Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 20, 1972

Accueil
English
Introduction
Histoire
Index annuel
Auteur et Sujet
Crédits
Contact


Cliquez figure 5 ici pour une image agrandie

Le choléra à Québec 

par Sylvia Giroux

Pages  1  |  2  |  3  |  4

Si l'on s'entend pour situer Légaré dans le développement de la peinture au Canada, les opinions sont partagées, par contre, en ce qui a trait à sa formation. A-t-il reçu une préparation académique? Pierre-Georges Roy parle d'un séjour en Europe, ce qui n'aurait rien de surprenant puisque Légaré venait d'une famille aisée: « Son père qui avait certains moyens, l'envoya se perfectionner en Europe. Après un séjour d'une couple d'années en Italie, M. Légaré revint à Québec où il se livra à son art jusqu'à sa mort ». (11) L'auteur ne cite pas ses sources. Robson soutient en revanche que Légaré est entièrement autodidacte: « Absolutely self-taught, for he never went abroad to study, Légaré spent the early part of his career copying the works of old masters and succeeded in securing orders for these pictures...». (12) Harper affirme qu'aucune preuve n'existe ni dans un sens ni dans l'autre: « Son père était un homme cossu, et quelques écrivains affirment qu'il a envoyé son fils travailler son art à Rome, Paris et Londres peu après la fin des guerres napoléoniennes; on n'a trouvé aucun document pour confirmer cette assertion ». (13) Morisset est certain que Légaré n'a jamais fait d'études à l'étranger: « Ainsi ce peintre sans maître, qui n'est jamais sorti de la région de Québec...». (14) Cette opinion est partagée par Georges Bellerive: « En effet, il est le seul artiste-peintre de Québec qui a conquis par ses oeuvres l'admiration de ses contemporains sans avoir eu l'avantage d'aller étudier en Europe sous la direction de maîtres reconnus, et sans même avoir eu de professeurs attitrés à Québec pour le conseiller ». (15) Ceci est confirmé dans Le Canadien de Québec (livraison du 14 avril 1852) où on dit de façon explicite que Joseph Légaré n'est jamais allé en Europe. C'est dire que Légaré ne doit sa formation à personne. Les tableaux de la collection Desjardins qu'il a eus en sa possession l'ont influencé: il les a copiés ou retouchés. C'est ainsi qu'il se perfectionna.

À l'époque où il peint Le choléra à Québec, Légaré rend publique sa collection de tableaux. La lecture du catalogue écrit en anglais, chose surprenante, révèle un ensemble religieux surtout. Ce n'est donc pas de là que lui vint l'idée d'exécuter des tableaux à partir d'événements historiques. Ses rapports avec l'historien Garneau pourraient l'expliquer, toutefois, et aussi le fait qu'il fut président de la Société littéraire et historique de Québec. (16)

De sa collection, il décide de faire un petit musée et passe l'annonce suivante dans la Gazette de Québec (voir fig. 5): « Avis: Le soussigné ayant réuni à sa maison neuve rue St. Angèle toute sa collection de Peintures et Gravures, dont la plus grande partie est de la main des premiers peintres d'Europe, et étant la plus riche collection de ce genre qui ait jamais paru en Canada, prend la liberté d'informer ses amis et le public en général, qu'elle est exposée à la vue des amateurs tous les jours de la semaine entre dix heures du matin et quatre heures du soir, excepté les fêtes et dimanches. Prix d'admission 15 3d. Abonnement pour la. saison 5s. Abonnement pour l'étude pendant la saison, 10s.

Joseph Légaré
Peintre
Haute ville de Québec
21 nov. 1833

N. B. M. Légaré sera toujours prêt à exécuté tous ordres qui lui seront données pour tableaux d' églises, vues de pays, etc ». (17)

En 1838, il transporte sa collection sur la place du marché. Voici le texte d'une autre petite annonce de Légaré: « La Galerie de Peinture de Québec est maintenant ouverte au public dans le haut de la maison de pierre de taille sur le marché de la haute-ville. La collection consiste en plus de cent cent vingt tableaux de différents maîtres célèbres, et des gravures les plus choisies, L50 ayant été refusés pour une seule entre plusieurs autres.

