
provinces disposent en toute autonomie de ce poids fiscal exceptionnel. En
effet, elles décident elles-mêmes de leurs taux de taxation, un degré d’autonomie
fiscale qui n’est égalé que par les États américains (tableau
27). Mais il y a plus : la part des revenus autonomes dans l’ensemble des
revenus de nos provinces est très élevée tant par rapport aux pratiques
passées au Canada que par rapport à ce qui se produit dans les autres
fédérations (tableau
28). Et non seulement nos gouvernements provinciaux dépendent-ils
relativement peu des transferts fédéraux, mais en plus ces transferts sont
assortis de relativement peu de conditions. Il le sont moins que par le passé
et moins que ce que l’on observe dans les autres fédérations.
En effet, c’est au Canada où les transferts fédéraux sont le moins
assortis de conditions. Aux États-Unis, par exemple, 100 % de ces transferts
sont conditionnels. En comparaison, si l’on examine nos deux grands
transferts, on constate que la péréquation est tout à fait inconditionnelle
et que le Transfert social canadien – par lequel le gouvernement du Canada
aide au financement provincial de la santé, de l’aide sociale et de l’éducation
postsecondaire – n’est assorti que de conditions bien légères si on le
compare à la pratique dans les autres fédérations. Comme l’a conclu une
étude dirigée par le professeur Keith Banting, de l’Université Queen’s, «
la politique de la fédération canadienne a fait en sorte que d’entrée de
jeu les conditions rattachées aux transferts fédéraux seraient moins
précises que dans d’autres fédérations; et la transition, en 1977, des
subventions conditionnelles au financement en bloc pour le régime de soins de
santé a largement éliminé l’examen au jour le jour des décisions
particulières des provinces par le gouvernement fédéral » . [traduction]
Il ressort de tout cela que, dans le monde des fédérations, nos provinces
sont les championnes toutes catégories en termes de capacité fiscale, tant du
point de vue de la part des revenus des gouvernements que de ceux de l’accès
aux assiettes fiscales, de la liberté de fixer elles-mêmes leurs politiques
fiscales, de la part des revenus autonomes par rapport à l’ensemble de leurs
revenus et de l’importance des conditions dont sont assortis les transferts
fédéraux.
Le débat tel qu’il se déroule en ce moment au Québec tend à s’inscrire
dans la logique habituelle du « c’est la faute du fédéral ». Mais
pendant ce temps, le Québec entre de plain-pied dans une pré-campagne
électorale provinciale. Or, j’ai montré que dans notre fédération
décentralisée, les gouvernements provinciaux ont une large autonomie pour
faire leurs propres choix fiscaux et budgétaires. L’effet cumulé de leurs
décisions entraîne des conséquences majeures pour les citoyens.
Le cumul des décisions prises par le gouvernement du Québec vaut aux
Québécois un endettement et un fardeau fiscal nettement plus élevés que ceux
de leurs concitoyens des autres provinces; en retour, leur gouvernement
provincial dépense plus que la moyenne des autres provinces (tableau
29, graphique de gauche). Le fardeau fiscal, tant des particuliers que des
entreprises, est 40 % plus élevé au Québec qu’ailleurs au pays (tableau
29, graphique de droite). Des choix sont faits, des priorités émergent.
Ce n’est pas mon rôle, comme ministre des Affaires intergouvernementales,
de critiquer les choix budgétaires que font les gouvernements provinciaux. Je
dis simplement que, dans notre système fédéral décentralisé, un
gouvernement provincial a la capacité de prendre ses propres décisions
fiscales et budgétaires et d’en être imputable devant ses électeurs. Le
gouvernement de M. Landry dépense déjà beaucoup plus que ceux des autres
provinces, et il dépense à sa façon, selon ses propres priorités. À lui de
justifier cette surcharge fiscale qu’il impose aux Québécois et l’utilisation
qu’il en fait. C’est trop facile de toujours blâmer le gouvernement
fédéral : avec 27 % de l’ensemble des transferts fédéraux en
espèces, le gouvernement de M. Landry reçoit déjà une aide du gouvernement
fédéral supérieure à la moyenne des provinces.
