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Du bureau d'Alain Pineau

03 août 2006

Eh oui, le voici enfin! Comme nous l'avions annoncé lors des conférences tenues en mars dernier à Ottawa, la Conférence canadienne des arts (CCA) lance aujourd'hui le premier numéro de son tout nouveau magazine électronique, @gora de la CCA!

@gora de la CCA est un tout nouvel instrument de communication de la CCA dont nous nous servirons pour mieux accomplir notre mission d'être le chef de file dans la création de débats informés sur les enjeux politiques reliés aux arts et la culture au pays. Ce magazine électronique ne remplacera pas les bulletins que nous faisons parvenir à nos membres sur divers sujets spécifiques : il a plutôt pour but de fournir une information plus nourrie sur certains sujets spécifiques et servir de document de référence pour les gens du secteur. Notre objectif est d'en venir d'ici deux ans à publier environ huit dossiers d'importance par année. Pour le moment, nous allons nous en tenir à quatre publications trimestrielles, sur le modèle de ce qu'était la version précédente, Blizzart. CCA @gora ne sera disponible que via l'Internet, media que nous avons l'intention d'exploiter au maximum afin de créer des colonnes interactives où seront débattues de façon continue par les membres les questions pertinentes à la politique culturelle.

Comme nous l'avions annoncé, ce premier numéro de CCA @gora est consacré en premier lieu au rapport officiel des conférences Chalmers et de politique nationale tenues à Ottawa en mars dernier. Nous avons également inclus un résumé de l'analyse du budget fédéral de mai dernier publié récemment par la CCA. Mais la pièce de résistance de cette première édition est consacrée à l'Agenda des priorités politiques de la CCA pour les prochains 18 à 24 mois. Cette liste découle des discussions des délégués aux conférences et des discussions subséquentes du conseil d'administration de la CCA en mars et en juin derniers. Ces priorités d'action devront évidemment être régulièrement ré-évaluées à la lumière des événements politiques et autres. Une chose saute toutefois aux yeux : nous ne sommes pas prêts de manquer d'ouvrage au cours de la période qui s'amorce! Il suffit en effet de considérer la liste de ce qui nous attend à la rentrée parlementaire pour s'en convaincre : consultation pré-budget fédéral; révision par la ministre et par le comité parlementaire du Patrimoine des agences rattachées à ce ministère; révision par le CRTC de sa politique sur la télévision et étude qu'il doit compléter sur l'impact des nouvelles technologies sur la radio-télédiffusion; étude par le Sénat du projet de loi sur la responsabilité fédérale; dépôt probable à la rentrée parlementaire d'un projet de loi sur le droit d'auteur et, possiblement, sur l'assouplissement des restrictions sur la propriété étrangère des entreprises de télécommunications et de diffusion, sans parler de la possibilité continue d'une élection fédérale précipitée!

Bonne fin d'été!

Alain Pineau
Directeur général
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L'agenda des priorités politiques de la CCA

02 août 2006

À la suite des conférences Chalmers et de politique nationale de mars 2006, le Conseil d'administration de la Conférence canadienne des arts (CCA) a établi une liste de priorités d'action politique à court, moyen et long terme afin de guider les activités de son Secrétariat. Il est entendu que si les priorités à court terme requièrent l'attention immédiate et la part du lion des ressources de la CCA, elles peuvent également devenir des priorités à moyen ou long terme, dépendant du succès à les atteindre. Par ailleurs, il est évident que les priorités à moyen et long terme doivent recevoir un certain degré d'attention dès maintenant si on veut en voir la réalisation un jour. Il est également entendu que ces priorités de la CCA devront peut-être être ajustées de temps à autre pour tenir compte d'événements politiques et de changements dans les divers dossiers sur lesquels la CCA n'a aucun contrôle.

Priorités d'action politique à court terme (de 6 à 8 mois)

Cette première liste de priorités doit retenir l'attention et l'action immédiate de la CCA, dans le contexte d'un agenda politique et réglementaire qui échappe cependant à son contrôle. Ces priorités à court terme seront maintenues jusqu'à ce que les résultats recherchés aient été atteints ou que la CCA ait décidé de les abandonner après consultation auprès de ses membres.

  1. Un financement accru et stable : Un financement accru et stable du gouvernement fédéral dans le domaine des arts et de la culture constitue la plus haute priorité de la CCA. Ceci inclut un accroissement substantiel et stable du budget du Conseil des arts du Canada, un financement adéquat des activités des artistes et organisations sur la scène internationale et des ressources suffisantes pour les divers programmes et agences afférentes au ministère du Patrimoine, notamment mais non exclusivement, pour la Société Radio-Canada et Téléfilm.

