Le frère Arthur Daoust
(1880-1969)
le “frère André” du Séminaire
Une barbe courte et grisonnante, les manches roulées, la soutane retroussée, tenant un seau d'une main et un torchon de l'autre, suspendant son lavage quelques minutes, le temps que s'achève la montée des élèves en classe ou à la salle d'étude, c'est là l'image qu'ont retenue du frère Daoust bien des générations d'anciens élèves du Séminaire de Joliette de 1936 à 1953.
À l'époque, personne d'entre nous n'aurait soupçonné que le frère Daoust en était à sa seconde carrière et qu'avant de prendre en main le “matériel” du Séminaire de Joliette, il avait fait de l'enseignement pendant trente-cinq ans.
Né en 1880, à Saint-Urbain de Châteauguay, il fait son noviciat en 1898-1899 et commence une longue carrière dans une dizaine d'établissements des régions du Richelieu, de Montréal, de Rigaud et de Joliette. En plus de l'enseignement, il remplit la fonction d'économe pendant quelques années. En 1934, il s'installe au Séminaire pour de bon. Il sera témoin d'une période illustrée par les pères Louis-Philippe Fafard, Alphonse de Grandpré, Ernest Aubin, Paul-Maurice Farley, Julien Beausoleil, Louis-Joseph Lefebvre, Wilfrid Corbeil, etc.
Les deux premières années (1934-1936), le frère Daoust fait de l'enseignement en classe Préparatoire. Mais le 1er janvier 1936, il devient économe, poste qu'il remplira jusqu'à son départ en 1953. À ce poste il est chargé de l'ordre matériel et de l'intendance de la propreté de la maison.
Les édifices à entretenir sont immenses. Balayage, lavage des planchers et des escaliers, époussetage, etc. seront la principale besogne du frère Daoust pendant 17 ans. Le frère Daoust est un homme efficace, discret et presque invisible. Il est partout, il règne sur un immense empire, mais on ne le voit que rarement.
Une des épreuves du frère Daoust était le grand ménage annuel. À ce moment on engageait de la main-d'oeuvre féminine supplémentaire, recrutée à pied levé, provenant en partie du quartier de l'Étang. Il devait s'adapter à ce personnel, braves gens, sans doute, mais aux manières directes, sinon frustes, et au langage vert et dru.
En ce temps-là les planchers se lavaient à la main, et le lavage de la grande salle de récréation exigeait des manoeuvres impressionnantes. Il fallait voir cette armée de laveuses, à genoux, côte à côte, progressant à reculons, chacune dans sa travée de plancher, sous l'oeil vigilant du frère Daoust.
Il est probable que jamais auparavant, l'état des bâtisses et du mobilier du Séminaire n'avait été suivi d'aussi près. Rien ne lui échappait: toute détérioration de fenêtres, pupitres, chaises, etc. était aussitôt rapportée à la menuiserie pour réparation. “Religieux exemplaire”, “religieux humble”, “un grand priant”, “un vrai saint”, tels sont les témoignages qui reviennent le plus souvent dans les souvenirs évoqués par les confrères qui l'ont connu.
Un ancien élève du Séminaire de Joliette -- qui occupe un poste important dans la vie joliettaine actuelle -- rappelle avec plaisir la mémoire du frère Daoust:
C'était le frère André du Séminaire; il accomplissait un travail obscur, peu valorisé dans la société; il incarnait à la perfection la conception du “devoir d'état” selon l'expression du temps. Sous un extérieur plutôt rébarbatif, peu amène et peu attirant, être étrange, il circulait dans la maison comme un esprit; ce qui n'empêchait pas les élèves de discerner chez lui une sainteté qui inspirait une admiration contenue et mêlée de crainte, qui imposait le respect à tous.
À l'été 1953, le frère Daoust fut transféré au Centre Champagneur de Joliette, ce qui mettait fin à un séjour de plus de 22 ans au Séminaire de Joliette (de 1918 à 1921 et de 1934 à 1953). Âgé de 73 ans, au lieu de se reposer comme il en aurait eu droit, il continua pendant encore 16 ans le même train de vie et d'activité qu'au Séminaire. Pour lui, travailler allait de soi.
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