Bulletin de la CCA 2/11
17 janvier 2011
Washington reconnaît l’importance de la diplomatie culturelle:
peut-on espérer qu’Ottawa fasse de même?
Les faits en résumé
Depuis plus de quatre ans, la Conférence canadienne des arts (CCA) déplore le fait que le gouvernement fédéral n’a aucune stratégie globale pour la promotion de nos artistes et produits culturels sur les marchés nationaux et internationaux. Et au-delà des aspects purement économiques, nous nous inquiétons de l’abandon de la culture comme instrument de politique étrangère. C’est la raison pour laquelle nous étions particulièrement intéressés à voir ce qui se passe chez nos voisins du sud, où la notion de diplomatie culturelle connaît une renaissance après avoir été à toutes fins abandonnée à la fin de la Guerre froide.
Le vendredi 7 janvier dernier, l’ambassade des États-Unis avait organisé une réception durant laquelle il était possible d’assister via Internet à un panel intitulé « Diplomatie culturelle : une nouvelle ère pour les relations artistiques et culturelles ». L’événement faisait partie de la conférence annuelle de l’Association of Performing Arts Presenters (APAP) qui se tenait à New-York et était présidé par la Sous-secrétaire pour l’éducation et les affaires culturelle au Secrétariat d’état. Fait particulièrement intéressant, on comptait parmi les panélistes la Ministre de la culture et des communications du Québec, Mme Christine St-Pierre.
Durant son exposé, Mme Stock a décrit les efforts de l’administration Obama pour faire de la diplomatie culturelle une importante composante de sa politique étrangère. Elle a souligné le mandat du Secrétariat d’état américain d’établir des relations d’échange mutuel avec les groupes et programmes culturels étrangers. Mme Stock a parlé de plusieurs des programmes principaux de son Département, incluant Rhythm Road, DanceMotion, smART Power, Center Stage et Cultural Envoys.
Après son exposé, Mme Stock a animé un panel d’invités internationaux. La ministre St-Pierre du Québec a parlé des succès et des défis qui confrontent la province dans sa politique d’appui aux arts et à la culture tant sur la scène domestique qu’internationale. Eugene Downes, Directeur exécutif de Culture Ireland, nous a entretenus sur les difficultés de lancer et soutenir un programme de diplomatie culturelle avec des moyens très limités, soulignant l’importance de garder des objectifs réalistes et un programme de financement simple. Pour sa part, le représentant du British Council a insisté sur le fait que pour développer des relations de confiance et de compréhension avec les autres pays, les programmes de diplomatie culturelle doivent s’appuyer sur des initiatives qui touchent les organismes culturels mêmes dans un dialogue respectueux.
Pour en savoir davantage
La CCA s’intéresse tout particulièrement aux initiatives des États-Unis et d’autres pays au chapitre de la diplomatie culturelle dans la mesure où elles font ressortir les avantages de faire la promotion des arts et de la culture d’un pays sur la scène internationale.
Dans les années ’90, le gouvernement du Canada avait déclaré que « la promotion de la culture et des valeurs canadiennes » constituait le troisième pilier de la politique étrangère de notre pays. Cette approche a été progressivement abandonnée au cours des sept dernières années, malgré le fait que l’on dispose de preuves convaincantes qu’une telle politique contribue non seulement au développement de marchés extérieurs cruciaux pour nos produits culturels mais joue un rôle tout aussi important pour l’image du Canada à l’étranger et pour la poursuite de nos objectifs commerciaux sur la scène internationale.
Comme nous le disions plus haut, en dépit de plusieurs petits programmes internationaux administrés par les diverses agences qui tombent sous la juridiction de Patrimoine canadien, il n’existe actuellement aucune approche globale au sein du gouvernement pour faire la promotion de nos artistes et produits culturels auprès des auditoires tant domestiques qu’étrangers. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui offrait auparavant un programme destiné aux développement de marchés culturels à l’étranger n’offre plus que le programme d’Opportunités mondiales pour les associations destiné aux associations nationales qui mènent des activités de développement de marchés internationaux pour le compte de l’ensemble de l’industrie Bien que le gouvernement actuel ait investi dans l’économie de la créativité, il n’a pas encore développé un programme intégré pour que le secteur culturel canadien puisse développer de nouveaux marchés au pays et à l’extérieur. Depuis l’abolition des programmes PromArt et Routes commerciales en 2008, le gouvernement du Québec a pris la relève et dédier trois millions de dollars annuellement pour appuyer son secteur culturel dans ce domaine. Toutefois, en dépit de représentations répétées et des preuves mises de l’avant par toutes les parties visées, le gouvernement fédéral n’a pas encore jugé bon de réparer les dommages faits.
Et au-delà des besoins de nos artistes et industries culturelles de développer des marchés étrangers, il est tout aussi important que la culture soit réinsérée dans la politique étrangère canadienne. Ces dernières années, la CCA a tenté autant que possible de stimuler une prise de conscience et un débat public quant au rôle crucial que nos artistes et institutions culturelles peuvent jouer quant à l’image et les objectifs commerciaux du Canada sur la scène internationale.
En novembre 2007, la CCA a organisé un symposium intitulé Le rôle des arts et de la culture dans les stratégies de diplomatie publique. Plusieurs des participants (incluant d’anciens politiciens et diplomates, des artistes et des travailleurs culturels) ont insisté sur le besoin d’une plus grande coordination entre les divers intervenants dans le domaine, sur l’importance de maintenir de solides réseaux à l’échelle internationale et sur la nécessité de tirer avantage des nouvelles technologies. La CCA a publié un document de réflexion et mis sur pied un groupe de travail pour développer un plan d’action pour assurer une plus grande implication de la part du secteur culturel dans la stratégie diplomatique canadienne. Des préoccupations plus immédiates et le manque de moyens ont fait que les travaux du groupe ont été temporairement abandonnés.
En juin 2008, la CCA relançait le débat avec un colloque intitulé Entre diplomatie publique et image de marque nationale: une nouvelle façon de penser l'internationalisation de la culture canadienne. Les panélistes ont débattu de la valeur de l’approche « image de marque» et d’autres modèles et perspectives sous lesquels considérer la dissemination de la culture canadienne à l’étranger.
Dans ses mémoires pré-budgétaires de 2009 et 2010 la CCA a invité le gouvernement fédéral à investir une nouvelle somme de 40 millions de dollars annuellement pour accroître la capacité du Conseil des arts du Canada à contribuer au développement des marchés au pays et sur la scène internationale . De plus, nous avons demandé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de collaborer avec le Conseil des arts dans ses initiatives à ce chapitre.
Dans ce contexte, il est intéressant de voir que d’autres pays partagent nos vues quant à l’importance renouvelée de la diplomatie culturelle dans le nouvel ordre mondial. Si le Canada peut modeler ses politiques environnementales sur celles adoptées par les USA, est-ce trop que d’espérer qu’il puisse faire de même quand vient le temps de reconnaître le rôle important que la culture peut jouer dans notre positionnement mondial?
Que puis-je faire?
Lisez-notre mémoire pré-budgétaire en appui de la diplomatie culturelle et partagez vos commentaires sur notre blog. Écrivez à votre député(e) et exprimez votre désir de voir arts et culture faire partie de la politique étrangère canadienne.
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