    La CCA appuie également les efforts de l'Association des musées canadiens afin que soit finalement adoptée la nouvelle politique muséale, avec les accroissements budgétaires nécessaires à sa mise en application. La CCA va continuer d'appuyer l'AMC dans les efforts qu'elle déploie pour l'atteinte de cet objectif.


  2. Un traitement équitable pour les artistes et les arts : Un traitement juste et équitable pour les artistes et créateurs est au coeur même de la quête pour le Statut de l'artiste, une revendication de longue date du milieu culturel en général et de la CCA en particulier. En premier lieu des préoccupations à ce chapitre, on trouve les questions de taxation : exemption de l'impôt des revenus de droits d'auteur, étalement du revenu des artistes sur plusieurs années d'imposition et l'exemption de l'impôt des bourses attribuées aux artistes et créateurs. D'autres sujets qui nécessitent une attention à moyen et long terme concerne la protection contre la faillite; des avantages sociaux concernant santé et sécurité; le statut de travailleur indépendant; des politiques d'approvisionnement équitables et la reconnaissance de certains droits collectifs. La CCA s'engage à promouvoir l'adoption de programmes et de lois provinciales visant au traitement équitable des artistes : un des objectifs à moyen terme concernant ce dossier porte sur le développement d'outils de recherche et d'intervention favorisant la progression du dossier au sein des différentes juridictions provinciales. À très court terme, la CCA poursuivra l'objectif de faire étendre aux activités de formation dans les diverses disciplines artistiques le crédit d'impôt récemment promis par le gouvernement fédéral pour les parents d'enfants de moins de 16 ans inscrits dans des activités sportives reconnues.

  3. Le contenu culturel canadien et la réglementation sur la propriété étrangère : Le maintien des politiques de réglementation des industries culturelles canadiennes sera plus que vraisemblablement à l'ordre du jour durant la période visée. On s'attend à ce que les négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) contestent sérieusement la réglementation canadienne actuelle sur la propriété des entreprises dans le secteur audio-visuel de même que sur l'offre et l'appui à la création de produits culturels canadiens.

    L'intégrité du système actuel sera d'autant plus mise à l'épreuve si l'on considère la revue que le gouvernement entend faire du secteur des télécommunications et de la radiodiffusion, à laquelle il faut ajouter également la révision du mandat de la Société Radio-Canada et du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). D'autres régimes réglementaires, comme ceux s'appliquant à l'édition et à la musique, pourraient tout aussi bien être remis en question.

  4. Diversité culturelle : Cette priorité d'action a deux volets principaux: premièrement, la promotion de la diversité culturelle à l'échelle internationale et l'évaluation de l'impact des négociations sur le commerce international sur cette diversité tant au pays qu'à l'étranger; deuxièmement, la reconnaissance et l'implication des diverses communautés culturelles dans la vie des arts et des activités culturelles au pays en général et dans les activités de la CCA en particulier.

    Une des premières préoccupations de la CCA au chapitre de la diversité culturelle vise la ratification de la Convention sur la diversité culturelle adoptée par l'UNESCO en 2005 et l'impact des traités commerciaux internationaux sur la culture. La CCA va inciter le gouvernement canadien à maintenir le rôle de chef de file que la Canada a joué sur la scène internationale dans ce dossier au cours des dix dernières années. La CCA va entre autres appuyer pleinement le travail de la Coalition pour la diversité culturelle (CDC) et du Réseau international sur la diversité culturelle (RIDC), en plus d'intervenir directement s'il y a lieu dans les processus de l'UNESCO dans ce dossier.

    La CCA s'engage à tenir informés ses membres et toutes les parties prenantes au débat sur l'impact des accords internationaux sur le commerce sur le secteur culturel canadien et sur la diversité culturelle à l'échelle mondiale.

    Au plan domestique, la CCA développera une série d'initiatives ayant pour but d'inclure les diverses communautés culturelles dans les débats concernant les politiques et programmes culturels canadiens. (Voir les priorités à long terme ci-après)
  5. Préparation électorale : Le 39ème Parlement du Canada a résulté dans l'élection d'un gouvernement minoritaire dont l'existence pourrait être relativement précaire. Au cours des prochains mois, la CCA doit donc être prête à faire face à tout moment au déclenchement d'une élection fédérale. Les enjeux fondamentaux pour les arts et la culture doivent figurer au chapitre des préoccupations électorales des partis politiques de façon globale et significative à la fois. Il est donc essentiel de procéder à la mise en place d'une stratégie de mobilisation du milieu et à la production d'instruments susceptibles d'aider nos membres à inscrire arts et culture à l'agenda politique de cette prochaine élection

