La période suivant la naissance (ou la période postnatale) est un moment où les femmes sont plus susceptibles de souffrir d'une dépression. Il s'agit là d'un fait bien établi. Pendant des décennies, les médecins croyaient qu'une plus grande quantité d'hormones lors de la grossesse protégeait les femmes contre la dépression. Cette croyance appuyait le mythe social selon lequel « toute femme enceinte est heureuse car elle donne la vie ». Le fait qu'une femme puisse souffrir de dépression pendant la grossesse était relativement nouveau et, par conséquent, la plupart du temps la maladie n'était pas diagnostiquée. Vers la fin des années 70 et au cours des années 80, les chercheurs ont découvert que bon nombre des femmes dépressives après la naissance de leur enfant l'étaient également pendant leur grossesse.
Aujourd'hui, nous savons que 10 p. 100 des femmes enceintes souffriront de dépression.
On diagnostique la dépression chez une femme si elle est victime des humeurs, des sentiments et des comportements troublants suivants presque tous les jours pendant deux semaines et que cette situation nuit à sa capacité à prendre soin d'elle-même, de ses autres enfants, de sa maison et à sa capacité à faire son travail.
Se sentir triste, négative, fâchée et anxieuse pendant sa grossesse est tellement pétrifiant que la plupart des femmes ne sont pas capables d'en parler. Il est donc difficile, en raison de ce silence, de diagnostiquer la dépression pendant la grossesse. Leur dépression est tellement loin de l'image de la « grossesse idéale » qu'elles ne peuvent s'imaginer que quelqu'un puisse les croire ou comprendre comment elles se sentent. Elles ont honte d'être déjà de mauvaises mères. Ces pensées peuvent se reproduire et les femmes peuvent s'enfoncer dans le gouffre de la dépression.
Lorsque les femmes parlent de leurs sentiments, les fournisseurs de soins peuvent avoir de la difficulté à diagnostiquer la dépression, car les symptômes de la grossesse masquent les signes de la dépression. Les symptômes de la grossesse et de la dépression se ressemblent beaucoup pendant le premier trimestre (de la première journée de vos dernières règles jusqu'à la 12e semaine) et le troisième trimestre (de la 24e à la 40e semaine). Il s'agit des périodes pendant lesquelles les femmes ressentent les symptômes physiques les plus désagréables. Au cours du premier et du troisième trimestres, les femmes enceintes sont fatiguées, peuvent avoir de la difficulté à manger ou à dormir et ressentent un inconfort physique. Les changements hormonaux les plus marqués surviennent également pendant ces deux trimestres. Les hormones assurent le déroulement de la grossesse jusqu'à ce que le placenta prenne le relais, régularise les glandes, prépare la femme au travail et à l'accouchement et assure la production de lait. En raison de ces changements hormonaux, les femmes peuvent avoir des sautes d'humeur rapides. Par conséquent, elles peuvent devenir plus irritables, émotives, anxieuses, fâchées et agitées durant les premiers et troisièmes trimestres.
Pendant le deuxième trimestre (de la 12e à la 24e semaine), la plupart des femmes s'ajustent aux changements hormonaux et ont conscience des mouvements du bébé. Les femmes se sentent en général beaucoup mieux pendant ce trimestre. Par conséquent, il est généralement possible de poser plus rapidement un diagnostic de dépression chez les femmes qui parlent de leurs symptômes d'inconfort physique et émotif pendant cette période.
Différents facteurs peuvent contribuer au développement de la dépression pendant la grossesse. Certaines femmes peuvent être prédisposées génétiquement à cette maladie. Les femmes dont les parents consanguins souffrent de dépression, surtout si elles ont souffert de dépression postnatale, courent le risque de souffrir également de cette maladie pendant leur grossesse.
Le tiers des femmes qui ont été dépressives pendant l'adolescence ou au début de leur vie d'adulte connaîtront un autre épisode de dépression étant enceintes. Plus de la moitié des femmes qui ont souffert de la dépression après la naissance de leur bébé en souffriront également à leur prochaine grossesse. Certaines femmes peuvent également être plus vulnérables si leur grossesse n'est pas désirée. Mais, le contraire peut également se produire. Une femme infertile qui tombe finalement enceinte peut également courir plus de risques d'être dépressive en raison des fluctuations des niveaux hormonaux subies pendant les essais pour tomber enceinte, suivies des changements hormonaux pendant la grossesse.
Voici d'autres facteurs rendant les femmes plus vulnérables à la dépression pendant la grossesse : le manque de soutien du partenaire, l'absence d'une autre forme de soutien social, l'isolement, des antécédents d'abus ou de violence, une dépendance à des drogues et à l'alcool ou des abus de ces substances et des événements stressants vécus récemment (décès d'un parent, déménagement, changement d'emploi). Pour les femmes plus vulnérables, le stress normal lié au fait de devenir mère, telles la responsabilité supplémentaire ou les tensions financières, suffit à les rendre anxieuses et déprimées.