2.2 Des transferts trop conditionnels?
Il est vrai que même au Canada les transferts fédéraux ne sont pas
entièrement inconditionnels. Or, la Commission Séguin affirme que, dans une
bonne fédération, les transferts de fonds du gouvernement fédéral aux
provinces doivent être inconditionnels. L’ennui, avec une telle conception, c’est
que, du coup, toutes les fédérations du monde deviennent inacceptables, car
toutes recourent à des transferts fédéraux conditionnels. Pour trouver une
fédération qui satisfasse aux exigences de la Commission Séguin, il faudra la
rechercher sur une autre planète. Ou alors il faudra convenir que la plus
acceptable de toutes est encore la fédération canadienne.
Ce grand centralisateur qu’est supposément Jean Chrétien a d’ailleurs
considérablement allégé le caractère conditionnel des transferts fédéraux
aux provinces. Alors qu’autrefois les conditions entraient dans les détails
du contrôle des coûts, elles ne sont depuis 1995 que liées au respect des
cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé (la gestion
publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité)
et à la non-assignation de résidence dans une province ou au Canada pour l’admissibilité
à l’aide sociale.
De telles conditions, si légères soient-elles, demeurent contraires à l’esprit
fédéral selon la Commission Séguin, qui va même jusqu’à mettre en doute
leur constitutionnalité. En fait, le pouvoir fédéral de dépenser est reconnu
dans notre jurisprudence comme il est reconnu dans la Constitution ou la
jurisprudence d’autres fédérations. De même, les conditions rattachées à
la Loi canadienne sur la santé sont tout à fait conformes au cadre
juridique (tableau
30).
Mais ce n’est pas uniquement parce qu’une mesure est constitutionnelle qu’elle
est pour autant souhaitable; encore faut-il qu’elle contribue au mieux-être
des citoyens. Est-il souhaitable que le gouvernement du Canada aide par ses
transferts à faire en sorte que les Canadiens soient admissibles à l’aide
sociale partout au Canada et que l’accès aux services de santé ne soit pas
chez nous fonction de la taille du porte-monnaie du patient? À cette question,
je réponds oui, pour au moins quatre raisons.
En premier lieu, les conditions légères qui assortissent la Loi
canadienne sur la santé ne forment en rien un « carcan »; elles n’empêchent
pas les provinces d’innover. Quand je lis le rapport de la Commission Clair,
par exemple, je ne vois rien là-dedans qui soit contraire à la Loi
canadienne sur la santé.
En second lieu, tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux se
sont déclarés en accord avec les principes de la Loi canadienne sur la
santé à plusieurs reprises. Le débat entre les gouvernements ne porte pas
sur ces principes comme tels, mais plutôt sur leur délimitation, sur les
modalités de leur application et sur le mode de résolution de conflits
intergouvernementaux. D’ailleurs, ces conflits sont rares : le gouvernement du
Canada n’a que très rarement diminué ses transferts en raison du non-respect
de ces principes par une province. Le total des retenues ne représente que 8,3
millions de dollars depuis 1984, et aucune retenue n’a été prélevée au
Québec, comme le note la Commission Séguin elle-même.
En troisième lieu, dans une fédération, le gouvernement fédéral reçoit,
tout comme ceux des entités fédérées, son mandat du peuple, au moyen de l’élection
directe du parlement fédéral. Or, aux dernières élections fédérales, les
Canadiens ont choisi entre l’approche Day et l’approche Chrétien; ils ont
réélu un gouvernement libéral déterminé à faire respecter les grands
principes d’équité de la Loi canadienne sur la santé. Si l’on
voulait libérer le gouvernement fédéral de cet engagement, il faudrait
retourner au peuple canadien, et non pas le faire en réponse à une commission
d’enquête provinciale. C’est une question de démocratie. Les sondages
confirment d’ailleurs que les Québécois, tout comme les autres Canadiens,
veulent que nos gouvernements travaillent de concert dans le domaine de la
santé comme dans les autres domaines (tableau
31).