Priorités d'action politique à moyen terme (de 8 à 18 mois)

Il importe de prêter dès maintenant une certaine attention à cette seconde liste de priorités, mais dans le cadre d'une action à plus long terme et, encore une fois, sujet aux réalités d'un agenda politique que la CCA ne contrôle pas. Comme les priorités à court terme, ces priorités à moyen terme seront poursuivies jusqu'à l'atteinte des résultats recherchés ou jusqu'à ce que la CCA décide, après consultation avec ses membres, de les abandonner.
  1. Les arts, la culture et la politique internationale : Il est probable que la définition de la politique internationale canadienne fera l'objet d'études et de débats durant la durée de vie de ce 39ème Parlement. Les propositions déposées par le précédent gouvernement au printemps de 2005 éliminaient la promotion des valeurs et de la culture canadienne comme troisième pilier de notre politique étrangère, tout en se référant à un concept dilué de "diplomatie publique". La CCA entend engager le dialogue avec le Ministère des affaires étrangères et avec le Comité permanent de la Chambre en cette matière afin d'assurer le retour de ce troisième pilier de notre présence sur la scène internationale.
  2. Suivre l'agenda législatif du nouveau gouvernement :Il est évident que les activités parlementaires et gouvernementales vont soulever à moyen terme des questions d'intérêt crucial pour le secteur culturel. Des amendements à la loi du droit d'auteur sont attendus et il se peut que le gouvernement dépose des amendements au Code pénal pouvant mener à la criminalisation de certaines activités créatrices. Les provisions de la nouvelle loi sur la responsabilité fédérale risquent par ailleurs d'accroà®tre le fardeau bureaucratique sous lequel ploient déjà bon nombre d'organisations culturelles comme la CCA. Bref, tous ces changements peuvent affecter les arts et la culture et la CCA se doit d'être vigilants à leur égard et d'intervenir de façon appropriée.
  3. Reformuler l'argumentaire et la stratégie de promotion du secteur culturel au Canada : Une reformulation des arguments et de la stratégie de défense et de promotion du secteur culturel est évidemment une priorité de grande importance, mais c'en est une qui va nécessiter un investissement considérable de temps et d'énergie et une grande rigueur intellectuelle. Il n'en reste pas moins que c'est là une priorité d'action identifiée sans ambiguïté par les participants aux conférences de mars dernier.

    À la base de cette reformulation, on trouve le concept de "Citoyenneté culturelle" ainsi que la recherche d'une nouvelle façon de présenter les éléments traditionnellement associés au "Statut de l'artiste" et d'affirmer le rôle des arts et de la culture au sein de la société canadienne.

    La CCA est par ailleurs déterminée à étendre ses réseaux de contacts dans la société civile, à la fois pour accroà®tre la compréhension de la population des contributions du secteur culturel et pour accorder, chaque fois que possible, un appui aux organisations qui oeuvrent pour le bien commun. Le développement réfléchi d'une approche stratégique à ces fins se doit d'être une des priorités à long terme de l'organisation.

  4. Développer un cadre cohérent pour les divers éléments de la politique culturelle canadienne : Les membres de la CCA ont également invité la CCA à développer un encadrement général cohérent pour l'ensemble de ce qui constitue de facto la politique culturelle du pays. L'intention ici est de trouver une alternative à l'ancien objectif d'une loi-cadre fédérale sur la culture. En principe, cette initiative devrait découler des travaux reliés à la priorité précédente. Elle implique l'exploration du concept d'une Charte canadienne de principes culturels qui pourrait servir de référence à toute politique ou décision administrative ou réglementaire affectant les artistes ou institutions culturelles au Canada.

Priorités d'action politique à long terme (18 mois et plus)

Il est essentiel de travailler immédiatement sur ces priorités, mais avec une vision à beaucoup plus long terme.

  1. Impliquer les jeunes : La génération de baby-boomers qui peuple actuellement le secteur culturel et qui a tant contribué à la création de nos institutions approche de la retraite, une réalité qui fait de la planification de la relève un besoin urgent. La CCA entend travailler de concert avec le Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHSC) dans ce dossier. À l'interne, la CCA étudiera la possibilité de créer un comité consultatif des jeunes chargé de suggérer des façons d'impliquer la jeune génération des leaders du secteur culturel de demain. Finalement, la CCA continuera d'oeuvrer dans le secteur "arts et éducation" par le biais des travaux de son comité du même nom et la tenue de discussions stratégiques avec des partenaires à l'échelle nationale.

