l'Initiative de lutte contre la violence familiale
La violence est inacceptable peu importe la culture :
les Inuits
Pourquoi cela m'arrive-t-il à moi?
De nombreuses raisons poussent une personne à la violence. C'est souvent ce que l'on a appris quand on était jeune. Par exemple, les garçons qui ont vu leur père violenter leur mère croient parfois que la violence est naturelle et normale… Ils s'imaginent que les hommes sont censés contrôler et maltraiter leur femme, ou qu'il est acceptable de s'en prendre à elle quand les choses vont mal, quand ils ont peur ou se sentent malheureux, et que le fait d'être méchant et violent envers quelqu'un qui les aime prouve qu'ils sont de vrais hommes.
« […] on s'attend à ce que les hommes soient violents. »
La violence est inacceptable, dans toutes les familles et dans toutes les collectivités, y compris les familles et les collectivités inuites. Même si la violence et les mauvais traitements sont une triste réalité dans bon nombre de sociétés et de cultures, tolérer les mauvais traitements ne fait pas partie de la culture et des valeurs inuites.
Pensez-y. Autrefois, les Aînés dans leurs campements s'occupaient de la violence immédiatement. Les couples inuits et leur famille devaient s'entraider pour surmonter les rigueurs du climat. Tous — hommes, femmes, enfants, Aînés — avaient un rôle à jouer pour que non seulement la famille survive, mais qu'elle se perpétue et prospère de génération en génération. Le rôle des hommes était de protéger leur famille contre la violence, pas d'en être les auteurs! Refuser de se reconnaître responsable pour les torts que l'on avait causés ne menait qu'à la maladie et à la famine pour les membres du groupe. Le silence et le déni n'engendraient que de nouvelles souffrances.
La société inuite a beaucoup changé ces dernières années. Certains de ces changements ont été salutaires, comme la baisse de la mortalité infantile, mais d'autres, comme une dépendance accrue à l'argent, à la nourriture et aux biens achetés, ont dans bien des cas diminué le respect que nous avions pour nous-mêmes et pour les autres. Des torts historiques, comme les pensionnats et les déplacements forcés, ont fait en sorte que les Inuits ont adopté les mauvais côtés d'autres cultures, en même temps que les bons.
Une des conséquences de ces changements dans le respect que nous avions pour nous-mêmes et les autres est une augmentation de la violence. Les femmes inuites sont aujourd'hui victimes de violence à des taux beaucoup plus élevés que les autres femmes au Canada, souvent de la part des hommes inuits. En 2004, au Nunavut seulement, 28 % des femmes ont dit avoir été victimes de violence, contre 7 % dans les provinces.
« […] par ici, c'est [considéré comme] correct de se maltraiter et de s'exploiter les uns les autres. »
La toxicomanie, le désespoir et le sentiment d'impuissance causés par le traumatisme d'avoir été déconnecté de la culture et des valeurs inuites et du rapport à la terre, les blessures non guéries causées par la violence dont on a souffert ou été témoin durant l'enfance, tout cela contribue à entretenir et à perpétuer le cycle de violence d'une génération à l'autre. Il y a maintenant des petites filles et des petits garçons qui ont été élevés en croyant que la violence est normale et fait simplement partie de la vie des femmes. Les jeunes qui grandissent dans la violence sont désemparés parce qu'on leur dit de ne pas en parler, de ne pas s'attendre à ce que les adultes autour d'eux les aident, ni même d'essayer de changer les choses eux-mêmes.
« Certains hommes ont dit que les choses allaient mal maintenant parce que les femmes travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille et ont abandonné leur rôle traditionnel, et que cela ruinait la famille. »
Les changements récents dans la société inuite ont aussi fait en sorte qu'au lieu d'être en contact avec les autres générations et de prendre soin d'elles, les gens ont maintenant tendance à n'avoir de rapports qu'avec ceux de leur âge au lieu d'avoir des contacts quotidiens avec les autres générations, comme c'était le cas traditionnellement. Il peut en découler une méconnaissance des valeurs culturelles comme les enseignements sur le respect et la violence, ou une confusion sur la manière de les appliquer dans sa propre vie.
