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La politique et le bien commun
JAMC 2000;163(10) :1227 [PDF]


Une des découvertes qui fait le plus réfléchir et sort des recoins poussiéreux de la recherche sur les services de santé, c'est le lien de plus en plus constant qu'on établit entre les disparités de revenu et les taux de morbidité et de mortalité.1 Par exemple, dans les pays occidentaux où l'écart est moindre entre les personnes dont le revenu annuel moyen se situe dans la tranche inférieure de 20 % et celles dont le revenu se situe dans la tranche supérieure de 20 %, la population dans l'ensemble est en meilleure santé. De même, lorsque la différence entre les revenus est plus marquée, l'état de santé global est moins bon. Ces liens semblent tenir, quel que soit le revenu moyen par habitant.

Il est cependant tout aussi évident qu'il y a un lien solide entre l'état de santé et à la fois la prospérité économique globale de la population et le revenu individuel.2 Même au sein d'un groupe d'employés, les fonctionnaires britanniques par exemple,3 plus le revenu d'une personne est élevé, plus son état de santé est bon. Ainsi, les politiciens et le gouvernement doivent tenir compte à la fois de l'effet nocif de la différence au niveau des revenus et de l'effet bénéfique, pour l'individu et pour la société dans l'ensemble, de la prospérité individuelle.

Secouant la poussière, des chercheurs et des stratèges du domaine des services de santé se sont réunis en juin à La Havane, à Cuba, pour la conférence inaugurale de la Société internationale pour l'équité en santé (www.iseqh.org). Dans son discours, Sudhir Anand a soutenu que la différence des revenus pose moins un problème que l'iniquité en santé. Comme il l'a signalé, les incitations liées au revenu sont un élément moteur puissant de la productivité et il est de toute façon peu probable qu'elles disparaissent. Ainsi, nous pouvons seulement nous attendre à des inégalités plus marquées sur le plan du revenu à mesure que les économies évoluent. Dans cette optique, la réduction des disparités économiques ne constitue une politique réaliste pour aucun gouvernement.

Que dire toutefois de l'écart des revenus et de son effet nocif sur la santé? Barbara Starfield4 et d'autres intervenants soutiennent que le lien entre la répartition des revenus et la santé tient à cause de la disponibilité de services de santé primaires universels et complets : il se peut donc que le lien existe non pas entre l'écart des revenus et la santé, mais plutôt entre la disponibilité des soins primaires et la santé. Les régions où l'écart au niveau du revenu est moins marqué ont des services plus développés de soins de santé primaires.

Au Canada, comme des élections nationales approchent, les partis fédéraux prennent position et débattent de solutions à court terme pour l'assurance-maladie — médicaments, tomodensitomètres, soins à domicile et listes d'attente (voir pages 1323–4). En fait, le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé consiste à organiser (et à mettre en œuvre), autant par des mesures législatives que par son leadership, les divers éléments de notre monde qui constituent les déterminants de la santé : en particulier l'éducation et les soins de santé primaires, mais aussi l'emploi, la sécurité, un revenu décent, le logement, etc. Nous devons élire un gouvernement qui soit prêt à énoncer par ses politiques les valeurs rivales que constituent le capitalisme (et non seulement une baisse des impôts et une amélioration de la situation personnelle) et le bien commun, et qui soit capable de le faire. Les électeurs du Canada ont besoin d'un gouvernement qui, tout en favorisant et en encourageant la croissance économique, ne se contentera pas de défendre les idéaux de l'équité pour tous les Canadiens dans les domaines clés de l'accès aux soins de santé primaires et à tous les niveaux d'éducation, mais qui en fera aussi la promotion. — JAMC


Références

    1.   Wilkinson R. Unhealthy societies: the afflictions of inequality. Londres (R.-U.): Routledge; 1996.
    2.   Townsend P, Davidson N. Inequalities in health: the Black report. Harmondsworth (R.-U.): Penguin; 1982.
    3.   Hemingway H, Shipley M, Macfarlane P, Marmot M. Impact of socioeconomic status on coronary mortality in people with symptoms, electrocardiographic abnormalities, both or neither: the original Whitehall study 25 year follow up. J Epidemiol Community Health 2000; 54(7):510-6. [MEDLINE]
    4.   Starfield B. Is US health really the best in the world? JAMA 2000; 284(4):483-5. [MEDLINE]

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