Quatrièmement, les Canadiens ont raison de souhaiter le maintien d’un
rôle fédéral dans le domaine de la santé. Nous ne sommes pas en Europe où
les programmes sociaux sont relativement similaires d’un pays à l’autre,
mais seuls face à un géant américain qui joue une tout autre partie en
matière de santé. Il y a plus d’Américains qui n’ont pas d’assurance
médicale qu’il y a de Canadiens sur terre. Nous avons besoin de la
collaboration et de la discipline de tous nos gouvernements pour nous protéger
contre une américanisation rampante de nos politiques de santé. Cela ne doit
pas nous empêcher d’examiner la définition et les modalités d’application
de ces grands principes, comme le fait la Commission Romanow. Mais cela veut
dire qu’à la santé est rattachée une sorte de droit de citoyenneté étendu
à tous les Canadiens qui veut que chacun ait accès à la solidarité de tous
face à la maladie.
Pour faire face aux difficultés présentes et à venir dans le domaine de la
santé comme dans les autres secteurs, le Canada, comme les autres pays, devra
unir ses forces. Les gouvernements de notre fédération devront travailler
ensemble, pour le partage des coûts comme pour le repérage des meilleures
politiques, dans le respect de leurs responsabilités et pouvoirs
constitutionnels.
Conclusion
Le déséquilibre fiscal est un mythe (tableau
32). Les faits démontrent que :
- les surplus fédéraux sont petits par rapport aux déficits
passés;
- tous les gouvernements font face à des pressions;
- tous les gouvernements ont accès aux revenus dont ils ont besoin
pour financer leurs dépenses;
- les recommandations de la Commission Séguin replongeraient les
finances fédérales dans le cycle des déficits.
L’envahissement des compétences provinciales par le gouvernement fédéral
est également un mythe (tableau
33). Les faits montrent que :
- les dépenses de programmes fédérales sont à leur plus bas
niveau depuis 1948;
- les provinces ont accès aux mêmes sources de revenus que le
gouvernement fédéral et les transferts fédéraux sont assortis de peu de
conditions;
- le gouvernement du Canada agit dans le respect de la Constitution;
- les Canadiens, y compris les Québécois, souhaitent que leurs
gouvernements collaborent.
J’aimerais, en terminant, faire un commentaire supplémentaire à propos du
débat actuel sur le prétendu déséquilibre fiscal. Ce commentaire a trait à
un éventuel référendum qui porterait sur les recommandations de la Commission
Séguin. M. Landry et son parti semblent prendre au sérieux la possibilité de
recourir à une telle astuce. J’ai déjà par le passé expliqué en quoi un
référendum provincial qui porterait sur les transferts de points d’impôts
fédéraux serait absurde. Je dirai la même chose d’un référendum
provincial sur le transfert aux provinces de la TPS.
Tenir un tel référendum serait jeter l’argent des contribuables par les
fenêtres. Le gouvernement fédéral aurait l’obligation de se déclarer non
lié par ces résultats, car du moment où il se déclarerait obligé d’agir
conformément aux résultats d’un référendum tenu dans une province, il
devrait se reconnaître la même obligation dans le cas d’autres référendums
éventuels tenus dans d’autres provinces, sur des questions budgétaires ou
autres : la peine de mort, par exemple. Certains de ces référendums pourraient
avoir des conséquences négatives pour le Québec (baisse de la péréquation,
par exemple).
