Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 20, 1972

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Le choléra à Québec 

par Sylvia Giroux

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« Qu'est-ce que le choléra? Est-ce un vent mortel? Sont-ce des insectes que nous avalons et qui nous dévorent? Qu'est-ce que cette grande mort noire armée de sa faux, qui, traversant les montagnes et les mers, est venue comme une de ces terribles pagodes adorées aux bords du Gange nous écraser...» (1)

Les ravages du choléra avaient pénétré profondément, à Québec, tous les esprits du siècle dernier (voir fig. 1 et 2). L'épidémie de 1832 avait été particulièrement dévastatrice: 3 292 morts à Québec dont 2 208 Québécois. La population de la ville s'élevait alors à 20 000 habitants. (2) (Dans certaines sources, (3) on lui attribue par ailleurs une population de 27 297 personnes.)

Il y eut deux épidémies de choléra au cours de la période qui nous intéresse: l'une en 1832, l'autre en 1834. Celle de 1832 fut la plus terrible; elle sévit du 8 juin au premier septembre de la même année. Le taux de mortalité augmenta terriblement et de nombreuses familles furent tragiquement disloquées. Les temps étaient durs: les journaux parlaient à peu près tous les jours de vols à main armée mais mentionnaient aussi presque quotidiennement le « coléra ». (4) Déjà en 1831, le 27 août plus précisément, Mgr Panet alertait les fidèles, les engageant à ne pas visiter les bateaux et à faire pression auprès des autorités pour décider celles-ci à agir efficacemen:t. Le 25 février 1832, l'Acte de quarantaine à Grosse-lsle était proclamé.

Le choléra s'était déclaré pour la première fois aux Indes, en 1826. De là, il était passé en Europe pour arriver à Québec en 1832. Les immigrants l'apportèrent avec eux: pendant cette mémorable année il en arriva 51 700 des Îles britanniques. Dès les premiers cas de juin, la panique s'empara des habitants riches et pauvres qui fuyaient à la campagne: « Le nombre d'individus qui avaient laissé la ville lors de la première apparition du choléra était considérable, et ne se composait pas seulement de gens qui vivaient dans l'aisance; beaucoup de gens de la classe ouvrière qui avaient des amis et des parents dans les campagnes, avaient été les rejoindre. On pense que plus de mille personnes sont trouvées absentes de leurs demeures pendant les cinq dernières semaines ». (5) Les églises furent fermées et les activités commerciales cessèrent presque. Il y eut à la ville une menace de famine puisque les cultivateurs apeurés ne venaient plus au marché vendre leurs produits.

Le choléra est une maladie gastro-intestinale dont l'évolution est très rapide, une victime pouvant être emportée en vingt-quatre heures. L'épidémie est aussi connue sous le nom de choléra asiatique ou choléra morbus. Les journaux de juin 1832 publient des conseils hygiéniques aux citoyens de Québec: se tenir au chaud, porter une ceinture de laine autour du ventre (même par les journées de grande chaleur), éviter les excès à table, laver les vitres - la lumière étant nécessaire à la santé - bien aérer les habitations, faire un bon feu dans la cheminée ainsi que des fumigations! A celui qui a attrapé le choléra, on conseille de donner en premier lieu 40 gouttes d'opium.

Le clergé est totalement engagé dans le drame. D'abord, l'évêque de Québec annonce dans la Gazette qu'il permet de rompre le jeûne des Quatre-Temps, puis dans le même journal, cette savoureuse description: «...les messieurs du Séminaire passent tout instant pour les malades; ils ne peuvent suffir, ils sont obligés de dire leur brévières en calèche ». (6)

L'épidémie de 1834 fut moins catastrophique que celle de 1832. Elle fut aussi de plus courte durée, sévissant de la mi-juillet à la fin septembre: « C'est ce matin que le comité sanitaire a fait chanter à la cathédrale une grand' messe à l'occasion de la disparition du choléra. M. le curé de Québec officiait. Une foule considérable de fidèles s'y était rendue. On a remarqué que c'était bien probablement le premier service religieux catholique que les autorités constitués avaient fait faire depuis 1759 » (7) (voir fig. 3).

Bien qu'il y eût à Québec, en 1834, 2519 mortalités, donc un nombre moindre, le parti nationaliste qui avait sans doute eu le temps de réfléchir donna un sens politique au manque de prévoyance du gouvernement d'alors: « On the reappearance of the disease in 1834 the national party again blamed Lord Aylmer for the outbreak. It was because it was he who refused to shut it out by closing the gate of the St-Lawrence, he it was who enticed sick immigrants into the country, in order to decimate the ranks of the French-Canadians ». (8)

Cette tragédie a inspiré Joseph Légaré [Québec, 1795- Québec, 1855] à peindre Le choléra à Québec, genre de reportage historique dans le style de L'incendie du quartier Saint: Roch (1845, collection du Musée du Québec), de Eboulis du Cap-aux-Diamants (vers 1840, (9) collection du Musée du Séminaire de Québec) et de Ruines après l'incendie du faubourg Saint-Roch (collection de Mme Judith James, Toronto). Ce thème semble avoir eu pour le peintre un attrait particulier: il aimait fixer par son art les événements sociaux importants de son milieu immédiat. Or, ces événements sont le plus souvent tragiques: éboulis, feux, peste. Mais pas toujours; Elections à Château-Richer (1849, collection du Musée du Séminaire de Québec) et Edmund Keane récitant aux Indiens (collection du Musée des beaux-arts de Montréal), La Fête-Dieu à Nicolet (collection de la Galerie nationale du Canada, Ottawa)  representent une autre categorie, mouvementée certes mais pas tragique. Tous ces sujets ont une chose en commun: ils résultent directement de l'intérêt passionné de Légaré pour son entourage et pour les faits qui s'y déroulaient. Mais pour qui peignait-il ces tableaux? Trouvait-il acheteur? Ou les faisait-il par goût personnel sans se préoccuper des acquéreurs éventuels? Toujours est-il que Le choléra à Québec resta dans la collection de la succession Légaré jusqu'à sa vente au Séminaire de Québec en 1874. D'autres tableaux dont Coucher de soleil à Québec (vers 1830, collection du Musée du Québec) et Les chutes à Saint-Ferréol (vers 1840, collection du Musée du Québec) représentent le paysage canadien. Les historiens de l'art s'accordent à reconnaître que Légaré est le premier Canadien à s'être inspiré directement de son milieu naturel: « Les artistes canadiens commencèrent alors à peindre leur propre terre et aussi leurs compatriotes [...] ce fut là un des aspects de l'esprit romantique [...] Légaré fut le premier artiste né canadien à réellement porter ses regards sur le fascinant paysage de Québec et à le peindre » (10) (voir fig. 4).

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