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Interdiction de l'amiante : le moment est-il venu?
Selon la légende, Charlemagne avait une nappe faite d'amiante tissée qu'on nettoyait après le repas en la jetant au feu. C'est à cause de ses propriétés remarquables ininflammabilité, faible conduction thermique, fibrosité et omniprésence dans la croûte terrestre que l'amiante a été utilisée commercialement dans toutes sortes de produits : matériaux d'isolation, rideaux de théâtre, tuyaux de ciment, bardeaux, joints, garniture de freins, scellants et corde. On en a même retrouvé (comme contaminant du talc) dans des crayons à colorier pour enfants. Presque tous les habitants du monde occidental ont été exposés à l'amiante. C'est vers 1878 qu'on a découvert un des plus importants gisements mondiaux d'amiante, à une centaine de kilomètres au sud de Québec. La région, où se trouvent maintenant la ville d'Asbestos et une des plus grandes mines d'amiante au monde, produit maintenant environ le tiers de l'approvisionnement mondial. Le Canada est en fait le seul pays occidental à produire encore de l'amiante en grande quantité. L'intervention du Collegium Ramazzini, qui préconise d'interdire totalement l'extraction et l'utilisation de l'amiante (voir page 489),1 vise donc principalement le Canada. La racine grecque du mot «asbeste» signifie «inextinguible», mot qui pourrait décrire de nos jours la soif des cabinets d'avocats à l'affût de poursuites en justice portant sur les effets de l'exposition à l'amiante sur la santé, et celle de l'industrie de l'amiante qui recherche de nouveaux débouchés pour compenser les marchés perdus en Occident. Pendant ce temps, le débat scientifique sur les dangers de l'amiante s'éternise. Des études professionnelles réalisées au cours des années 1970, surtout à l'Université McGill, par Corbett Macdonald et ses collaborateurs, et à la Faculté de médecine Mount Sinai à New York, par Irving J. Selikoff et ses collaborateurs, ont amené les 2 groupes à tirer des conclusions presque contraires. Maintenant professeur émérite à McGill, Macdonald a présenté un argument solide en affirmant qu'on pouvait attribuer le mésothéliome, le cancer du poumon et l'amiantose principalement à un type particulier d'amiante, l'amphibole (que l'on n'extrait plus maintenant) et que l'amiante produite actuellement, soit la chrysolite, est beaucoup moins nuisible. Selikoff n'était pas d'accord, de même que les membres du Collegium Ramazzini qu'il a fondé en 1972 pour «évaluer le risque actuel et futur de traumatismes ou de maladies attribuables à l'environnement ou au milieu de travail». Pour attiser le débat et présenter un point de vue rédactionnel qui ferait contrepoids à la proclamation du Collegium, nous avons demandé à Michel Camus (voir page 491) de répondre2 et à Jack Siemiatycki (voir page 495) de passer en revue ce que nous savons sur les risques que représentent pour la santé l'amiante et les substituts qu'il faudra utiliser si l'on interdit l'amiante.3 Nous sommes d'accord avec Siemiatycki, qui a proposé qu'un groupe d'experts «sans expérience ni intérêt important à l'égard de la recherche sur l'amiante» passe en revue les effets de l'amiante sur la santé publique, ainsi que l'efficacité des matériaux substituts et les dangers qu'ils présentent. Comme le Canada est le seul pays occidental à produire encore de l'amiante en grande quantité, il lui incombe de piloter cet effort et de s'en tenir aux recommandations du groupe. Il fut un temps où l'on tissait l'amiante pour produire des mèches de lampe à l'huile, qui brûlaient ainsi plus lentement. En produisant, on suppose, plus de lumière que de chaleur. JAMC Références
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