Lamèque possède un hôpital qui dessert une population d'environ 17, 000 personnes dans la région immédiate. Cet Hôtel-Dieu, fondé en 1949, doit sa réalisation en partie au curé de la paroisse, l'abbé Louis Morin, qui offre alors son presbytère pour servir d'hôpital, mais il le doit aussi et surtout à Mère LaDauversière (Isabelle Sormany), fort heureuse, comme le dira Antoine Bernard, « d'implanter sa communauté dans son milieu natal de Lamèque, parmi des insulaires restés profondément chrétiens, fidèles héritiers des générations qui avaient suivi les leçons de catéchisme de Henri Sormany ». (A. Bernard, Les Hospitalières de Saint-Joseph et leur œuvre en Acadie) Henri Sormany était le père de Sr. Isabelle Sormany.
La fondation
Les trois premières religieuses désignées pour l'Hôtel-Dieu de Lamèque sont Sœur Sainte-Thérèse-de-Lisieux (Alfréda Haché, native de Lamèque), Sœur Madeleine Roy et Sœur Marie-de-Jésus (Bernadette Haché). Elles arrivent à Lamèque le 2 février 1949. Le 6 février suivant, des gens venus des quatre coins de l'Ile se réunissait dans la salle paroissiale pour souhaiter la bienvenue aux Religieuses ainsi qu'au Docteur et à Mme Euchère Cormier. Celui-ci sera le médecin attitré du nouvel hôpital, tandis que les Religieuses en assumeront la direction. Pour tous et chacun, c'était enfin la réalisation d'un rêve longuement caressé : un médecin, des religieuses... un hôpital! Ceux qui vivent ou qui ont vécu sur l'Île de Lamèque ou de Miscou, savent, mieux que personne peut-être, la signification de ces trois mots, car transporter des malades, sur une glace fragile, à l'automne et au printemps, s'avérait un grand risque à chaque fois. L'avènement d'un hôpital constituait donc un immense soulagement pour la population
Installation et organisation de l'hôpital
Dès leur arrivée les Hospitalières se mettent à la tâche. L'installation et l'organisation de l'hôpital en plein hiver n'étaient pas une mince besogne. Il fallait compléter l'installation de l'électricité, ajouter un système d'appel pour les patients, organiser les différents départements, les chambre des malades et des religieuses, le bureau, la salle d'attente, la cuisine, la salle d'opération, la buanderie, la chambre noire pour radiographie, enfin préparer une chapelle. Bien d'autres travaux devaient suivre, telle que l'installation d'un système de sauvetage, d'une nouvelle fournaise, d'une buanderie, de la réparation de la cave. Tous ces travaux exigeaient des fonds. La générosité de la population sera exemplaire. Les dons affluent de toutes parts en commençant par monseigneur LeBlanc, le curé Morin, les Dames auxiliaires organisées en société à cet effet, les dames de l'Institut, enfin, toute une pléiade de gens qui donnèrent à l'hôpital, autel, meubles, argent, vaisselle, conserves, légumes, etc., pour seconder l'oeuvre naissante.
Dès le 23 mars, avant même que l'hôpital ne soit prêt, les patients commencent à affluer. La première patiente, madame Albert Lanteigne, de Haut-Lamèque, donne naissance à un garçon le dimanche 27 mars, qui sera baptisé Joseph-François. On devra par la suite continuer à accepter les cas d'urgence malgré la précarité des locaux et des installations.. Le personnel de l'Hôtel-Dieu au début, se composait de six personnes seulement: la supérieure, soeur. St-Thérèse-de-Lisieux, et ses deux compagnes, soeur Madeleine Roy et soeur Marie-de-Jésus; la première auxiliaire, Béatrice Chamberlain de Bathurst-ouest, la secrétaire et technicienne de laboratoire Nicole Kerry et la première cuisinière, Evangéline Haché. Cependant, les travaux de préparation allèrent si rondement qu'en 1950 déjà on comptait 12 lits pour adultes, 6 pour enfants et 6 bassinettes pour les nouveau-nés. Le nombre de malades traités pendant l'année s'élève à 1,003, dont 275 externes, et 728 à l'hôpital même; les jours d'hospitalisation se nombrait à 4,484 , répartis comme suit: malades traités en médecine : 496 ; malades traités en chirurgies mineure, 162 ; obstétrique , 130 ; examens au laboratoire : 1,682. L'hôpital a donc rendu un immense service à la population, dès les premières années de son existence.