Voici ce qu'une Aînée a répondu :
« Quant aux responsabilités familiales, […] les hommes et les femmes commencent peu à peu à reconnaître la nécessité de partager les tâches familiales plutôt que d'insister sur la séparation des rôles […] Le revenu additionnel gagné par les femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer a aidé les familles à composer avec les dures réalités économiques et à hausser leur niveau de vie. »
—Traduction d'un extrait du livre de l'ambassadrice Mary May Simon, Inuit: One Future-One Arctic, p. 41, The Cider Press, 1996
Voici ce qu'une Aînée avait à dire à ce sujet :
« Nous vivons un choc des cultures. Une nouvelle culture, étrangère à la culture inuite, s'est infiltrée dans nos collectivités. C'est comme si nous avions abandonné nos traditions et notre culture quand nous nous sommes mis dans la tête que nous perdrions notre force si nous ne le faisions pas. Nous savons que si nous avons la force, nos relations avec les autres seront meilleures. Nous avons abandonné nos traditions inuites, nous n'écoutons plus la voix de nos aînés, parce que la façon de faire inuite a été trafiquée. Notre culture est en état de choc. Trop de gens ont adopté une culture qui n'est pas la leur, voilà où nous avons échoué. »
—Traduction d'un extrait d'entrevue avec Meeka Arnakaq, tiré du rapport Nuluaq Project: National Inuit Strategy for Abuse Prevention, Ottawa, Pauktuutit Inuit Women’s Association, 2004, p. 45 (en anglais seulement).
La violence peut être causée par la jalousie, l'argent, la colère, ou la perte de la maîtrise de soi. Elle peut survenir parce que les victimes de violence ont souvent tendance à la répéter en vieillissant. Elle peut être déclenchée par des émotions causées par des maisons surpeuplées, le chômage, la perte de l'identité culturelle, ou par des changements physiques et psychologiques provoqués par l'alcool ou la drogue.
Mais elle continue parce qu'une personne croit qu'elle — de même que ses sentiments, ses désirs, ses besoins, sa douleur, son incertitude — est « plus importante » que la personne qu'elle dit aimer. Elle « se permet » alors de faire du mal à cette autre personne, souvent un membre de sa famille qui ne peut pas se défendre, comme un conjoint, un enfant, un aîné. La personne qui fait du mal ne comprend peut-être pas ce qu'elle fait, et il se peut que la famille ait besoin de counseling pour briser le cycle de la violence et retrouver la paix.
En n'en parlant pas, vous n'aidez pas et ne protégez pas la personne qui vous a fait du mal, à vous, à un membre de votre famille ou à un ami.
« Si d'autres membres de la famille intervenaient dans le bon sens, toute la communauté l'accepterait. Vous ne devez pas défendre votre partenaire quand vous savez qu'il ou elle maltraite les enfants. Si vous savez que votre femme frappe les enfants, vous ne devez pas la défendre. L'inverse est aussi vrai. Si la femme sait que son mari maltraite les enfants, elle ne doit pas le défendre lorsqu'il est confronté. Si les enfants étaient privés de nourriture, ou s'ils étaient victimes de violence physique [et sexuelle], il faudrait les protéger en tout temps. »
—Traduction d'un extrait d'une entrevue avec Aupilaarjuk, tiré de la publication Interviewing Inuit Elders: Perspectives on Traditional Law (en anglais seulement).
« Combien de fois s'est-elle demandé
Quelle aurait pu être sa vie?
Dans quels bras forts se réfugier
Pour dormir en paix la nuit?
Pourquoi a-t-elle cessé de rire?
Quand la douleur cessera-telle, emportée par l'oubli? »—Traduction d'un extrait de la chanson « Anger and Tears » reproduit avec la permission de Susan Aglukark et Jon Park-Wheeler
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