Bulletin de la CCA 27/06
Ottawa,
le 13 juin 2006
Nos
musiciens menacés encore une fois par la décision
du CRTC l'an dernier d'autoriser la radio satellite !
Ceux
d'entre nous qui se sont opposés vigoureusement l'an
dernier à la décision du Conseil canadien de
la radio-télévision et des télécommunications
(CRTC) d'accorder une licence
aux services de radio satellite se trouveront justifiés
d'avoir clamé haut et fort que ces nouveaux services
(et les conditions de licence touchant le contenu canadien
qui leur ont été accordées) équivalaient
à faire entrer un cheval de Troie dans les murs de
la réglementation sur le contenu culturel canadien.
Les
premières conséquences de cette décision
sont apparues lors de l'examen
récent par le CRTC de sa politique sur la radio commerciale.
Les radiodiffuseurs privés ont approché la question
plutôt discrètement: ils se sont en effet contentés,
pour ce qui est de leurs services hertziens traditionnels,
de grignoter les exigences de contenu canadien auxquelles
ils sont soumis en suggérant qu'on devrait leur accorder
des bonus lorsqu'ils jouent des artistes de la relève
(ce qui mènerait à une diminution de facto
du contenu canadien mis à leurs antennes). Là
ou ils ont été plus clairs, c'est en exigeant,
au nom d'un régime compétitif équitable,
de n'être soumis à aucune exigence de contenu
canadien quand ils retransmettent leurs signaux radio sur
Internet ou, éventuellement, via un signal numérique
hertzien. C'est d'ailleurs ce que certains d'entre eux font
déjà : on peut trouver sur Internet des
versions de stations radiophoniques largement expurgées
de contenu canadien.
La
nature corrosive de la décision d'autoriser la radio
satellite se manifeste à nouveau dans la requête
présentée au CRTC par Rogers Cable qui voudrait
distribuer les signaux des deux services "canadiens" de radio
satellite aux abonnés de son service numérique.
Cette demande, qui peut avoir des conséquences importantes
pour la musique canadienne, est enterrée avec une série
de requêtes à caractère inoffensif dans
un avis public omnibus du Conseil! (Avis
public de radiodiffusion CRTC 2006-58)
Bien
que Rogers n'en souffle mot, on peut présumer sans
trop se tromper que l'intention de cette demande est éventuellement
de remplacer les services canadiens de musique continue Max
Trax et Galaxie par ceux de la radio satellite, le tout bien
entendu au nom du droit du consommateur au choix le plus étendu
possible pour le plus bas prix possible. Si le CRTC décidait
d'accéder à la requête de Rogers, les
conséquences pour les deux services existant et pour
nos musiciens risquent d'être considérables,
particulièrement compte tenu de l'implication de Bell
ExpressVu dans le dossier. ExpressVu est en effet intervenu
pour contester l'opinion émise par les fonctionnaires
du CRTC à l'effet qu'il faut une modification aux conditions
de licence des entreprises de distribution pour les autoriser
à offrir les services de radio satellite à leurs
clients. Encore une fois, l'argument du régime compétitif
équitable est mis de l'avant, ExpressVu disant que
si Rogers obtient gain de cause, ExpressVu doit immédiatement
avoir le même droit, comme les autres distributeurs,
d'où le danger de voir disparaître les deux seuls
services qui donnent une vraie plate-forme aux artistes de
chez nous dans une vingtaine de genres contemporains.
En
effet, pareille situation signifierait vraisemblablement la
mort de deux excellents services canadiens qui, tout en étant
des services commerciaux, contribuent néanmoins de
façon significative à la santé de notre
industrie musicale et aux objectifs culturels contenus dans
la loi sur la radiodiffusion. Les entreprises de distribution
sont en effet libres de distribuer ou non ces services de
musique continue.
Les
enjeux sont évidents : si on les autorise à
reprendre le signal des services de radio satellite, les entreprises
de câble et de distribution par satellite auront accès
à une alternative à faible coût pour remplacer
Max Trax (Corus) et Galaxie (Radio-Canada). Ces services à
caractère vraiment canadien sont tenus par condition
de licence de diffuser une moyenne de 35% de contenu canadien
sur l'ensemble des 67 chaînes offertes et produites
ici, par opposition au maigre 10% de contenu canadien exigé
de la radio satellite qui, en plus, confine l'essentiel de
son contenu canadien dans un ghetto de 8 chaînes programmées
localement! Le nombre de chaînes francophones offertes
aux consommateurs passerait de 11 à 4. tout cela au
nom du choix du client! En termes financiers, un tel scénario
signifierait une perte annuelle de plus de trois millions
de dollars pour les détenteurs de droits, sans parler
de la perte des importantes contributions au développement
du talent canadien (DTC) faites par les deux services de musique
continue. Le tableau ci-joint résume les principaux
enjeux dans ce dossier.
Devant
ces faits, la Conférence canadienne des arts (CCA)
a déposé une intervention
contre la requête de Rogers. Le mémoire de la
CCA est appuyé par un nombre d'autres organismes (UDA,
ADISQ, Nos ondes publiques, etc.). Il se peut qu'à
cause de la position prise par ExpressVu dans le dossier,
le CRTC décide qu'il est urgent d'attendre! C'est la
position alternative mise de l'avant par
la CCA: à défaut de rejeter purement et simplement
la demande de Rogers, le CRTC se doit de tenir une audience
publique au cours de laquelle la réglementation sur
le contenu canadien pour toute forme de distribution devrait
être examinée à la lumière de la
Loi sur la Radiodiffusion et de ses fondements culturels.
Contribution
|
Max
Trax/Galaxie |
Radio
satellite |
Contribution
au DTC en % du revenu brut |
4%
|
5
% |
Nombre
de chaînes offertes |
67
|
210
|
Nombre
de chaînes musicales canadiennes |
67
|
|
Nombre
de chaînes de langue française |
11
|
4
|
Contenu
canadien en % de la musique diffusée |
35%
|
5%
|
Droits
d'auteurs en % du revenu brut |
18%
* |
Proposé :
10% |
Impact
de la disparution éventuelle de Galaxie/Max Trax
|
Nombre
de chaînes canadiennes |
Perte
de 50 chaînes avec contenu canadien |
Chaînes
françaises |
Perte
de 7 chaînes de musique francophone |
Contenu
canadien en % de la musique diffusée |
Réduction
de 35% à 5% |
Droits
d'auteur |
Perte
d'environ $ 3 M par année |
*
Ne comprend pas les paiements à CMRRA/SODRAC re :
droits de reproduction mécanique.
|