La Commission Séguin nous en donne une illustration. Dans son rapport, elle
se déclare contre les ententes bilatérales que le gouvernement du Canada a
signées avec ceux de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse qui ont eu pour effet
de réduire pour ces provinces les ajustements à la baisse de droits de
péréquation que l’exploitation nouvelle de leurs ressources gazières et
pétrolifères au large de leurs côtes a entraînés : « La Commission est
d’avis que ces solutions ad hoc posent des problèmes d’équité entre les
provinces bénéficiaires ». Parmi les provinces bénéficiaires que ces
ententes lèsent, selon la Commission Séguin, il y a bien sûr le Québec. Eh
bien, je peux vous assurer que, si les premiers ministres de Terre-Neuve et de
Nouvelle-Écosse devaient tenir des référendums sur le renforcement de ces
ententes, ils les gagneraient à plus de 90 %. Aussi, pas plus dans ces
provinces qu’au Québec, le gouvernement fédéral ne devrait être lié par
de tels référendums.
Aucune fédération ne pourrait se gouverner ainsi. Si ces référendums
portent sur des compétences provinciales – les loteries, pour reprendre l’exemple
de M. Landry – il n’y a pas de problème. Mais dès qu’ils mettent en jeu
une compétence fédérale ayant des répercussions sur toutes les provinces, un
référendum provincial est une voie sans issue Une fausse sortie de secours qui
est en fait une voie de garage pour séparatistes en panne.
Aux élections fédérales de 1993, M. Lucien Bouchard, alors chef du Bloc,
faisait campagne en tirant argument des déficits budgétaires pour exhorter les
Québécois à sortir du Canada : « S’ils (les Canadiens hors-Québec) ont
l’intention de faire faillite, tant pis pour eux. Mais nous allons sauver
notre peau » [Traduction], affirmait-il le 14 août 1993. C’était l’ère
des déficits fédéraux.
Aujourd’hui, M. Landry veut relancer sa machine référendaire en
dénonçant les surplus fédéraux. Que le gouvernement fédéral ait un surplus
ou un déficit, il aura toujours tort du point de vue des chefs
sécessionnistes.
Il demeure que la Commission Séguin aborde un problème normal dans tout
pays normal : celui de l’allocation optimale des ressources budgétaires.
La Commission sur le déséquilibre fiscal conclut sans surprise qu’il y a un
déséquilibre fiscal. J’espère avoir démontré que cette conclusion est
erronée.
Il n’y a pas de déséquilibre fiscal, mais il y a une obligation d’entraide
pour les gouvernements de notre fédération, dans le respect du rôle de
chacun, et sous la contrainte permanente d’une prudence budgétaire
nécessaire.
NOTES
- Conférence de presse de M. Bernard Landry et de Mme Pauline
Marois à la suite du dépôt du rapport de la Commission Séguin, le 13
mars 2002.
- Mémoire présenté à la Commission sur le déséquilibre fiscal,
Union des municipalités du Québec, le 28 septembre 2001, p. 9.
- Débat télévisé du 29 août 1994, Le Soleil, le 30 août 1994,
p. A1.
- « L’illusion du déséquilibre », La Presse, le 19 mars 2002,
p. A15.
- Projection des équilibres financiers des gouvernements du Canada et du
Québec, le Conference Board du Canada, février 2002, p. 8.
- Pour un nouveau partage des moyens financiers au Canada, rapport de
la Commission sur le déséquilibre fiscal, Gouvernement du Québec, mars
2002, (214 pages), p. 166.
- TD Economics, le 19 février 2002.
- Pour un nouveau partage des moyens financiers au Canada, op. cit.,
p. 142.
- Keith G. Banting et Stan Corbett (dir.), Health Policy and Federalism:
A Comparison of Five Federations, Papers and Presentations from
Workshops on Health Policy and Federalism, Sao Paolo, les 15-16 octobre 2001
et Mexico, le 18 octobre 2002, p.13.
- Pour un nouveau partage des moyens financiers au Canada, op. cit.
p. 80.
- Id., p. 113.
- The Toronto Star, le 15 août 1993, p. A11.
|