IV
Moderniser la prestation des services
Le rapport de l'an dernier soulignait que l'un des trois
défis principaux de la fonction publique du Canada serait de
moderniser la prestation des services. Cela signifiait adapter
les programmes et services aux besoins des citoyens et explorer
de nouveaux modèles organisationnels, y compris le partenariat
avec d'autres ordres de gouvernement et d'autres secteurs de
la société.
Les progrès accomplis
L'innovation se pratique à tous les échelons, et
plusieurs fonctionnaires se sont faits les «champions» de la réforme du
secteur public |
Comme en témoignent les solutions
ingénieuses et innovatrices qu'ils proposent pour améliorer la
prestation des services, les fonctionnaires ont démontré qu'ils
sont prêts à répondre aux attentes des citoyens. Dans toutes
les administrations publiques, dans de nombreuses organisations
et dans toutes les régions du pays, on s'emploie à moderniser
l'exécution des tâches et la prestation des services et à
établir des partenariats. L'innovation se pratique à tous les
échelons, et plusieurs fonctionnaires se sont faits les
« champions » de la réforme du secteur public.
Bien qu'il reste beaucoup à faire, il faut souligner les
progrès accomplis et profiter des enseignements qu'apportent ces
innovations. Les réformes entreprises jusqu'à maintenant sont
trop nombreuses pour que nous puissions les énumérer toutes
ici, mais il convient de mentionner quelques
exemples prometteurs :
1. Des guichets uniques de service sont en train
d'être mis sur pied pour mieux répondre aux divers besoins des
clients et leur offrir une gamme de services en un même point.
- Les Centres de services aux entreprises du Canada, qui
existent dans toutes les provinces, regroupent les
activités et services de plusieurs ministères
fédéraux et, bien souvent, ceux des provinces et du
secteur privé. Ils offrent un point de service unique
aux clients qui veulent se prévaloir des programmes
gouvernementaux destinés aux entreprises.
- Durant la dernière année, Développement des ressources
humaines Canada a restructuré son réseau de services en
établissant de nouveaux modes de prestation des
services, ce qui a réduit ses coûts. Dans certains cas,
les services ont été intégrés avec ceux des provinces
et les limites habituelles des champs de compétence ont
été abolies. Citons à titre d'exemple le Centre de
services Canada Alberta, à Calgary et Edmonton, où
les citoyens peuvent trouver en un seul endroit une foule
de renseignements et de services : emploi, marché
du travail, assurance-emploi, services sociaux,
recyclage, programmes d'apprentissage, pensions et
subventions aux garderies.
2. L'intégration horizontale des activités de deux
ou plusieurs ministères fédéraux vise à améliorer le service
aux citoyens et à réduire les coûts pour les contribuables et
les utilisateurs.
- Agriculture et Agroalimentaire Canada, le ministère des
Pêches et des Océans et Santé Canada voient
actuellement à intégrer leurs services d'inspection des
aliments et de quarantaine. Ces services pourront
peut-être un jour être intégrés aux activités
d'inspection des aliments des provinces et des
municipalités.
3. L'intégration verticale des activités de deux
ordres de gouvernement ou plus vise à améliorer le service à
la population et à réduire les coûts pour les contribuables.
- L'Office national de l'énergie et la Commission de
l'énergie de l'Ontario s'emploient à concevoir un
système commun de dépôt électronique des demandes
relatives à la réglementation. Ce système permettra
aux personnes intervenant dans le processus de
réglementation de n'avoir affaire qu'à un seul système
lorsqu'elles traitent avec les deux organismes, ce qui se
traduira par des gains d'efficience, des coûts réduits
et un traitement plus rapide.
4. Des mesures sont prises pour permettre aux citoyens d'avoir
davantage leur mot à dire dans la prestation des programmes
qui les concernent en échange d'une responsabilité
plus grande.
- Les administrations aéroportuaires locales offrent au
secteur privé et aux municipalités la possibilité de
jouer un plus grand rôle dans la gestion des aéroports.
5. On se sert davantage de la technologie pour mieux
servir les citoyens. Le personnel ainsi rendu disponible
pourra s'occuper des cas les plus compliqués.
- Pour l'année d'imposition 1996, plus de
4,5 millions de déclarations de revenus ont été
transmises par voie électronique. Au Nouveau-Brunswick,
dans le cadre d'un projet pilote,
4 677 déclarations ont été faites
par téléphone.
- Grâce au Système d'achats et de règlements
électroniques de Travaux publics et Services
gouvernementaux Canada, le secteur privé peut traiter
électroniquement avec le gouvernement fédéral pour
acheter et régler des biens et services.
- Le projet CANPASS (Aéroport), qui fait appel à une
technologie avancée en matière de cartes, vise à
accélérer les formalités de douane et d'immigration.