  2. Promouvoir la diversité culturelle au pays : La CCA se doit de développer une approche lui permettant d'étendre son membership au sein des groupes culturels autochtones et ceux des diverses communautés au pays, ceci afin de mieux refléter et promouvoir les enjeux culturels découlant des réalités démographiques nationales. La CCA établira de nouveaux partenariats afin de faire de ces communautés des participants à part entière dans les débats publics entourant les enjeux culturels. Compte tenu des changements au sein de la population canadienne, la CCA doit faire de cet engagement d'inclusion de la jeunesse et des communautés culturelles une priorite à long terme si elle veut remplir sa mission de façon démocratique et équitable.

  3. Développer un programme national de formation en relations gouvernmentales : Dans le cadre d'un programme de développement des ressources humaines du secteur, la CCA créera un programme de formation professionnelle en relations gouvernementales destiné aux jeunes qui oeuvrent au sein des organisations culturelles de service. Ce programme s'articulera autour de séminaires présentés localement par des employé(e) experts de la CCA et portant sur les relations gouvernementales et la politique culturelle fédérale.

  4. Promouvoir l'adoption d'un cadre cohérent pour les divers éléments constituant la politique culturelle canadienne : La CCA verra à développer un plan d'action utilisant à bon escient le "réseau de réseaux" qu'elle constitue, afin de promouvoir l'adoption par le Parlement de la Charte canadienne des principes culturels qu'elle aura développée et qui puisse servir de pierre de touche pour toute législation ou réglementation concernant les artistes et le secteur culturel. Cette Charte devrait inclure les moyens légaux de faire modifier toute législation ou décision administrative contraire aux principes énoncés.
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Les conférences de mars 2006 établissent les prioritées d'action politique de la CCA pour la durée du Parlement actuel et au-delà

La conférence canadienne des arts (CCA) s'appuie sur une structure consultative pour alimenter sa mission d'information, d'analyse et de développement de politiques culturelles. La tenue régulière de conférences de politique constitue l'une des manifestations les plus intenses de ce processus de consultation à la base du travail de la CCA.

On peut dire globalement que les conférences Chalmers et de politique nationale (CPN) de mars 2006 à Ottawa auront été un succès. D'abord au chapitre de la participation : les inscriptions ont dépassé la capacité des lieux, près de 175 délégués et conférenciers invités ayant participé en tout ou en partie à ces deux rencontres, étalées sur trois jours. Plusieurs ont remarqué l'énergie palpable qui se dégageait de la salle et la brève visite de la ministre du Patrimoine Mme Bev Oda à la session du vendredi matin a été perçue comme une claire indication du rôle important que la CCA continue de jouer dans le secteur des arts et de la culture au pays. L'événement aura offert à plusieurs une occasion unique de réseautage et d'échanges sur la conjoncture politique actuelle pour le secteur.

Il faut dire que l'élection du nouveau gouvernement fédéral était une préoccupation majeure dans l'esprit de plusieurs délégués, une réalité qui a quelque peu affecté les discussions de fond sur une série de sujets cruciaux au menu des rencontres et dont les paramètres avaient été établis dans les documents de réflexion préparatoires aux conférences. Les discussions sur les enjeux fondamentaux auxquels le secteur culturel fait actuellement face devront de toute évidence se poursuivre au cours des prochains mois au sein de plusieurs forums, incluant CCA @gora, mais il n'en ressort pas moins que les délégués ont donné au conseil d'administration de la Conférence des indications claires quant aux priorités politiques immédiates et à plus long terme de la CCA.


L'enjeu premier dans l'esprit des organisateurs et des délégués aux conférences était sans nul doute celui d'un financement public accru et stable pour les arts, notamment par le biais d'une augmentation substantielle du budget du Conseil des Arts du Canada. également au chapitre des préoccupations des délégués, les autres éléments de l'annonce faite le 23 novembre 2005 par le gouvernement sortant, à savoir des augmentations au budget consacré aux infrastructures culturelles, des ressources additionnelles pour soutenir la présence des artistes et institutions culturelles sur la scène internationale et un programme d'appui plus généreux pour les institutions nationales de formation artistique.

De façon tout aussi marquée, les délégués ont indiqué qu'il était impératif de développer une nouvelle approche et un nouveau vocabulaire pour faire la promotion des arts et de la culture en général et de certains dossiers spécifiques. Ceux qui avançaient qu'il est urgent de réviser notre langage et notre argumentation à l'appui de nos objectifs politiques ont reçu l'appui de la très grande majorité des participants. La CCA a reçu pour mandat de préparer de nouveaux arguments et une nouvelle façon de les présenter à ce gouvernement et à ceux qui le suivront, en cherchant le plus souvent possible des appuis dans les autres secteurs de la société civile canadienne.

