Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 12  (VI:2), 1968

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Borduas: Sous le vent de l'île

par Bernard Teyssedre

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Janvier 1947. En ce moment précis, deux événements de grande importance éclairent l'esthétique de Borduas. Il vient de refuser l'offre d'André Breton, qui l'invitait à prendre part à l'exposition internationale du surréalisme, prévue pour l'été à la galerie Maeght de Paris: Il n'estime plus que ses tendances artistiques puissent s'identifier à celles des surréalistes; en un temps où Fernand Leduc aboutit aux mêmes conclusions dans son texte théorique sur La rythmique du dépassement et notre avènement à la peinture, (23) mais où Jean-Paul Riopelle s'apprête au contraire à agréer l'invitation de Breton, c'est l'indice que grandit le danger de scission au sein du « groupe automatiste ». Le second des événements évoqués le confirme: Marcel Barbeau, qui depuis l'automne 1945 s'était engagé avec Riopelle dans les recherches d'automatisme « mécanique », avait élaboré avec lui un art d'une audace extrême, à la lisière de l'informel et du gestuel: Le tumulte à la mâchoire crispée, L'airain apposé sur l'attente, Vol incrusté, Les labeurs grimpants. Poussant d'un pas encore en avant, il venait d'exécuter une série d'une trentaine de tableaux avec une frénésie proche de la transe. Claude Gauvreau et Fernand Leduc, visitant son atelier, s'étaient déclarés « emballés », il découvraient là « un monde magique ». Borduas, « qui voyait tout avec le critère de profondeur », les rejeta sans appel: il n'y trouvait plus ni forme organisée, ni fond lointain qui pût mettre en valeur les volumes par contraste, ni même, pour tout dire, la moindre distinction entre forme et fond. « J'ai tout détruit, sauf deux tableaux que Gauvreau a gardés. Par la suite j'ai fait une dépression nerveuse. » (24)

En ce début de 1947, quand il peint Sous le vent de l'île, quand il médite aux notions de forme, de volume, d'espace pictural en des termes qui deviendront les « Commentaires sur des mots 
courants », (25) Borduas engage l'automatisme dans une voie que certains ont qualifiée de « non-figuration baroque », mais qui en réalité s'apparente bien mieux aux ordonnances classiques. Un parcours sinueux part de l'émerveillement ressenti en mars 1944 devant Mondrian: « J'ai reconnu spontanément la plus fine lumière que j'avais encore jamais vue en peinture. Et lumière était dans le temps, pour moi, synonyme d'espace. » (26) Il aboutit aux tableaux austères de Paris, en blanc et noir (voir fig. 8), douze ans plus tard; et dans cet intervalle, Sous le vent de /'île pose le premier jalon.

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