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Les troubles anxieux : Orientations futures de la recherche et du traitement

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Chapitre 2

Aperçu des troubles anxieux

1. Qu'est-ce-que les troubles anxieux?

Les troubles anxieux désignent un groupe d'affections mentales caractérisées essentiellement par une anxiété, une peur, une crainte, un comportement d'évitement et des rituels compulsifs excessifs. Parmi les troubles anxieux les plus répandus recensés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [Quatrième édition] (DSM-IV; American Psychiatric Association, 1994), on distingue le trouble panique avec ou sans agoraphobie (TPA et TP, respectivement), la phobie sociale, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), l'anxiété généralisée (AG) et l'état de stress post-traumatique (ESPT). C'est sur ces affections que portera notre analyse. Au nombre des autres troubles connexes dont nous ne traiterons pas ici, on pourrait citer l'état de stress aigu (qui se rapproche de l'ESPT, si ce n'est de sa durée qui est plus brève), le trouble anxieux associé à un problème de santé général, le trouble anxieux lié à l'utilisation de substances toxiques, l'agoraphobie sans antécédents de troubles paniques et le trouble anxieux non spécifié. Très peu de recherches ont été réalisées sur ces troubles.

a. Trouble panique avec agoraphobie (TPA) et sans agoraphobie (TP)

Les troubles paniques se caractérisent par la récurrence d'attaques de panique survenant de façon imprévisible (autrement dit, sans aucun lien évident avec un événement déclenchant), et la peur d'être en proie à d'autres crises, l'inquiétude associée à leurs conséquences et/ou un changement de comportement marqué entraîné par les attaques. Lorsque les symptômes du TP poussent le sujet à éviter les situations d'où il pourrait être difficile de s'enfuir ou dans lesquelles il pourrait ne pas trouver de secours en cas d'attaque de panique, on posera le diagnostic d'agoraphobie. Parmi les situations les plus fréquemment évitées figurent la conduite, l'utilisation des moyens de transport en commun, les déplacements, la solitude, les foules et la fréquentation des magasins.

b. Trouble obsessionnel-compulsif (TOC)

Le trouble obsessionnel-compulsif se manifeste par la présence d'obsessions (idées, images ou impulsions qui s'imposent à la conscience de manière répétitive et incoercible et qui suscitent énormément d'anxiété), accompagnées ou non de compulsions (acte répétitif qu'accomplit le sujet, réellement ou en pensée, pour réduire la tension intérieure engendrée par les obsessions). Les obsessions les plus fréquentes sont liées à la peur d'être contaminé, au doute et à des pensées troublantes d'ordre sexuel ou religieux. Le lavage des mains, les vérifications, les commandes d'articles et les opérations arithmétiques font partie des compulsions les plus courantes. En outre, on ne diagnostiquera un TOC que si les obsessions ou les compulsions sont accaparantes ou occasionnent un profond désarroi.

c. Phobie sociale

La phobie sociale désigne une affection mentale caractérisée par une peur excessive ou irraisonnée de se retrouver en société ou d'agir en public. Le sujet qui souffre de phobie sociale peut redouter ou éviter, entre autres, d'assister à une soirée ou à une réunion, de manger en public, d'écrire en présence d'autres personnes, de parler en public, de discuter avec des gens et de rencontrer de nouvelles personnes. L'anxiété éprouvée n'est pas exclusivement liée à la crainte que d'autres personnes s'aperçoivent des symptômes d'un autre trouble physique ou mental dont souffre le sujet (ainsi, un individu atteint de la maladie de Parkinson qui craindrait que les gens ne remarquent son tremblement ne serait pas considéré comme atteint de phobie sociale). De plus, on ne diagnostiquera la phobie sociale que si la peur empêche la personne de mener une existence normale ou occasionne une grande détresse.

d. Anxiété généralisée (AG)