Dre Shaila Misri, psychiatre au Reproductive Mental Health Program (RMHP) au British Columbia's Women's Health Centre mentionne ce qui suit :
« Peu de femmes, peu de fournisseurs de soins comprennent que la grossesse peut déclencher un épisode de dépression. Certaines de ces femmes peuvent souffrir de dépression non diagnostiquée ou de troubles paniques. Dès la deuxième semaine de grossesse, elles peuvent présenter des symptômes graves de dépression : crises de larmes, manque de sommeil, perte de la joie de vivre et crises de paniques. » [traduction]
Sara a été en proie à la dépression pendant sa grossesse en raison de multiples facteurs. Elle a souffert d'une dépression non diagnostiquée et non traitée pendant sa première grossesse, suivie de deux fausses couches. Elle a commencé à être dépressive pendant le premier trimestre de sa nouvelle grossesse. Heureusement, elle faisait partie d'un programme d'aide à la suite d'une fausse couche et on l'a orientée vers le Reproductive Mental Health Program, où elle a reçu du counseling par encouragement. Son anxiété s'est accrue en raison de la charge de travail, de la perte d'un parent et de l'approche de la 14e semaine (semaine à laquelle elle a perdu ses autres bébés). Elle a commencé à prendre des médicaments et elle a poursuivi ses consultations et sa médication pendant le reste de sa grossesse et pendant la période postnatale. Ce traitement lui a bien réussi.
Les femmes souffrant de dépression pendant la grossesse ont tendance à fuir les soins prénataux et ne reçoivent donc pas les soins adéquats. Il se peut qu'elles ne mangent pas ou ne dorment pas bien. Ces facteurs, en plus du stress qui accompagne la dépression, peuvent entraîner des difficultés médicales pendant la grossesse, notamment un travail prématuré et un enfant de faible poids à la naissance. Il se peut que les femmes aux prises avec des pensées troublantes et un sentiment de désespoir consomment de l'alcool ou des drogues pour affronter la situation, ce qui a des conséquences possibles graves pour la santé de leur bébé.
Si la dépression pendant la grossesse n'est pas traitée, elle s'aggravera probablement et la femme sera encore plus susceptible d'être dépressive après la naissance de son enfant. Il peut prendre plus de temps pour une femme souffrant de dépression postnatale grave à répondre au traitement et cela peut nuire à la façon dont la femme interagit avec son bébé. Selon des recherches, les femmes dépressives ont des réactions face à face plus négatives avec leur bébé, ont moins de contact visuel pendant les boires, sont moins enjouées et sont plus isolées que les mères ne souffrant pas de dépression. Les enfants de mères dépressives fuient en général les regards, réagissent en pleurant davantage, sont plus tristes et agités et ont plus de difficulté à dormir. Les effets négatifs de la dépression sur l'enfant seront amoindris si la femme reçoit des traitements dès le début du diagnostic. Le traitement de la dépression lors de la grossesse réduira les risques de développer une dépression postnatale.
Les femmes aux prises avec une dépression légère peuvent constater des améliorations si elles apportent des modifications à leur style de vie qui leur permettront de mieux gérer le stress. Voici des exemples de ces changements : Maintenir une saine alimentation en mangeant plus de légumes, de fruits, d'aliments riches en vitamines et en buvant plus d'eau; Éviter toute forme d'alcool : n'oubliez pas que l'alcool est un dépresseur et est dangereux pour le bébé en développement; Faire de l'exercice régulièrement; l'exercice produit de l'endorphine (renforçateur d'humeur) qui aide à combattre la fatigue, la léthargie et les troubles du sommeil; Maintenir des cycles veille-sommeil réguliers; Se servir des techniques de gestion du stress, notamment le yoga, les exercices de relaxation, les habiletés en gestion du temps, etc. Ces stratégies utilisées seules ne seront peut-être pas suffisantes pour guérir la dépression. Il se peut que la femme ait besoin d'aide et/ou de médicaments.
En raison du chevauchement des symptômes de la grossesse et de la dépression, il se peut que vous ayez à parler à votre médecin de famille plusieurs fois des sujets suivants :
N'oubliez pas que votre médecin ne sait pas à quoi vous pensez et ne sait pas à quoi vous occupez vos journées. Vous devez lui parler librement et ouvertement de vos comportements, de vos sentiments et de vos pensées – même s'ils peuvent vous effrayer. Vous pouvez apporter ce feuillet d'information avec vous lors de votre prochain rendez-vous pour amorcer la discussion. Si vous avez des pensées suicidaires et que vous ne pouvez pas voir votre médecin, rendez-vous à l'urgence la plus proche et discutez de vos peurs.