Il permet aux grands voyageurs autorisés et à faible
risque qui détiennent une carte codée portant leur
empreinte digitale de se rendre à un stand, plutôt que
d'avoir à répondre aux questions habituelles des
douaniers. Les droits et taxes sont calculés par
ordinateur et portés à la carte de crédit du voyageur.
Le projet CANPASS (Autoroute) accélère lui aussi le
passage à la douane en permettant aux détenteurs de
permis à faible risque de profiter d'un système
semblable en se présentant à une barrière spéciale.
6. On se sert de la technologie de l'information pour
communiquer avec les Canadiens et mieux les renseigner sur les
services de l'État.
- Des milliers d'enfants fréquentant plus de
7 000 écoles peuvent se renseigner sur le
Canada grâce au Réseau scolaire canadien, un site
Internet géré par Industrie Canada.
- Les entreprises peuvent consulter plus de
7 000 documents sur le site Internet Strategis
d'Industrie Canada.
- Le Sous-comité de la gestion de l'information (SCGI) du
Conseil du Trésor étudie comment employer la
technologie pour améliorer les services fournis à la
population et aux entreprises canadiennes. Composé de
sous-ministres, le SCGI a constitué trois groupes de
travail ayant pour mandat d'élaborer des méthodes
axées sur le client et de voir où l'on pourrait
rationaliser la prestation des services en intégrant
divers services fédéraux de même que des services
fédéraux et provinciaux. Chaque groupe a isolé des
projets pilotes devant répondre aux besoins particuliers
des clients. Le premier groupe de travail examine comment
le gouvernement informe la population et les entreprises
canadiennes, le deuxième, de quelle manière il fournit
ses services au public, et le troisième, comment il
fournit ses services aux entreprises. Plus de 60
personnes provenant de 16 ministères font partie de
ces trois groupes de travail.
7. Diverses initiatives améliorent la prestation des
services internes.
- En Nouvelle-Écosse, la fonction publique fédérale a
conçu, sous la tutelle du conseil régional fédéral,
un site Internet qui facilite la mise en commun de
ressources telles que les véhicules automobiles, les
salles de conférences et de formation et les cours. Un
autre site facilite également la tâche du comité mixte
d'aide à l'adaptation de la région en permettant aux
employés d'afficher leur curriculum vitae sur le réseau
et d'effectuer des recherches en direct.
- Le partage des cours offerts par les nombreux centres
d'apprentissage établis un peu partout au pays contribue
à accroître les possibilités de formation et à
réduire les coûts. Par exemple, le Centre de
perfectionnement des employés, situé au Complexe
Guy-Favreau, à Montréal, offre des services de
formation, de planification de carrière et d'orientation
aux employés de 15 ministères fédéraux. Certains
programmes de formation sont également offerts sur
l'Internet.
- Six ministères fédéraux situés aux Terrasses de la
Chaudière, à Hull, ont pris ensemble certains
arrangements administratifs, en ce qui concerne notamment
les services de photocopie et de messagerie et les tarifs
postaux. En plus d'améliorer le service, ces ministères
ont réussi à économiser 6,8 millions de dollars
depuis 1993.
Ces initiatives ont beaucoup de points communs. D'abord, elles
viennent toutes de structures du secteur public et remplissent un
mandat qui lui est propre et elles en respectent les valeurs et
les principes de gestion. Ensuite, elles adhèrent aux principes
fondamentaux de responsabilité gouvernementale et ministérielle
de même qu'à l'engagement de fournir un service de qualité.
Enfin, ces initiatives, qui utilisent les nouvelles technologies,
mettent en lumière le fait que la prestation intégrée des
services des différents ministères et des divers ordres de
gouvernement contribue à améliorer le service.
Le souci d'un bon service
De toute évidence, la prestation de services de qualité est
une responsabilité fondamentale que le secteur public devra
toujours assumer. Chaque fois qu'ils réussissent à améliorer
le service, les fonctionnaires retrouvent leur enthousiasme
et leur fierté. Même si les Canadiens ne sont pas encore
pleinement satisfaits de la qualité des services offerts
par les divers ordres de gouvernement, le fait que la fonction
publique elle-même reconnaisse l'importance de les améliorer
sans cesse, et le fait que nous soyons témoins de nombreux
exemples d'amélioration sont de bon augure.
Le secteur public est au service de citoyens
plutôt que de consommateurs |
Le secteur public est au service de
citoyens plutôt que de consommateurs, et il s'agit là d'une
distinction importante. Dans le secteur privé, les clients
cherchent à maximiser leur avantage personnel. S'ils ne sont pas
satisfaits du service qui leur est offert, ils sont libres de
s'adresser ailleurs. Dans une démocratie, les citoyens
ont tous les mêmes devoirs et les mêmes droits. La citoyenneté
ne repose pas sur l'individualité, mais sur l'appartenance à
une société démocratique ayant des objectifs et des intérêts
communs, objectifs auxquels se consacre la fonction publique.