L'anxiété généralisée se caractérise surtout par une inquiétude excessive qui domine dans la vie du sujet et qui concerne différents aspects de sa vie (p. ex. travail, situation financière, famille, santé). La personne qui souffre d'anxiété généralisée maîtrise difficilement son inquiétude et présente au moins trois des six symptômes suivants : fébrilité, fatigue, difficulté de concentration, irascibilité, tension musculaire et trouble du sommeil. On ne diagnostiquera l'anxiété généralisée que si l'inquiétude n'est pas exclusivement rattachée aux manifestations d'un autre trouble, par exemple la crainte d'être en proie à une attaque de panique, si le sujet souffre de TP, et si elle engendre une grande détresse ou nuit au fonctionnement de la personne.

e. Phobie spécifique

La phobie spécifique désigne une peur excessive ou irraisonnée éprouvée à l'égard d'un objet ou d'une situation, qui pousse généralement le sujet à éviter l'objet ou la situation redoutés. À titre d'exemples de phobie spécifique, on pourrait citer la crainte des hauteurs, des avions, des animaux, des injections et du sang. La peur ne doit pas être associée à un autre trouble (par exemple une personne souffrant d'agoraphobie qui évite de prendre l'avion de crainte d'être prise d'une attaque de panique). En outre, elle doit engendrer une grande détresse ou nuire au fonctionnement de l'individu.

f. État de stress post-traumatique (ESPT)

L'ESPT est un trouble diagnostiqué lorsqu'une personne vit un événement traumatique qui comporte des pertes de vie ou des risques de décès ou des blessures physiques graves pour elle ou pour d'autres, et qu'elle y réagit avec une peur intense, un sentiment de désespoir ou d'horreur. La peur est associée à des symptômes de trois types : (1) reviviscence de l'événement (cauchemars, « flashbacks » et souvenirs envahissants); (2) conduite d'évitement et émoussement des émotions (par exemple, tendance à éviter de parler du traumatisme ou d'y penser); (3) symptômes de vigilance accrue (notamment insomnie et hypervigilance). On ne diagnostiquera un ESPT que si les symptômes persistent pendant au moins un mois et provoquent une profonde détresse ou nuit au fonctionnement du sujet.

2. Prévalence des troubles anxieux

Les troubles anxieux figurent parmi les problèmes psychologiques les plus répandus. La prévalence, au cours d'une vie, d'un quelconque trouble anxieux, fluctue d'une étude épidémiologique à l'autre : Bourdon et ses collaborateurs (1988) font état d'un taux variant entre 10,4 % et 25,1 %; Bland et ses collaborateurs (1988) signalent un taux de 11,2 % et Kessler et ses collaborateurs (1994), un taux de 24,9 %. Si l'on se fie aux récentes recherches épidémiologiques (Kessler et coll., 1994), la prévalence au cours d'une vie d'un trouble anxieux spécifique, varierait de 3,5 %, dans le cas des troubles paniques, à 13,3 %, dans le cas de la phobie sociale. L'Annexe 1 renferme des données complémentaires tirées d'enquêtes sur la santé de la population, ainsi qu'une note explicative sur les facteurs qui pourraient être à l'origine de ces fluctuations.

D'après le Supplément sur la santé mentale de l'Enquête sur la santé en Ontario, les troubles anxieux touchent davantage les femmes que les hommes. Ainsi, selon cette source, la prévalence, au cours d'une année, des troubles anxieux s'élevait à 9 % chez les hommes et à 16 % chez les femmes (Ministère de la Santé de l'Ontario, 1994) au cours de l'année précédant l'enquête.

3. Comorbidité

La plupart des gens qui souffrent de troubles anxieux présentent un autre problème psychiatrique. En fait, Sanderson, DiNardo, Rapee et Barlow ont observé, au terme d'une étude réalisée en 1990, que 70 % des sujets atteints principalement d'un trouble anxieux répondaient aussi aux critères applicables à un autre trouble de l'Axe I qui, dans bien des cas, était un autre trouble anxieux. La phobie simple et la phobie sociale étaient les autres affections les plus couramment diagnostiquées; elles touchaient environ le tiers de l'échantillon. Le tiers des sujets qui souffraient essentiellement d'un trouble anxieux répondaient aux critères relatifs à un autre trouble dépressif (par exemple une dépression majeure ou un trouble dysthymique). La fréquence des autres troubles diagnostiqués variait selon le trouble anxieux. La proportion de sujets qui satisfaisaient aux critères d'au moins un autre trouble s'élevait à 69 % dans le cas du trouble panique avec et sans agoraphobie (TPA et TP, respectivement), à 58 % dans le cas de la phobie sociale, à 81 % dans le cas de l'angoisse généralisée (AG), à 53 % dans le cas de phobies spécifiques et à 83 % dans le cas du trouble obsessionnel-compulsif (TOC).

