Le désir d'avoir des livres qui parlent aux enfants en tant que Canadiens, les informant sur qui ils sont et ce qu'ils sont, fait partie de tout cela. Malgré les indications du contraire dans le nombre de livres publiés jusqu'à tout récemment, le fait canadien a toujours été une force directrice. Par exemple, lorsque Catherine Parr Traill, un de nos premiers écrivains pour adultes, a écrit le premier roman canadien connu pour enfants, Canadian Crusoes : A Tale of the Rice Lake Plains, elle poursuivait le but évident d'enseigner aux jeunes immigrants à quoi s'attendre dans leur terre d'adoption.
Un souhait similaire de faire circuler des renseignements sur le Canada se retrouvait tout à fait au coeur d'oeuvres importantes d'auteurs canadiens-français comme l'abbé Casgrain. Il a fait l'objet de quelques manifestations inhabituelles : par exemple, Bob and Bill See Canada, histoire en vers rimés d'un voyage de deux lapins à travers le Canada produite en 1919. Il a très certainement été un facteur dans cette « limitation » mentionnée plus haut et qui a amené les enfants à lancer cette plainte désespérée : « Il semble que tous les livres canadiens parlent de la faune et ont pour sujet lhistoire3. » (Trad.) Et les adultes d'ajouter : « Je proposerais aux éditeurs d'essayer de trouver des auteurs qui peuvent écrire sur d'autres sujets que "le Nord" et les Indiens, sinon les éditeurs américains nauront jamais de concurrence4. » (Trad.)
Ce désir ardent de combler les lacunes que nous avons perçues dans nos connaissances a empiété pendant longtemps sur notre capacité de percevoir que ce que nous devions vraiment faire, c'était de donner à nos enfants non pas nos renseignements, mais nos histoires. Cette vision étroite a d'une certaine façon été transformée par la publication d'un seul livre. Ce livre, c'est Alligator Pie de Dennis Lee. Il était rempli de ce que nous vivions et faisait danser, sauter et rire le lecteur. Il était prouvé une fois pour toutes, et on lavait démontré spectaculairement au Canada anglais avec Anne of Green Gables (Anne -- la maison aux pignons verts) tant d'années auparavant, que la littérature canadienne pouvait être agréable. Parce qu'il plaisait, Alligator Pie s'est vendu. C'était important parce qu'il donnait aux éditeurs une injection d'espoir très nécessaire.
Alligator Pie peut avoir été un livre important, mais il ne pouvait exercer à lui seul sa magie spéciale pour nous. Il est arrivé à un moment où il y avait plus que jamais des éditeurs déterminés à privilégier les écrivains qui écrivaient déjà et à encourager de nouveaux écrivains également. Parmi ces derniers, les plus importants se retrouvaient souvent dans de petites maisons d'édition. On a déjà mentionné James Lorimer & Co. et The Women's Press, mais il y a un nombre croissant d'autres maisons d'édition, dont Annick Press, de même que La courte échelle.
Enfin, les histoires prennent le dessus grâce à des livres qui portent un message qui englobe et enveloppe tous les autres, un message qui dit à nos enfants que notre vie dans notre pays est merveilleuse et variée, que ce qui compte, cest notre vie et notre façon de vivre.
1 Propos d'une fillette de douze ans, cité dans Children's Choices of Canadian Books, publié sous la direction de Margaret Caughey (Ottawa : Citizens' Committee on Children, 1981), vol. II, p. 58.
2 Propos d'une fillette de six ans, cité dans Children's Choices of Canadian Books, publié sous la direction de M.Jane Charlton (Ottawa : Citizens' Committee on Children, 1985), vol. IV, nº 1, p. 22.
3 Propos d'un garçon de dix ans, cité dans Children's Choices of Canadian Books, publié sous la direction de Margaret Caughey (Ottawa : Citizens' Committee on Children, 1979), vol. 1, p. 38.
4 Propos d'un parent d'un lecteur de sept ans, cité dans Children's Choices of Canadian Books, publié sous la direction de Margaret Caughey (Ottawa : Citizens' Committee on Children, 1979 ), vol. 1, p. 7.
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