Le fondateur, l'abbé Morin mourut en 1950. Monsieur l'abbé J.-L. Saindon, comme son prédécesseur, montra le même dévouement envers l'œuvre naissante et par sa parole convaincante encouragea les paroissiens à soutenir l'œuvre qui leur était si chère.
Avec l'aide du curé et des Dames auxiliatrices des différentes paroisses, on fera l'acquisition d'un appareil pour rayon-X ainsi que d'une table d'obstérique, d'un stérilisateur et d'autres équipements de moindre valeur, mais nécessaire au bon fonctionnement d'un hôpital.
Soeur Ste-Thérèse-de-Lisieux se dévouera pendant quatre ans à cette belle œuvre hospitalière et exposera même sa vie à plusieurs reprises afin de faire traverser des cas d'urgence à l'Hôtel-Dieu de Tracadie ou de Bathurst, quand on devait se riquer sur une glace incertaine.
Soeur Célestine Allard devient supérieure de l'Hôtel-Dieu de Lamèque le 3 mai 1953 ; ayant déjà été une des fondatrices de l'Hôtel-Dieu de St-Quentin, elle avait, elle aussi, connu la misère et les difficultés inhérentes à toute fondation et elle se montra une administratrice compétente pour continuer l'œuvre si bien lancée. Au terme de ses six années comme supérieure à Lamèque soeur Allard sera nommée supérieure à l'Hôtel-Dieu de Tracadie. Au cours de son mandat elle fera ajouter une aile à l'hôpital en bois.
L'avènement de l'assurance-hospitalisation sera d'un grand secours pour les gens ayant besoin d'hospitalisation ainsi que pour l'administration de l'hôpital, toujours en prise avec des problèmes financiers. Lorsque ce plan entre en vigueur le 1er juillet 1959, le bureau d'admission n'eut pas de répit , à partir de 7h30 du matin jusqu'au soir, racontent les chroniques.
Soeur Albertine Allain succédera à Sr Allard au mois d'août 1959, immédiatement après le dixième anniversaire de la fondation. À elle revient la charge de la construction du nouvel hôpital. Sous la direction générale du Conseil provincial des hospitalières de Bathurst, elle mène à bonne fin une entreprise difficile et coûteuse. C'est à cette courageuse femme que l'on doit l'organisation du nouvel Hôtel-Dieu de Lamèque.
Le nouvel hôpital
La bénédiction du terrain a lieu le 25 septembre, 1961. Voici quelques extraits de la chronique de la maison: "Une courte mais impressionnante cérémonie se déroulait à l'Hôtel-Dieu ce matin, à onze heures alors que son monseigneur Camille-André LeBlanc officiait à la bénédiction du terrain où s'élèvera bientôt notre nouvel hôpital de 42 lits. La première pelletée de terre fut levée par l'honorable ministre de la santé, le docteur Georges Dumont, et la chronique ajoute que dès le lendemain les gros tracteurs et les pelles à vapeur s'annoncent pour déblayer le terrain de l'hôpital."
Les plans sont confiés aux architectes Bélanger & Roy de Moncton, Nouveau-Brunswick Le contacteur général est M. Edmond Pelletier de Campbellton. Les 42 lits de l'hôpital sont réparties comme suit: 21 en médecine et chirurgie, 10 à la maternité, 12 bassinettes et 11 lits en pédiatrie. Le coût approximatif du contrat général est de $620, 000. Les octrois du gouvernement s'éleveront à $263,372. La part annuelle de la paroisse sera de $ 8,000 et la part annuelle des religieuses, de $12,000 à $ 15,000.