Plusieurs études ont montré que l'abus d'alcool et d'autres substances va de pair avec les troubles anxieux, surtout chez les sujets qui souffrent de phobie sociale et de TPA (Cox, Norton, Swinson et Endler, 1990; Kushner, Sher et Beitman, 1990). Les troubles anxieux, surtout la phobie sociale et l'AG, sont aussi souvent associés à des troubles de la personnalité (Sanderson, Beck et Betz, 1991; Stein, Hollander et Skodol, 1993). Une récente étude, fondée sur les résultats de l'Epidemiologic Catchment Area Survey de 1984, établit également un lien entre le trouble bipolaire et les troubles anxieux (Chen et Dilsaver, 1995).

Certaines études ont tenté de déterminer les effets du traitement d'un trouble sur les affections qui y sont associées. Ainsi, Fava, Zielezny, Luria, et Canestrary (1988) ont observé que la thérapie comportementale contre l'agoraphobie entraînait une modification des symptômes obsessionnels-compulsifs qui accompagnent parfois ce trouble. De même, Brown, Antony et Barlow (1995) ont constaté, chez les patients atteints de TP et soumis à une TCC, une régression des affections qui accompagnaient le TP. L'existence d'une comorbidité avant le début du traitement ne permettait pas d'en prédire l'issue. Les conclusions d'études sur la comorbidité pourraient être utiles pour la prévention. Par exemple, van Ameringen, Mancini, Styan et Donison (1991) ont constaté que la phobie sociale précédait les troubles de l'humeur dans 81,7 % des cas et précédait d'autres troubles anxieux dans 62,7 % des cas, chez des sujets qui présentaient une phobie sociale assortie d'un autre trouble.

4. Facteurs de risque

Selon le Supplément sur la santé mentale de l'Enquête sur la santé en Ontario (Ministère de la Santé de l'Ontario, 1994), parmi les facteurs de risque associés aux troubles anxieux figurent les antécédents de violence grave, les antécédents familiaux de troubles mentaux, un faible revenu et la dépendance à l'égard de l'aide sociale. Il importe cependant de signaler que ces facteurs de risque valaient pour chaque trouble énuméré dans le rapport, y compris les troubles de l'humeur, l'abus de substances, la dépression et le comportement antisocial. Le Supplément ne porte pas sur les facteurs de risque associés à des troubles anxieux particuliers.

Les antécédents familiaux d'anxiété constituent un autre facteur de risque associé aux troubles anxieux. Des études ont montré que chacun des troubles anxieux est généralement héréditaire, et il a été démontré que le lien entre les troubles anxieux observés chez différents membres d'une même famille s'explique dans une certaine mesure par l'hérédité (Fyer, Mannuzza, Chapman, Martin et Klein, 1995; Kendler, Neale, Kessler, Heath et Eaves, 1992; MacDonald et Murray, 1994; Pauls, Alsobrook, Goodman, Rasmussen et Leckman, 1995). Le comportement des parents (par exemple une attitude surprotectrice, un manque d'affection et une tendance à contrôler les enfants) serait lié à l'apparition du TP et d'autres troubles anxieux à l'âge adulte (Gerlsma, Emmelkamp et Arrindell, 1990; Silove, Parker, Hadzi-Pavlovic, Manicavasagar et Blazczynski, 1991). Cette constatation pourrait servir d'interventions à visée préventive.