Une autre constituante fondamentale du financement des arts et de la culture réside dans les questions de taxation. Ce sujet est depuis longtemps à la source de frustrations tant pour les professionnels du secteur des arts que pour les fonctionnaires de Revenu Canada. Cela fait des décennies que l'on débat de sujets comme le statut de travailleur autonome, d'attente raisonnable de profit et d'étalement du revenu, sans jamais arriver à résolution.

Le hasard faisant bien les chose, la Conférence de politique nationale de la CCA commençait sur le bon pied le vendredi 3 mars avec l'annonce par la directrice de la Canadian Actors' Equity Association (et membre du conseil d'administration de la CCA), Susan Wallace, que la Cour fédérale venait de rendre jugement dans la cause du Royal Winnipeg Ballet (RWB). La Cour avait en effet la veille donné raison aux artistes et au RWB concernant le statut de travailleur autonome pour les danseurs de la troupe. Bien qu'il ait été trop tôt sur le moment pour procéder à une analyse exhaustive de cette décision attendue de longue date, la nouvelle a soulevé l'enthousiasme des délégué(e)s qui l'ont applaudi à tout rompre.

Artistes et administrateurs du secteur culturel ont également exprimé leur inquiétude face à l'énoncé de politique internationale mis de l'avant par l'ancien gouvernement au printemps de 2005. Cet énoncé laisse en effet tomber l'un des trois piliers à la base de la politique antérieure, à savoir la promotion de la culture et des valeurs canadiennes sur la scène internationale. Cet abandon est à la source de la préoccupation des délégué(e)s qui y voient une réjection du rôle important que les artistes et les arts jouent dans les relations internationales.

L'impact des nouvelles technologies sur bon nombre de politiques culturelles canadiennes est un enjeux qui a fait surface par suite de la décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d'autoriser l'an dernier les services de radio satellite par abonnement et de la révision en cours de la politique concernant les télécommunications. Plusieurs dans le secteur culturel craignent en effet que la décision concernant la radio satellite constitue une brèche grave dans la réglementation sur le contenu canadien qui poussera les diffuseurs et les entreprises de distribution, dont les activités et la propriété sont de plus en plus convergentes, à demander au nom d'un traitement équitable que leurs obligations face à la production de contenu canadien soit diminuées. Les pressions pour que le CRTC adopte une politique unique pour le secteur de la radiodiffusion et des télécommunications alimentent le débat sur l'impact des nouvelles technologies sur l'ensemble du secteur culturel, qu'il s'agisse des droits des créateurs à l'incapacité apparente du CRTC à développer une politique qui assure que les services offerts via ces nouvelles technologies contribuent également à l'atteinte des objectifs culturels canadiens.

Comme on pouvait s'y attendre, plusieurs autres préoccupations traditionnelles du secteur culturel ont également fait surface au cours des délibérations, qu'il s'agisse de la place de la culture dans les négociations sur le commerce international; des questions reliées au statut de l'artiste (tant sur la scène fédérale que provinciale), avantages sociaux pour les artistes travailleurs autonomes; des changements démographiques au sein de la population canadienne et de leur impact sur les arts et la culture; de la relève au chapitre de l'administration et de la gestion des entreprises et institutions culturelles, programmes de formation et de mentorat, etc.

Conférenciers invités

L'agenda de la conférence de politique nationale ne comptait que trois conférenciers invités. Le premier était Paul Hoffert, ancien membre du groupe rock Lighthouse, président du Conseil des Arts de l'Ontario et de la Ontario Media Development Corporation, et penseur original sur les technologies et leur impact sur les pratiques et politiques culturelles. Son exposé couvrait un vaste territoire, des enjeux émanant des progrès incessants des technologies de production et de diffusion, incluant ceux du droit d'auteur, à l'état actuel des industries culturelles canadiennes; de l'Internet et de la contribution qu'il peut apporter au financement des arts et de la culture et des changements fondamentaux que toutes ces transformations de l'environnement imposent à notre façon de voir les choses. Hoffert a exposé avec un certain niveau de détails les conséquences du passage de l'économie industrielle à l'économie d'information pour les créateurs, les travailleurs culturels et les gouvernements.

Beaucoup du contenu de sa conférence se voulait délibérément provocateur, tout particulièrement sa suggestion qu'il est possible et peut-être souhaitable d'envisager une forme de réglementation de l'Internet, une idée qui a provoqué beaucoup de réactions dans un sens comme dans l'autre. Hoffert suggère par exemple que le régulateur pourrait considérer imposer aux fournisseurs de services Internet l'obligation d'offrir à tous leurs abonnés un premier niveau à contenu canadien, un étage "Canada.ca" par lequel on accéderait à l'Internet à proprement parler. Cette suggestion de réglementation a trouvé écho dans la plupart des discussions qui ont marqué la conférence. Certains rejettent vivement toute suggestion de réglementation de l'Internet, argumentant que cela résulterait en une forme de censure et d'érosion de la liberté d'expression pour l'ensemble des Canadiens et pour les artistes et créateurs en particulier.

