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Janvier/Février 2004
Vol. 36, no 1
ISSN 1492-4684

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La large bande fait revivre le passé

Trevor Clayton, Communications

Le 25 novembre, un groupe d’environ 20 élèves de l’école élémentaire W.O. Mitchell de Kanata, en Ontario, s’assoyaient devant un grand écran de projection tiré par-dessus le tableau de leur salle de classe. Sur l’écran défilaient les images de trois classes : une d’Ulluriaq à Kangiqsualujjuaq, dans le Nord du Québec, une de l’école Holy Heart de St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador et une de l’endroit où ils se trouvaient. Il s’agissait d’une démonstration du dernier outil d’apprentissage numérique au sein du système d’écoles publiques, le Club de lecture à large bande.

Le système à emplois multiples permet une interaction bidirectionnelle (audio et vidéo à grande vitesse) en vue d’une meilleure transmission entre ceux qui envoient l’information et ceux qui la reçoivent. Le terme « large bande » (contrairement à « bande étroite ») fait référence à un système de transmission des données traitant un grand nombre de renseignements.

En ce qui concerne les rencontres dans les écoles élémentaires, la large bande sert à promouvoir la lecture et à inciter les élèves des écoles publiques du niveau primaire de tout le Canada à étudier un livre choisi pour discuter en ligne et en temps réel de leurs idées – dans ce cas particulier, la discussion avait lieu dans trois provinces et deux fuseaux horaires. Une technologie si innovatrice arrive à susciter l’enthousiasme chez les jeunes qui, autrement, pourraient associer l’électronique à des passe-temps autres que la lecture.

Pourtant, ce que les élèves ont trouvé de tout aussi étonnant que la démonstration de la large bande, c’est le sujet du livre lui-même, à savoir une valise. Le Club de lecture a permis aux enfants de discuter des moments les plus sombres de notre histoire, symbolisés par une valise ayant appartenu à une jeune fille juive assassinée par les nazis dans une chambre à gaz à Auschwitz, en 1944.

Le livre intitulé La valise d’Hana : une histoire vraie, publié originellement en anglais sous le titre Hana’s Suitcase, a été écrit par Karen Levine, une productrice à la radio anglaise de la Société Radio-Canada. Il raconte l’histoire émouvante et extraordinaire d’Hana Brady, âgée de onze ans au moment de sa déportation de la Tchécoslovaquie. Des millions de personnes ont subi le même sort, mais ce qui est particulier dans le cas d’Hana, c’est qu’on a fait revivre sa mémoire. Fumiko Ishioka, le directeur du Centre de ressources éducatives de l’holocauste, de Tokyo, a passé un an à éclaircir le mystère d’Hana Brady après avoir reçu du musée d’Auschwitz la valise ayant appartenu à la jeune fille. Les recherches de Fumiko Ishioka ont d’abord mené à la réalisation d’un documentaire présenté à la radio, puis à la publication d’un livre.

L’auteure Karen Levine et le survivant de l’holocauste David Shentow étaient tous deux présents à l’école élémentaire de Kanata pendant la rencontre des membres du Club de lecture à large bande pour répondre aux questions des élèves de chaque classe et les éclairer sur la situation difficile à laquelle Hana et son frère George ont été confrontés (George, qui a survécu, est maintenant âgé de 75 ans et vit avec sa famille à Toronto). Les élèves de chaque classe ont dessiné les effets personnels qu’ils emporteraient avec eux dans une valise s’ils étaient forcés de quitter leur maison et leur famille. Certains élèves ont lu les poèmes pleins de compassion qu’ils avaient écrits pour Hana; d’autres ont joué des scènes montrant la vie d’Hana et de George dans le camp de concentration. Les élèves de la classe de Ulluriaq ont créé une spectaculaire peinture murale panoramique, un conte en images illustrant la vie idyllique des Brady à Nove Mesto, en Tchécoslovaquie, et le bouleversement qui s’en est suivi.

Les élèves des trois écoles ont pu voir et entendre ce que chacune avait préparé tout au long de la journée et chaque présentation a retenu l’attention de tous. Manifestement, le Club de lecture à large bande est un moyen efficace de faire interagir les élèves entre eux et de créer un environnement tolérant et propice à l’apprentissage.

Selon Martin Brooks, du Conseil national de recherches du Canada, « la large bande servira aux étudiants de tous âges, qu’ils soient à la maternelle ou en processus d’éducation permanente ». Il croit aussi que le système de communication visuelle ne se limite pas qu’à l’alphabétisation. « Nous nous servons des mêmes techniques et outils pédagogiques pour l’enseignement de la musique, des affaires internationales et des sciences », ajoute-t-il.

John Spence, gestionnaire de programme au Centre de recherches sur les communications, décrit pour sa part les avantages de la large bande qui, selon lui, est utile « à presque tous les types d’activité permettant aux gens unis au moyen d’un riche contenu médiatique de parfaire ensemble leurs connaissances ou leurs compétences. »

Les deux hommes étaient présents à la démonstration au cours de laquelle on a également présenté des objets provenant de camps de concentration, que Josiane Polidori, des Services de littérature de jeunesse de Bibliothèque et Archives Canada, a commentés.

Les élèves étaient cloués sur place en entendant David Shentow, âgé de 78 ans. M. Shentow, qui est de confession juive, a été emprisonné dans les camps de concentration nazis. Il a été déporté à Auschwitz, puis à Varsovie et à Dachau. Il a vécu en Belgique et avait 17 ans lorsqu’il a été envoyé à Auschwitz en 1942.

Lorsqu’on lui a posé des questions sur ce qu’il avait vécu dans ces camps, notamment sur le travail forcé ou qu’on l’a interrogé de façon particulièrement intelligente sur la collectivité juive ou sur l’existence d’un regroupement des prisonniers juifs (il n’y en avait pas), M. Shentow a répondu patiemment et parlé très gentiment de l’importance du souvenir et de son étonnement d’être encore en vie pour raconter ce qu’il a vécu pendant la Deuxième Guerre mondiale.

D’un ton sincère, il a dit que « c’était un enfer et que c’était le seul mot qui convenait pour décrire la situation d’alors. Le pire moment a été après la guerre, lorsque j’ai appris que j’étais le seul membre de ma famille à avoir survécu », a-t-il déclaré.

Après avoir été frappé à l’arrière de la tête par la crosse d’un fusil d’un soldat allemand battant en retraite à Dachau, Shentow a été laissé pour mort dans un fossé à la fin de la guerre. Épuisé et décharné en raison de la privation de nourriture, il se souvient de s’être réveillé et d’avoir tiré sur son pantalon en pleurant à la vue de ses jambes squelettiques. Après avoir réussi à grand-peine à atteindre l’entrée principale du camp de Dachau, Shentow a survécu en mangeant de l’herbe, des feuilles et des rats avant que les Américains libèrent le camp le 29 avril 1945 (le jour de son anniversaire). Il a immigré au Canada en 1949. Sa visite à l’école élémentaire W.O. Mitchell était la deuxième rencontre des membres du Club de lecture à large bande à laquelle participait M. Shentow, la première ayant eu lieu en mai dernier.

Fort du succès des deux premières rencontres des membres du Club de lecture à large bande, on prévoit en organiser une troisième, possiblement dès le printemps prochain. Pour plus de renseignements au sujet du Club de lecture à large bande, veuillez consulter les sites suivants : www.nlc-bnc.ca/1/1/n1-373-f.html et www.nlc-bnc.ca/forum/n7-3600-f.html.