Linda King, conseillère pour le Pacific Postpartum Support Society, discute de son état dépressif pendant et après sa première et sa troisième grossesses. On lui a demandé pourquoi elle n'était pas allée chercher de l'aide lorsqu'elle s'est sentie dépressive à sa deuxième grossesse. Voici ce qu'elle a répondu :
« Même après avoir reçu des traitements après la naissance de mon premier enfant, je ne savais pas exactement à quoi ressemblaient les symptômes de la dépression pendant la grossesse. Je pensais que je me faisais des idées. Je voyais des mères qui étaient capables de s'adapter. Je me suis donc adaptée moi aussi. Au travail et dans ma vie sociale, je donnais l'impression que tout allait bien. Cette fausse apparence à conserver pendant que j'étais dépressive et enceinte m'a pris toute mon énergie; quand je rentrais à la maison, je fermais la porte et tôt ou tard je touchais le fond. J'étais irritable et fâchée. » [traduction]
Aujourd'hui, Linda se dévoue à aider les autres mères dépressives.
« Si je peux aider seulement une femme à ne pas se sentir mal comme je me suis sentie, l'aider à profiter du moment avec ses enfants et l'aider à être plus aimable avec son mari, j'en suis très heureuse. » [traduction]
Linda encourage les femmes qui ont souffert de dépression postnatale à aller chercher de l'aide le plus tôt possible lors de leur prochaine grossesse.
Les femmes souffrant de dépression plus grave peuvent avoir besoin de services de counseling et/ou de médicaments. Lors du counseling pour les femmes souffrant de dépression pendant leur grossesse, on renseigne les femmes sur la maladie, on les rassure, on les aide à trouver les cycles de la pensée négative et on les aide à élaborer des stratégies pour composer avec ce moment stressant. Dans les cas de dépression plus grave, ou lorsque les services de counseling ne réduisent pas les symptômes de la dépression, le médecin de famille ou le psychiatre peut prescrire des médicaments. Il faut toujours soupeser les risques et les avantages de la prise de médicaments.
Au cours de la dernière décennie, on a démontré, grâce à de nouveaux médicaments et à de nouvelles recherches, que certains antidépresseurs et certains médicaments anxiolytiques peuvent être utilisés pendant la grossesse et n'avoir peu ou pas d'effets sur le foetus. Il faut discuter des risques de la prise de médicaments par opposition aux risques de ne pas en prendre, ce qui permettra à la femme de prendre une décision éclairée. En règle générale, il faut éviter les médicaments pendant le premier trimestre de la grossesse, moment auquel le foetus se développe le plus. N'oubliez pas que si on vous prescrit des médicaments, il faudra entre 4 et 6 semaines pour savoir s'ils commenceront à faire leur effet. Vous ne devriez pas arrêter la prise de médicaments avant d'en avoir parlé à votre médecin. Vous devez réduire graduellement la prise des médicaments et vous ne devez pas l'arrêter soudainement, car il se peut que des symptômes graves liés à l'abandon ou à la dépression originale, notamment le suicide, apparaissent.
Même traités, les symptômes de la femme fluctueront pendant la grossesse. Son état pourra s'améliorer, puis d'autres symptômes pourront apparaître et son état pourra s'améliorer une autre fois. Cependant, nous savons que l'état de la femme s'aggravera souvent une fois son enfant né si elle ne reçoit pas de traitement. Avec un traitement, la plupart des femmes s'en remettent complètement. Malheureusement, pour un faible pourcentage de ces femmes, cet épisode de dépression peut être le début d'une maladie mentale persistante. Sans traitement, les femmes peuvent livrer bataille à la dépression en silence pendant des années.
Les partenaires et d'autres personnes peuvent aider les femmes dépressives pendant leur grossesse en écoutant leurs préoccupations, en les prenant dans leur bras et en les réconfortant. Les femmes peuvent vouloir être accompagnées lors des rendez-vous chez leur médecin, ou il se peut qu'elles aient besoin d'une aide plus pratique avec les tâches quotidiennes dans la maison, notamment les repas et le ménage. Les femmes dépressives qui ont d'autres enfants nécessiteront une aide supplémentaire de la part de leur partenaire, de leur famille et de leurs amis.
En résumé, l'état de la plupart des femmes qui souffrent de dépression pendant leur grossesse et qui reçoivent un traitement s'améliore. Elles se sentent mieux après la naissance de leur bébé et sont davantage en mesure de répondre à leurs propres besoins et à ceux de leur enfant. Une fois guéries, bon nombre des femmes qui ont lutté contre la dépression peuvent parler ouvertement de la façon dont la maladie a changé leur vie, en les forçant à composer avec leurs anciennes peurs et préoccupations et en renforçant leurs relations positives.
Sources :
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