Ceux qui trouvent le concept intéressant s'appuient sur un nombre de considérations. D'abord, ils avancent que les droits moraux et économiques des créateurs, actuellement menacés par l'environnement Internet actuel, se trouveraient renforcés par une telle réglementation. Deuxièmement, une réglementation appropriée pourrait se traduire par une plus grande production et offre de produits culturels canadiens à l'ensemble de la population et conséquemment sur la scène internationale, ce qui ne pourrait qu'appuyer le rôle de premier plan occupé par le Canada dans la défense de la diversité culturelle.

Mises à part les considérations de réglementation, certains avancent les objectifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion (1991) s'appliquant indifféremment à toute forme de technologie, devraient résulter en de nouvelles sources de financement pour les créateurs et artistes canadiens : selon eux, l'Internet, ou plus spécifiquement les fournisseurs de service Internet, devraient être soumis aux mêmes exigences de contributions financières à la création de contenu canadien que les diffuseurs et distributeurs traditionnels. Une telle approche à la réglementation n'a selon ces protagonistes rien à voir avec le régulateur comme censeur mais concernent uniquement son rôle de défenseur des droits moraux et économiques des créateurs et auteurs sur les investissements nécessaires à la création de contenu culturel canadien. Au-delà de tous les autres éléments dans la vaste fresque peinte par M. Hoffert, cette seule question de l'Internet a suscité le plus d'attention et de débats au cours de toute la conférence.

Le second conférencier invité était M. David Stewart-Patterson du Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE), venu parler de la publication récente de cette organisation, Du bronze à l'or. Le CCCE consacre ce mémoire présenté au gouvernement aux défis d'accroissement de la productivité auxquels fait face l'économie canadienne et appuie la contribution importante que les arts et les entreprises culturelles apportent dans l'atteinte de cet objectif. Soucieux d'augmenter la créativité au pays, le document reprend et appuie la proposition déjà faite par la CCA d'exempter de l'impôt les revenus découlant de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur. Il recommande également au gouvernement d'inclure les infrastructures culturelles dans tout programme de développement des infrastructures et les place au même niveau d'importance que les systèmes routiers et d'aqueducs. Cet exposé de M. Stewart-Patterson a eu des retombées positives plus larges, y compris une invitation qui lui a été faite d'adresser la parole à une réunion des membres d'Arts and Culture Partners Canada tenue à la fin du mois de mai à l'école nationale de ballet du Canada.

Le samedi 4 mars a vu la présentation du dernier conférencier invité, M. Alain Gourd, ancien sous-ministre aux Communications et Sous-secrétaire du Conseil des ministres, qui venu parler de l'expérience vécue lors de trois périodes de transition d'un gouvernement à un autre. Sa présentation était extrêmement bien préparée et remplie de suggestions pratiques quant à la façon de développer une relation efficace avec le nouveau gouvernement conservateur.

M. Gourd, dont la prestation a été extrêmement bien reçue par les délégué(e)s, a souligné les importantes contributions des gouvernements conservateurs précédents aux politiques culturelles canadiennes et mis le milieu en garde contre une approche qui serait marquée au coin de la méfiance ou de l'hostilité. Il a suggéré que compte tenu de la position minoritaire du gouvernement Harper, les artisans du secteur culturel feraient bien de concentrer leurs énergies sur deux ou trois objectifs clé, comme les questions de taxation, qui peuvent mener à des résultats positifs, plutôt que d'affronter le nouveau gouvernement avec une longue liste de récriminations.

Principales conclusions de la conference

Une des idées les plus originales à émerger du travail en atelier et de la plénière qui a suivi est le concept de "citoyenneté culturelle". Cette idée découle de l'évaluation critique des délégués quant à ce que le secteur culturel doit faire pour assurer un appui large au sein de la population face au rôle que les arts et les activités culturelles jouent et doivent continuer de jouer au sein de notre société.

