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La Direction des produits de santé naturels : un peu de scepticisme naturel
Le mot «naturel» que les services de marketing appliquent à n'importe quoi, du shampooing jusqu'aux aliments, en passant par les tissus et (ce qui est peut-être un peu plus pertinent) les cercueils en pin, sous-entend qu'il s'agit d'un choix judicieux et sain. En ce qui concerne les plantes médicinales et les suppléments alimentaires, les fabricants ont pu jusqu'à maintenant laisser entendre à peu près n'importe quoi, à condition de ne promettre clairement aucun avantage thérapeutique. Or, nous avons maintenant un moyen de garder un il réglementaire plus attentif sur l'éventail de mystérieux produits dits «naturels» qui prennent de plus en plus de place dans les pharmacies et les magasins d'aliments santé. La nouvelle Direction des produits de santé naturels (voir page 679)1 a pour mission de «veiller à ce que tous les Canadiens et les Canadiennes aient facilement accès à des produits de santé naturels qui sont sûrs, efficaces et de grande qualité tout en respectant les questions de la liberté de choix et de la diversité philosophique et culturelle».2 Même si nous nous réjouissons de l'application des règlements sur les aliments et drogues au secteur nébuleux des produits naturels, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser la question suivante : la salubrité et l'efficacité, c'est une chose, mais depuis quand la «diversité philosophique et culturelle» garantit-elle l'une ou l'autre? Pour le moment, les lignes de démarcation de la catégorie des produits de santé naturels ne sont pas tout à fait claires. Ripped Force, cocktail de substances naturelles, contient des alcaloïdes de l'éphédra. Un homme de 22 ans qui en a consommé pendant qu'il faisait de l'haltérophilie a été victime d'un arrêt cardiaque.3 Ces produits, qui relèvent du champ de compétence de la DPSN, sont-ils plus «naturels» que la pénicilline? Le cadre de la définition actuelle semble prévoir que la DPSN réglementera les produits qui «sont habituellement utilisés et gérés au mieux dans le contexte d'un paradigme médical holistique de mieux-être qui optimise la santé».2 Quoi que cela signifie. Or, cela semble signifier que même si le Programme des produits thérapeutiques continuera de réglementer la pénicilline, les produits en théorie naturels seront soumis à un examen plus tolérant qui n'est pas «limité aux études cliniques à double insu mais qui peut aussi inclure d'autres types de données probantes comme les références généralement acceptées et traditionnelles». Le gouvernement semble croire qu'en ce qui concerne la sûreté et l'efficacité, il y a «d'autres moyens de savoir». La DPSN sera dirigée par un Comité consultatif d'experts dont les membres sont «acceptés par les intervenants [de l'industrie]». On pourrait raisonnablement s'attendre à ce que cette obligation menotte la Direction. Même des grandes entreprises pharmaceutiques, qui disposent de ressources extraordinaires et de compétences scientifiques traditionnelles abondantes, et qui procèdent à des évaluations détaillées de la sûreté à court terme avant la commercialisation, affichent un bilan douteux lorsqu'il est question de surveillance, après la commercialisation, d'effets secondaires graves mais rares (voir page 684).4 Des entreprises ont exigé des rétractations à suite de rapports scientifiques portant sur des effets indésirables (voir page 621)5 et d'autres ont exigé des clauses de non-divulgation dans le contexte de règlements judiciaires avec des victimes d'accident vasculaire cérébral.6 La DPSN risque d'être mort-née à moins que l'on apporte des changements cruciaux qui donnent naissance à des systèmes d'évaluation, de contrôle et de surveillance efficaces et impartiaux produisant des rapports actifs. La salubrité, ce n'est pas un concept global du mieux-être et un nouveau paradigme. Les accidents vasculaires cérébraux d'origine hémorragique existent bel et bien. Ils font partie d'un vieux paradigme très scientifique. Il n'y a pas d'autres moyens de savoir. JAMC Références
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