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Bulletin de la CCA 8/10

18 mars 2010

 

Le droit d’auteur: les partis d’opposition lancent un débat!

 

Les faits en résumé

Dans les Discours du Trône des 20 novembre 2008 et le plus récent du 3 mars dernier, le gouvernement conservateur promettait de présenter des mesures législatives en vue d’actualiser la législation sur le droit d’auteur et la protection de la propriété intellectuelle. Tenant compte les critiques acerbes qui avaient accueilli le dépôt en juin 2008 du Projet de loi C-61, les ministres du Patrimoine et de l’Industrie ont tenu de vastes consultations à travers le pays au cours de l’été 2009. Si, comme promis, un nouveau projet de loi avait été déposé avant la levée de la session en décembre dernier, il serait mort au feuilleton par suite de la prorogation du Parlement. On nous dit maintenant que le projet devrait être présenté en première lecture d’ici quelques semaines et assurément avant la suspension des travaux en juin.

Cette semaine, deux partis d’opposition ont décidé de mettre la balle au jeu sur un aspect important du débat. Le 16 mars,  le député NPD Charlie Angus a déposé deux amendements spécifiques à la Loi sur le droit d’auteur. Le Projet de loi privé C-499 vise à étendre à l’actuelle génération de lecteurs numériques multimédia le régime gouvernant la compensation pour copie privée. La seconde mesure proposée par M. Angus concerne « l’utilisation équitable et a pour but d’empêcher la criminalisation de l’usage raisonnable d’œuvres protégées par le droit d'auteur à des fins d’innovation, de recherche et d’étude.»

Le même jour, la critique bloquiste pour le patrimoine, Mme Carole Lavallée, réussissait à faire adopter par le Comité permanent du Patrimoine une motion invitant le gouvernement à amender immédiatement la Partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur  pour étendre immédiatement l’actuel régime de compensation pour la copie privée aux nouveaux appareils d’enregistrement électronique. Assez curieusement, la motion du Bloc québécois a été adoptée grâce au vote prépondérant du président du comité, le député conservateur Gary Shellenberger qui, en décembre dernier, avait présenté une demande identique au ministre de l’Industrie (tous les membres gouvernementaux au sein du comité ont voté contre la motion).

Quelques minutes après le dépôt du projet de loi  de M. Angus, le ministre du Patrimoine, l’Hon. James Moore, expédiait le message Twitter suivant : « Je suis contre la nouvelle taxe sur les   les ipods/blackberries/iphones/laptops/lecteurs MP3 proposée par le NPD.  Les consommateurs méritent des taxes moins élevées, pas le contraire » (trad. libre). Il est intéressant de noter que le ministre a choisi de décrire comme une taxe ce qui est essentiellement la perception d’un droit, une façon pour les artistes d’obtenir une compensation pour leurs oeuvres tout en donnant le droit aux usagers de copier d’un appareil à un autre un contenu obtenu légalement. 

Le ministre de l’Industrie, l’Hon.Tony Clement, a immédiatement renforcé la position de son collègue: « Il s’agit là d’une idée absurde. On ne peut avoir une stratégie visant à favoriser l’accès à l’Internet et développer une meilleure économie numérique dans ce pays et en même temps, voir le NPD suggérer que l’on impose une taxe sur les iPods, les Blackberries et autres appareils mobiles. Ceci va complètement dans la mauvaise direction. Ce n’est pas la position du gouvernement canadien: nous sommes complètement opposés à cette suggestion. »  

Ces affirmations semblent confirmer le fait que les intentions du gouvernement dans la révision de la Loi sur le droit d’auteur ne tiennent aucun compte des aspects culturels d’une stratégie numérique nationale, l’attention étant concentrée uniquement sur les questions d’infrastructure au détriment de tous les enjeux liés au contenu et à la créativité. À ce jour, on n’a vu aucune préoccupation concernant le développement de contenu canadien ou ses créateurs dans les propos gouvernementaux concernant la mise en place d’une Stratégie numérique nationale.  

Il est hautement improbable que les initiatives du NPD ou du Bloc aboutissent à quoi que ce soit (le communiqué de Mme Lavallée parle d’ailleurs d’une « victoire morale pour les artistes », et l’on sait trop ce que cela vaut!). Au moins, ils ont lancé un débat intéressant sur la notion de compensation pour la copie privée, un système qui depuis 1999 a généré plus de $180 millions pour l’industrie de la musique. Selon nos sources, le projet de loi que le gouvernement s’apprêterait à déposer en Chambre laisserait le régime mourir de sa belle mort, l’utilisation de rubans et de cds étant progressivement abandonnée par les consommateurs au profit des appareils d’enregistrement électronique. On a déjà vu le revenu annuel généré par le système de redevances actuel passer d’un sommet de près de 39,4 millions de dollars en 2004 à 29,4 millions en 2008.