L'hôpital est doté d'un poste de téléphone central, d'un système d'alarme à feu, de l'intercom communiquant la chapelle de la résidence à l'hôpital et les divers services. Un service d'oxygène canalisé au chevet des malades est également installé. Le département externe, la chirurgie, les deux salles d'accouchement complétent les services offerts. En janvier 1962 ou pourra commencer à déménager graduellement dans l'édifice neuf. Le 5 mars, une première naissance a lieu à l'hôpital. Enfin, le 4 août 1963, sera le grand jour de l'ouverture officielle. Le docteur Georges Dumont, ministre de la Santé, coupe le ruban marquant l'inauguration du nouvel hôpital de 56 lits à Lamèque. La cérémonie a lieu devant une foule considérable et de nombreux invités d'honneur. Immédiatement après l'ouverture, monseigneur Camille-André LeBlanc, évêque de Bathurst, procède à la bénédiction de l'édifice. Monsieur Bertin Jean, président du comité consultatif de l'hôpital, préside à la cérémonie et a accueille les invités d'honneur. Il rend hommage aux supérieures de l'ancien hôpital, les soeurs Ste-Thérèse de Lisieux et Allard, ainsi qu'au conseil de l'hôpital et au docteur Bertin Lacroix.
Le Dr Dumont félicite les citoyens de Lamèque et les religieuses pour avoir réalisé leur projet d'hôpital. Le curé l'abbé Lucien Saindon fait l'historique de l'hôpital rappelant que l'ancien hôpital a servi à soigner 8,550 malades au cours de ses 10 premières années d'existence. Il servira maintenant de résidence au personnel de l'hôpital, c'est-à-dire, aux religieuses.
Sœur Annonciade Saulnier est nommée directrice en 1965; Sœur Thérèse Duplessis lui succède en 1967. Lorsque les Hospitalières quittent l'Hôtel-Dieu de Lamèque en 1972, le gouvernement en prend la direction et la propriété.
Les médecins qui ont œuvré à l'hôpital pendant ces années sont les docteurs Euchère Cormier, Victor LeBlanc, Roger Guérette, Antonin Blanchard, Bertin Lacroix, E.R. Melanson, A. Mazerolle et J.D. Gauthier. Parmi ceux-ci, c'est surtout le docteur Lacroix qui s'est identifié à l'hôpital, qu'il dessert avec dévouement depuis 1957.
Actuellement, il n'y a plus de religieuses à l'Hôtel-Dieu de Lamèque, mais les Hospitalières y ont laissé leur marque, puisque, avec l'aide des citoyens, elles ont réussi à doter Lamèque et ses environs d'un hôpital fonctionnel. En effet, l'hôpital a eu très tôt un Conseil consultatif, mis sur pied en 1953, puis restructuré en 1959. Les membres élus qui formèrent alors le nouveau bureau de direction sont les suivants : Bertin Jean, président; Alexis Duguay, vice-président; Martin Paulin, secrétaire-trésorier. Ce comité avait proposé et soutenu le projet de construction du nouvel hôpital.
Il faut aussi reconnaître l'apport précieux des Dames auxiliaires qui jouèrent un rôle irremplaçable. Madame Eustache Duguay en a été la première présidente. Organisé dès les débuts de l'hôpital, ce groupement a collaboré avec efficacité à l'installation d'un service hospitalier dans l'ancien presbytère qui n'était pas même muni d'un système de chauffage central. Les nombreux comités soutenus par les Dames auxiliaires donnent une idée du travail accompli; comité de recrutement, comité pour recueillir des fonds, comité de couture, comité des malades. Sans le secours et la collaboration assidue de ces femmes dévouées, il aurait été difficile de mener à bonne fin l'œuvre de l'Hôtel-Dieu à Lamèque.