Force est faite de constater que le secteur des arts et de la culture a développé au cours des ans un argumentaire politique qui n'est pas facilement accessible au reste de la population et qui demeure obscur même pour plusieurs de ceux qui y Å“uvrent. Cette façon de justifier l'investissement public et la protection de la culture, souvent perçue comme élitiste, a contribué à isoler les arts et la culture et les activités qui en découlent. Comment ensuite s'étonner de l'absence du débat culturel en période électorale? Le concept de citoyenneté culturelle vise à abolir ces barrières en reconnaissant que tout citoyen participe à la culture nationale, soit comme "consommateur" de produits culturels, comme téléspectateur; comme amateur de musique, de théâtre ou de cinéma; comme supporteur de l'importance de notre culture; comme bénévole, comme lecteur et, bien sûr, comme artiste, créateur ou membre des institutions ou industries culturelles.


élaborant sur le concept lancé, les délégués ont vu là une façon de reformuler le débat politique autour de la culture:
  • Simplifier le vocabulaire qui décrit les objectifs politiques du secteur culturel et en changer le ton. Les délégués sont, par exemple, tombés d'accord pour dire que les objectifs traditionnellement compris sous le vocable de “statut de l'artiste†devraient sans doute être poursuivis mais qu'il était impératif de développer une façon nouvelle d'en faire la promotion, sans quoi les représentations faites continueraient d'être sans succès.
  • étendre la réflexion à d'autres secteurs de la société civile, tant du secteur à but non lucratif que des milieux d'affaires, afin de raffiner le concept et voir comment travailler ensemble pour promouvoir les priorités communes; développer et étendre des partenariats avec des organisations comme le Réseau des villes créatives du Canada, la Fédération canadienne des municipalités, Imagine Canada, etc.
  • Inclure la jeune génération d'artistes et de créateurs dans le développement et la promotion de stratégies visant à harnacher les nouvelles technologies comme des éléments qui contribuent de façon constructive à notre vie culturelle et artistique;
  • Explorer la question de la diversité en prenant une approche inclusive à la définition de citoyenneté culturelle et en cherchant la participation des diverses communautés culturelles et autochtones dans l'établissement du dialogue.
Les délégué(e)s à la conférence ont prêté une attention toute particulière aux conseil d'Alain Gourd quant à la formulation des objectifs politiques immédiats que la CCA doit poursuivre. Compte tenu de la proximité d'un premier budget fédéral, on s'est généralement relié à la suggestion faite au Conseil d'administration que la CCA devrait tout faire pour chercher à ce que le budget :
  • étendre aux parents d'enfants qui poursuivent des activités artistiques (cours de dessin, théâtre, musique, danse, etc.) le même crédit d'impôt de 500 $ que celui promis aux parents dont les enfants participent à des activités sportives;
  • Chercher l'assurance que le nouveau gouvernement augmentera de façon suffisante le budget du Conseil des arts du Canada;
  • De même façon, chercher l'assurance que le nouveau gouvernement respectera les engagements faits le 23 novembre 2005 par le précédent gouvernement concernant d'autres investissements dans le secteur culturel.
Malgré diverses suggestions quant à la façon d'assurer une cohésion à l'actuel réseau de lois qui constituent la politique culturelle fédéral actuelle, il ne s'est dégagé aucun consensus réel au sein de la salle quant à la façon d'y arriver. Parmi les propositions avancées sur ce sujet et sur d'autres, on note :
  • S'inspirer de la section 3 de la Loi sur la radiodiffusion pour couvrir l'ensemble des enjeux des arts et des entreprises culturelles;
  • Une invitation à développer une Charte de la culture nationale;
  • Une fois développé le concept de citoyenneté culturelle, en faire la promotion comme politique d'encadrement culturel et en assurer l'application par le législateur et les instances réglementaires;
  • Travailler de concert avec le ministère des affaires étrangères pour rétablir la culture comme troisième pilier de notre politique internationale;
  • Chercher à assurer une place aux arts et à la culture dans le premier Discours du trône du gouvernement;
  • Appuyer les campagnes pour l'augmentation du budget de la Société Radio-Canada et pour l'adoption de la politique sur les musées canadiens;
  • Une résolution appuyant la réglementation de l'Internet fut immédiatement contrée par une résolution opposée, la controverse se poursuivant jusqu'à la fin de la conférence!
Les délégués sont revenus encore une fois l'éternel sujet de frustration que constitue le traitement équitable des artistes. La question a plusieurs facettes :
  • Le statut d'employé autonome pour les artistes professionnels - le secteur artistique est déterminé à obtenir une reconnaissance générale du statut d'employé autonome pour l'ensemble des artistes et des professionnels de la culture. La discussion traîne depuis au moins trente ans. Les fonctionnaires de Revenu Canada maintiennent leur position sur le fait que chaque cas doit être jugé au mérite, tandis que le secteur artistique veut une interprétation uniforme qui puisse être appliquée de façon cohérente à tout le spectre des activités artistiques.
  • L'étalement du revenu - Une autre préoccupation du secteur des arts concerne l'étalement du revenu. Les organisations d'artistes demandent depuis plusieurs années le rétablissement de la possibilité pour les artistes et créateurs d'étaler leur revenu sur plusieurs années pour fins de taxation. Les délégués à la conférence ont insisté fortement sur le fait que la CCA devait continuer de faire pression dans ce dossier en dépit de l'opposition ferme attendue des bureaucrates.
  • L'attente raisonnable de profits - Revenu Canada utilise ce concept comme test pour établir l'éligibilité d'une entreprise à déduire des dépenses d'affaires de son revenu imposable. Les délégués ont exprimé l'opinion que tout effort pour obtenir un traitement fiscal équitable pour les artistes se devait d'inclure la reconnaissance du fait que les artistes peuvent bien ne jamais atteindre de leur vivant un niveau de profitabilité sur leurs créations et que des standards différents doivent être établis pour juger de l'admissibilité ou non de certaines dépenses reliées à la pratique de leur art.
  • Crédits d'impôts pour l'innovation et la créativité - Comme on l'a mentionné précédemment, grâce à l'intervention récente du Conseil canadien des chefs d'entreprise, l'idée d'exempter d'impôt le revenu découlant des brevets et des droits d'auteur s'est ajouté à l'objectif général de taxation équitable pour les arts et les artistes.
Les délégués ont invités le Conseil d'administration de la CCA à développer une stratégie globale pour atteindre les objectifs susmentionnés.

