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Bulletin Annuel 2, 1978-1979 |
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Les tableaux de Charles Huot Le dessin est fidèlement suivi, mais les couleurs ne sont pas les mêmes. Cette clarté un peu froide, un peu grisaille, au milieu de laquelle flottent et se nimbent les trois principales figures du tableau original, est remplacée ici par un coloris neuf, admirable de finesse et de délicatesse de teintes, qui répand je ne sais quel frissonnement harmonieux dans l'envolé des draperies. Il y a du rêve dans cette peinture. En la regardant on s'imagine apercevoir comme une musique, comme des lambeaux de mélodie douce et berçante qu'un génie aurait figée sur la toile, avec la légèreté des reflets que le soleil brode aux franges des nuages. Huot aurait donc embelli Raphaël, me direz-vous. Non, sans doute, mais il l'a imité avec une suprême intelligence. (17)En plus de l'imitation Huot pratique comme ille dit lui-même « l'art des sacrifices » dans ses compositions. Ainsi Le Paradis (figs. 1, 2) n'est pas assez peuplé au goût de Fréchette qui juge cependant cette restriction nécessaire au but décoratif: « un entrelacement de figures, un fouillis de têtes, une plus grande complexité d'effets, eussent été une faute. Il aurait fallu multiplier les modèles, les raccourcis, l'enchevêtrement des perspectives linéaires, ce qui aurait alourdi la composition, écrasé l'entourage et fait heurt dans l'harmonie générale ». (18) Fréchette reconnaît beaucoup de qualité à l'exécution de la décoration de Huot. De même pour son sentiment artistique: « il lui suinte par tous les pores. Sous son pinceau discret et robuste flotte le rêve d'une âme vibrante, tantôt tendre et tantôt fougueuse, qui donne la sensation d'un poème à la fois doux et viril. Tout ce qu'il fait peut ne pas toujours être irréprochable; c'est toujours vécu. Ajoutons que c'est toujours poétique ».(19) Ajoutons encore que les fameuses images avaient déjà éveillées les âmes poétiques de Charles Baudelaire (20) et surtout celle de Théophile Gautier (21) devant L'Enfer de Chenavard et que Gogol s'enthousiasma devant Le dernier jour de Pompéi de Brioullov. (22) Après Fréchette on est tenté de porter une critique un peu plus sévère et celle-là même que fit Huot devant un autre essai de représentation religieuse: « Dans une collection aussi considérable [La Vie du Christ par James Tissot] il ne faut pas s'étonner de rencontrer beaucoup d'inégalités, de défaillances. Il y a dès choses parfaites. Il y a des scènes qui sont plus étudiées, plus travaillées. Mais comment le talent de l'artiste eût-il pu se soutenir à la même hauteur tout le long de cette oeuvre prodigieuse? Comment son inspiration eût-elle pu être également heureuse? Il est tout naturel que certaines scènes trahissent la sécheresse, la fatigue de l'esprit ». (23) Huot a-t-il mieux réussi à revivifier le « grand genre » religieux? (24) L'imposant ouvrage de Charles Huot occupe une place ambigüe dans 1'histoire de notre peinture religieuse. Plus éclectique que ne le fut Napoléon Bourassa, Huot par son besoin de s'appuyer sur des modèles trop souvent contradictoires mais aussi par son manque de sentiment personnel, n'atteint jamais à l'interprétation sensible d'Ozias Leduc. (25) Les vastes toiles de Saint-Sauveur bien qu'elles forment un ensemble équivoque assez mal adapté à la gravité des sujets et au cadre architectural témoignent d'un laborieux effort académique et restent un des rares documents encore in situ de décors religieux monumentaux de la fin du XIXe siècle. Page Suivante | Notes 1 | 2 | 3 Accueil
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