Des facteurs de risque ont été associés à des troubles anxieux précis :

  • Trouble panique avec et sans agoraphobie : les situations de stress, les effets négatifs attribués aux situations de stress, l'anticipation d'un événement critique, l'abus de substances, l'anxiété vécue pendant l'enfance, le comportement des parents (p. ex. une attitude surprotectrice) l'âge (le trouble étant plus répandu chez les sujets de moins de 65 ans) et l'appartenance au sexe féminin (Faravelli et Pallanti, 1989; Roy-Byrne, Geraci et Uhde, 1986; Pollard, Pollard et Corn, 1989; Kushner et coll., 1990; Roy-Byrne et Uhde, 1988; Aronson et Craig, 1986; Keyl et Eaton, 1990; Angst et Vollrath, 1991).
  • Phobie sociale : l'angoisse de séparation et la timidité vécues pendant l'enfance, les contacts peu fréquents avec l'autre sexe, le comportement des parents (p. ex. une tendance à décourager la socialisation) et les événements traumatiques (Bruch et Heimberg, 1994; Bruch, 1989; Antony et Barlow, sous presse).
  • Anxiété généralisée : l'anxiété vécue pendant l'enfance et l'appartenance au sexe féminin (Angst et Vollrath, 1991; Aronson et Logue, 1987).
  • Phobie spécifique : l'appartenance au sexe féminin et l'exposition à un événement traumatique (Antony et Barlow, sous presse).
  • État de stress post-traumatique (ESPT) : (selon la définition donnée à l'ESPT) l'exposition à un événement traumatique.

Il importe de signaler que les personnes qui sont exposées à ces facteurs de risque ne développent pas toutes des troubles anxieux. Ainsi, bien des gens vivent des événements traumatiques sans pour autant présenter ultérieurement un ESPT ou un trouble phobique. Les chercheurs tentent actuellement de déterminer le rôle que pourraient jouer les variables médiatrices, comme le soutien social apporté au sujet après l'événement ou les prédispositions biologiques.

5. Utilisation des soins de santé et coûts économiques

Les coûts directs et indirects des troubles anxieux pour l'économie canadienne restent à déterminer. Les données recueillies aux États-Unis nous en donnent cependant une idée. Simon et ses collaborateurs (1995) ont entrepris de déterminer les coûts des soins de santé associés aux troubles anxieux et aux troubles dépressifs chez des sujets qui fréquentaient trois cliniques de soins primaires dans une organisation de soins intégrés de Seattle (Washington). Ils ont comparé des patients souffrant d'un trouble anxieux ou dépressif répertorié dans le DMS-III-R à des patients qui ne présentaient pas de symptômes marqués sur le plan de l'humeur ou de l'anxiété. Les sujets qui souffrent de troubles anxieux ou dépressifs représentent en coûts environ 2 390 $ (US), au cours d'une période de référence de six mois, alors que ceux qui ne présentent pas de troubles anxieux ou dépressifs entraînent des dépenses de 1 397 $ (US). D'autres études montrent aussi que les troubles anxieux engendrent une baisse de productivité au travail (Salvador-Carulla et coll., 1995).

Les données indiquent que les personnes qui souffrent de troubles anxieux ont des contacts plus fréquents avec le système de santé que l'ensemble de la population (Siegel et coll., 1990; Leon et coll., 1995; Swinson et coll., 1992). Ces personnes font davantage appel aux services de médecine générale qu'aux services de santé mentale (Pollard, Henderson, Frank et Margolis, 1989; Leon et coll., 1995). Fait intéressant, Swinson et ses collaborateurs (1992) laissent entendre que, mis à part les cliniques spécialisées dans les troubles anxieux, les deux réseaux n'offrent pas nécessairement aux patients des services de diagnostic appropriés ni des traitements validés par des données empiriques. Nous reviendrons sur le sujet dans le prochain chapitre.

Bien que ce rapport ne mette pas l'accent sur les troubles anxieux engendrés par un problème de santé général ou par l'utilisation d'une substance, les auteurs reconnaissent qu'une maladie physique (p. ex. hyperthyroïdie) ou la consommation de substances (drogues illicites, médicaments vendus sur ordonnance au grand public) peut provoquer de l'anxiété.

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