Jeunesse et diversité

Un des aspects novateurs de la conférence de mars consistait en la participation de huit jeunes étudiantes anglophones en journalisme qui avaient pour mandat d'être les bloggueures officielles tout au long de la conférence. Elles avaient obtenu carte blanche quant à leurs propos et ont les avait invitées à être à la fois aussi objectives mais critiques que possible. Leur contribution aux résultats de la conférence a de beaucoup dépassé leur mission de simple observatrices.

Autre innovation, la CCA avait engagé Greg Frankson, poète "dub" dont le pseudonyme professionnel est Ritalin, comme rapporteur officiel de la conférence. Greg a choisi de remplir son rôle en composant sur place des poèmes présentés lors des plénières à quatre occasions durant la conférence. Sa plume et sa perspicacité ont sans nul doute été un des hauts faits de la conférence et sa participation aura également contribué de façon inattendue aux résultats de l'événement. Sa prestation finale lui a valu la seule ovation debout de la conférence.

Ritalin

Peut-être à cause des perceptions des jeunes blogueuses sur les travaux de la conférence, ou peut-être à cause du jeune photographe qui captait l'événement électroniquement, ou à cause du poète, toujours est-il que le thème de la jeunesse et de la diversité culturelle se trouvait en filigrane dans toutes les délibérations des délégué(e)s.

Le secteur culturel est conscient depuis un moment déjà des impacts démographiques sur l'avenir immédiat et à plus long terme des arts et des institutions et industries culturelles. Après avoir combattu dans les tranchées pendant des décennies, toute une génération de professionnels de la culture est sur le point de prendre une retraite bien méritée. Les maisons d'enseignement produisent des milliers de jeunes diplômés qui s'interrogent sur un avenir possible comme artistes ou professionnels de la culture. Cette crise de succession, pour ne pas être unique au secteur culturel, n'en nécessite pas moins l'établissement urgent d'une stratégie de relève.

Les délégué(e)s à la conférence ont déploré la sous-représentation des jeunes et des diverses communautés culturelles au sein de nos institutions, à commencer par la CCA elle-même. L'avis général était que les choses devaient changer si l'on souhaite voir au pays le maintien et la croissance d'une activité culturelle qui nous soit caractéristique et obtienne l'appui général de la population.

Quelques délégués ont fait des plaidoyers éloquents en faveur d'un programme national de mentors dans différentes disciplines. D'autres ont suggéré l'adoption de larges mesures visant à attirer et maintenir une représentation diversifiée dans le secteur culturel national. Le Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHSC) a déjà déblayé le terrain pour l'établissement d'une telle stratégie, mais l'appui de la plupart des délégué(e)s à l'idée d'une stratégie nationale a constitué une étape importante vers l'atteinte de cet objectif.

Le Conseil d'administration de la CCA a par la suite chargé le Secrétariat d'entreprendre aussi vite que possible l'élaboration d'une stratégie visant à assurer la participation à l'intérieur de la CCA même des jeunes et des diverses communautés culturelles. Il est souhaité que les premiers résultats d'une telle stratégie soient visibles dès la tenue de la prochaine conférence nationale de politique.
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