Il n'existe sur ce continent rien de supérieur en ce genre, à l'ensemble de cette collection. La chambre qui a 40 pieds de longueur sur 30 de largeur et 24 de hauteur et qui est éclairée par un dôme, sera louée à un prix raisonnable pour toute exhibition spéeciale. Rien ne surpasse la vue que l'on a du toit de la maison, et un télescope et une chambre obscure sont à la disposition des visiteurs.

Heures d'admission de 10 am à 4 pm tous les jours (les dimanches et fêtes exceptés). Admission 1s 3d ou 10s par anne
é pour une famille. (18)

Le choléra à Québec n'est ni daté ni signé. Le catalogue de la Galerie nationale indique qu'il a été peint vers 1837 mais sans ajouter d'explication ou de pièce justificative. Or on le sait, les deux épidémies eurent lieu en 1832 et 1834; celle de 1832 ayant été la plus dramatique, on peut supposer que c'est celle qui a poussé Légaré à en fixer la mémoire. Mais à quel moment le fit-il? Voilà un problème qui pour l'instant n'est pas résolu. Harper dit 1832 sans préciser s'il s'agit de l'événement ou du tableau: 

« Painted group of historical works including Cholera Plague, Quebec, 1832...
». (19) 

Une chose certaine est que 1837 fut au Québec une année de troubles politiques dérivant probablement de la crise économique dont les journaux de l'époque parlaient depuis déjà plusieurs années. Légaré lui-même fut incarcéré à Québec le 13 novembre 1837 pour être relâché cinq jours plus tard. (20) Quelques jours auparavant, il auparavant, il était démis de ses fonctions administratives: « La Gazette Officielle de jeudi annonce la destitution de M. Joseph Légaré, membre du soi-disant comité central permanent de Québec et de la direction du Liberal, comme juge de paix pour le district de Québec ». (21) Ces faits ont dû se préparer à l'avance, et le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne prédisposaient pas à la création artistique. Le tableau a sans doute été peint en 1832. Cette hypothèse repose sur les faits suivants. Lorsque M. William P. Wolfe de Montréal (qui avait lui-même acheté le tableau chez un antiquaire de Québec en août 1957) céda l'oeuvre de Légaré à la Galerie nationale le 3 juin 1959, il était daté de 1832 et portait le titre Marquet Square, Québec. Avant d'être la propriété de l'antiquaire, il faisait partie de la collection de l'université Laval (connue aujourd'hui sous le nom de Musée du Séminaire de Québec) et apparaissait au catalogue de l'année 1923 sous le numéro 350. (22) Le titre du tableau était alors During the cholera-morbus at Québec. Il devint Le grand cholera à Québec et porte le numéro 242 dans le catalogue de l'année 1933. De plus, il est daté de 1832. (23) Le catalogue de 1908, pour sa part, n'en fait aucune mention. (24) Selon M. Jean-Pierre Paré, conservateur au Musée du Séminaire de Québec, la succession Légaré céda, en 1874, 309 tableaux dont Le choléra à Québec au Séminaire de Québec. Le tableau intitulé Québec pendant le cholera de 1832 portait le numéro 267. Il demeura la propriété du Séminaire jusque vers 1956.

Page Suivante | les plans de tableau

1
  |  2  |  3  |  4

Haut de la page


Accueil | English | Introduction | Histoire
Index annuel
| Auteur et Sujet | Crédits | Contact

Cette collection numérisée a été produite aux termes d'un contrat pour le compte du programme des Collections numérisées du Canada, Industrie Canada.

"Programme des Collections numérisées, droit d'auteur © Musée des beaux-arts du Canada 2001"