Pour en savoir davantage sur le régime de redevances liées à la copie privée

Un régime de redevances pour copie privée est un système imposé par le gouvernement par lequel un montant spécifique s’ajoute aux taxes de vente sur les supports d’enregistrement. Pareils systèmes existent dans plusieurs pays, le revenu ainsi généré étant distribué aux producteurs de contenu. 

La copie pour usage privé constitue la matière de la Partie VIII la Loi sur le droit d'auteur du Canada. Le droit d'auteur est le mécanisme juridique qui permet aux créateurs d'œuvres originales, y compris les œuvres musicales, de toucher une rémunération pour ce travail. Comme titulaires de droits d'auteur, les créateurs ont le droit de maîtriser certaines utilisations de leurs œuvres et d'imposer des conditions - notamment un paiement - concernant leur utilisation par des tiers. Ce paiement prend la forme d'une redevance. L'exécution d'une chanson, la vente d'un disque ou l'impression d'une partition musicale constituent des activités qui entraînent l'imposition d'une redevance de droit d'auteur.

Or, contrairement à l'édition musicale ou à l'enregistrement sonore, la nature de la copie privée est telle qu'on ne peut recourir à la signature d'un contrat pour la gérer et la comptabiliser : il s'agit d'une activité à laquelle on s'adonne chez soi, et c'est la raison pour laquelle elle fait l'objet d'un traitement spécial dans la législation. Aucune permission n'est requise pour s'adonner à la copie pour usage privée : c'est une activité tout à fait légitime. En contrepartie de cette permission, cependant, la Loi institue un système de perception et de répartition de redevances à l'intention des titulaires des droits d'auteur inhérents aux œuvres qui sont copiées. Fidèle aux principes généraux de la protection du droit d'auteur, le Législateur a vu à ce que les créateurs et les autres ayants droit des enregistrements sonores reproduits soient rémunérés en contrepartie de l'utilisation de leurs œuvres. Selon le régime actuellement en vigueur au Canada, la redevance pour copie privée s’élève à 0,24 $ par unité pour une audiocassette de 40 min. ou plus et à 0,29 $ par unité pour un CD-R, CD-RW, CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc.

La Loi sur le droit d'auteur identifie les classes générales de titulaires de droits d'auteur au nom desquels les redevances pour copie privée sont perçues et qui sont admissibles à un versement. Les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes, les éditeurs de musique et les maisons de disques – c'est-à-dire les ayants droit d'œuvre musicales qui ont été copiées – sont tous admissibles. Alors que les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique de toutes nationalités sont admissibles sous le régime de la loi actuelle, les artistes-interprètes et les maisons de disques doivent être canadiens pour pouvoir toucher des redevances pour copie privée.

En 2005, la Cour d’appel fédérale renversait une décision prise en 2003 par la Commission du droit d’auteur qui étendait aux appareils MP3 comme l’iPod d’Apple la redevance perçue sur la vente de rubans ou de cd vierges. La Cour stipulait que les nouveaux appareils d’enregistrement n’était pas couverts par la définition de « support audio » incluse dans la loi actuelle sur le droit d’auteur. La Commission avait proposé l’imposition d’une redevance de 2 $ pour les appareils numériques d’une capacité de moins d’un GB, de 15 $ pour ceux d’une capacité atteignant 15 GB et de 24 $ sur ceux excédant 15 GB.

En 2007, la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCC) demandait au Tribunal du droit d’auteur de réintroduire des redevances allant de 5$ à 75$ sur la mémoire de tous les appareils d’enregistrement sonore numériques vendus au Canada. De plus, la SCPCC proposait des redevances de 2 à 10 $ sur les cartes mémoires et une augmentation de 0,08 $ sur les CD, CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDiscs. En janvier 2008, la même Cour d’appel fédérale renversait encore une fois la décision prise par la Commission en juillet 2007, statuant que « la Commission du droit d’auteur n’est pas légalement autorisée à homologuer un tarif portant sur un enregistreur audionumérique ou sur la mémoire intégrée de façon permanente à un enregistreur audionumérique. » Seul un amendement du type proposé dans le projet de loi C-499 pourrait habiliter la Commission à étendre le présent régime aux nouvelles technologies et assurer que les artistes soient justement compensés pour leur travail. 

Que puis-je faire?

Comme plusieurs autres organisations, la CCA appuie le concept d’un système de redevances pour la copie privée et l’idée qu’il soit étendu aux nouveaux appareils électroniques. Nous vous invitons à signifier votre appui aux ministres James Moore et Tony Clement ainsi qu’à votre député(e).