Journal de l'Association Médicale Canadienne Page d'accueil

Table des matières Table des matières gratuit

Anciens numéros
Suppléments
Séries d'articles

Les cyberlettres
Le journal
Renseignements aux auteurs

PubMed

Qu'est-ce qu'on pourrait acheter avec un billet de 33 $?
CMAJ 2000;163(8) :947[PDF]


Après les chamailleries habituelles, le premier ministre Jean Chrétien et ses homologues se sont entendus sur ce que personne n'aurait eu l'audace de saborder : ils ont conclu une nouvelle «entente sur la santé» qui injectera 23,4 milliards de dollars dans la santé et les programmes sociaux en 5 ans. Le montant semble énorme lorsqu'on le prononce rapidement. Or, si l'on suppose qu'il sera affecté intégralement aux soins de santé (et si l'on en soustrait le montant réservé au développement de la petite enfance) au cours de l'exercice 2001–2002, ce financement représentera une injection supplémentaire de 100 $ par habitant (montant fondé sur la population de 1999) dans les soins de santé. Ce n'est pas beaucoup, si l'on considère que les dépenses annuelles consacrées aux soins de santé au Canada atteignent 1959 $ par habitant en fonds publics, auxquels s'ajoutent les 857 $ que le Canadien moyen dépense directement de sa poche (projections de 1999).1 À la fin de l'exercice en cours, on aura versé un milliard de dollars seulement et ce, spécifiquement pour l'équipement médical et la technologie de l'information. Ce qui représente environ 33 $ par habitant : il n'y a pas lieu de s'en vanter.

En concluant cette entente, les 2 paliers de gouvernement espéraient détourner l'attention des critiques qui les accusent d'avoir mal géré et mal financé le système de santé. C'est particulièrement important dans le cas des Libéraux au pouvoir, pour qui il s'agira d'un enjeu électoral clé (voir page 1029). Il ne faut toutefois pas nous leurrer : le transfert d'argent de notre poche gauche fédérale à notre poche (en grande partie) droite des provinces et des territoires aura peu d'effet sur les problèmes sous-jacents auxquels fait face l'assurance maladie au Canada.2 L'injection d'argent est une solution politique à un problème politique.

Les professionnels de la santé et les patients ont vu de près les problèmes du système de santé. Pénuries de lits, engorgement des salles d'urgence, retards dans l'implantation de technologies nouvelles et exigences impossibles imposées aux soins à domicile et aux soins de longue durée en établissement : tous ces problèmes sont trop bien connus depuis le milieu des années 80, lorsque les Conservateurs, et ensuite les Libéraux, ont réduit les paiements de transfert aux provinces.3 Face à une dette écrasante et à des pressions politiques qui le poussaient à s'attaquer au déficit, le gouvernement fédéral n'avait pas le choix : il a dû sabrer dans son enveloppe budgétaire la plus importante, celle des soins de santé. Aux prises avec la même situation, les provinces et les territoires n'avaient aucune marge de manœuvre face à la réduction du financement fédéral. Si le système a survécu, c'est grâce aux patients, aux professionnels de la santé et aux gestionnaires des services de santé.

Le système a peut-être même été renforcé, presque par inadvertance. Les hôpitaux, qui ont été victimes du gros des compressions, ont dû chercher à établir des alliances avec des médecins communautaires, des programmes de soins à domicile et des ressources communautaires. Les frontières entre différents paliers de soin ont commencé à disparaître, ce qui est à l'avantage des patients et des professionnels de la santé.

Nous espérons que les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé ne se contenteront pas simplement de recréer le système de santé d'hier, mais qu'ils persévéreront face à certains des changements importants qui sont survenus. Il faut tourner notre attention vers ce qui s'est passé, encourager la réforme des soins primaires et faire du système de santé... un vrai système — JAMC


Références
  1. Institut canadien d'information sur la santé. Dépenses nationales de santé. Disponible : www.cihi.ca/facts/nhex/hexdata.htm (consulté le 14 sept 2000).
  2. Une nouvelle Loi canadienne sur la santé s'impose [éditorial]. JAMC 2000;163(6):691.
  3. Deber RB. Who wants to pay for health care? JAMC 2000;163(1):43-4.

Droit d'auteur 2000 Association médicale canadienne ou ses concédants