S'il juge une situation insatisfaisante, le citoyen est censé
agir de concert avec d'autres pour la corriger par des moyens
démocratiques.
Les fonctionnaires veulent donner aux citoyens le
service qu'ils attendent d'eux et ils sont prêts à supprimer les
obstacles qui empêchent l'amélioration de la prestation des services |
Malgré ces différences fondamentales
entre les deux secteurs, le secteur public attache autant
d'importance que le secteur privé à la qualité du service et
à en donner au contribuable pour son argent. Les fonctionnaires
veulent donner aux citoyens le service qu'ils attendent d'eux et
ils sont prêts à supprimer les obstacles qui empêchent
l'amélioration de la prestation des services; mais, ce faisant,
ils doivent agir conformément aux rôles et aux valeurs du
secteur public.
Les prochaines étapes
Par le biais du Groupe de travail sur les modèles de
prestation de services, groupe de travail de sous-ministres
mis sur pied en 1996, nous avons analysé certains des
obstacles à l'amélioration du service et examiné les
meilleures pratiques des administrations fédérale, provinciales
et municipales, aussi bien au Canada qu'à l'étranger.
En tant que membres du Cabinet, les ministres ont une
responsabilité collective. Mais, ils ont aussi une
responsabilité individuelle qui exerce une dynamique inverse.
Nous avons constaté que l'un des principaux problèmes à
surmonter est la gestion verticale, ou en vase clos, qui divise
les activités gouvernementales en groupes de services distincts
ne reflétant pas l'interconnectivité de la vie quotidienne.
Pour voir à l'intérêt public, les ministres et les hauts
fonctionnaires ne doivent pas uniquement s'en tenir à leur
propre mandat, mais bien agir de façon concertée pour répondre
aux besoins des citoyens.
La plupart du temps, les obstacles à la
prestation intégrée des services, c'est nous qui les érigeons |
Toutefois, la plupart du temps, les
obstacles à la prestation intégrée des services, c'est nous
qui les érigeons. Ils proviennent des règles administratives et
de la paperasserie que nous instaurons, de la protection des
intérêts de nos organisations et parfois de la peur du
changement. Lorsque ces obstacles sont surmontés, nous
découvrons que nous pouvons alors donner libre cours à notre
imagination.
Comme l'a indiqué le Groupe de travail sur les valeurs et
l'éthique, groupe de travail de sous-ministres mis sur pied
en 1996, « une prestation vraiment intégrée exigera
une capacité de concertation d'un tout nouvel ordre sur la
« ligne de feu » et un changement radical de
mentalité derrière cette ligne, de manière à ce que l'on
puisse vraiment concevoir l'appareil gouvernemental du point de
vue des citoyens et réinventer nos façons de faire pour
répondre aux besoins des personnes en chair et en os ».
- Pour y parvenir, il faudra encourager et appuyer l'innovation
et l'expérimentation. Il faudra explorer,
apprendre, avancer -- même en terrain inconnu. Par
exemple, les conseils régionaux de hauts fonctionnaires
fédéraux qui existent dans chaque province ont souvent
été source de changement et d'innovation, et leur
contribution est importante. Ils sont près des clients,
et leurs idées sur la meilleure façon de répondre aux
besoins des clients devraient être prises en
considération.
- Il importe également de reconnaître qu'on ne peut
expérimenter sans prendre de risques. Les ministres
et les hauts fonctionnaires doivent accepter la part
d'incertitude allant de pair avec le fait de jeter du
lest. Toutes les tentatives ne seront pas fructueuses,
cela va de soi, et il y aura des erreurs. Il faut le
comprendre et l'accepter. À nous de tirer profit de ces
expériences.
- Nous avons besoin de chefs de file qui donnent
l'exemple et qui sont disposés à remplacer le
contrôle par la confiance, les systèmes par les valeurs
fondamentales, la routine sécurisante par l'engagement
à livrer des résultats.
- Nous devons sans cesse chercher à supprimer les
obstacles à l'amélioration de la prestation des
services que nous avons érigés -- comme
les formalités administratives, l'esprit de clocher et
la peur du changement -- parce que plus que toute
autre chose, ce sont eux qui nous empêchent de consacrer
toute notre attention et nos énergies à l'amélioration
du service.
- Nous devons adopter une approche intégrée de
la prestation des services qui fait passer l'intérêt
public avant celui des ministères.
- Nous devons nous engager à travailler en partenariat
et en équipe.
Nous apprendrons les uns des autres |
Il n'existe pas de plan
directeur pour y arriver -- il ne saurait d'ailleurs y en avoir.
Chacun doit être de la partie et apporter sa contribution. Nous
apprendrons les uns des autres et, ce faisant, nous découvrirons
de nouvelles façons de moderniser à la fois le secteur public
et la fédération canadienne.
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