De porteur d'eau...

...à bâtisseur

Une invitation

«La manoeuvre met en branle un processus
qui joue sur l'inter-activité»

Alain-Martin Richard
revue Inter no 47

La manoeuvre nécessite la participation du public autour d'une action à la fois concrète et symbolique qui nous rassemble.

Une idée :	Travailler avec un objet signifiant de notre culture : la chaudière d'eau d'érable. Ériger un monument avec l'aide du public.

Généralement utilisée comme contenant, la chaudière deviendra par les gestes posés par chacun et chacune un matériau de construction. Dans un premier temps, la chaudière symbolise le porteur d'eau. La manoeuvre proposée permet un glissement de sens : le passage de l'idée de porteur d'eau à la réalité de bâtisseur. Par cette intervention sur la place publique, cette manoeuvre, le collectif des Ateliers convertibles pose la question du sens, interroge encore une fois l'activité artistique.
Réalisation :	Concevoir et réaliser une structure d'envergure, solide et autonome, qui défie vent et pluie pour la durée de l'intervention.

Plan et
exposé théorique
de Jean-François Pirson

La chaudière : le matériau qui donne sens à la construction. Volume cônique -- contenant d'eau -- surface lisse avec un petit trou.

Ce petit trou permet de lier ensemble deux éléments qui tisseront la construction.

Cette construction commence par une base de chaudières remplies d'eau, posées sur un lit de sable, dans une horizontalité parfaite. Dimension 16 x 16 mètres.

Ce carré est ouvert d'un chemin en croix pour l'exécution de quatre constructions autonomes qui tenderont à se rassembler en une seule.

Chaque construction commence, chaudières liées 2 par 2, fonds vers le haut. La stabilité de la construction est assurée par des fils de nylon jetés en travers, retenus par les liens entre deux, lestés par des chaudières pleines d'eau, au sol et dans l'espace.

Cette opération collective pose un défi à la fois formel et opérationnel. De l'idée à sa matérialisation, les étapes se multiplient. Les artistes doivent élaborer une stratégie de construction qui tienne compte des caractéristiques de la chaudière (sa forme, sa légèreté, ses perforations, etc.), sans devoir l'altérer ni ajouter de structure de soutien.

Pour les Ateliers convertibles, 1994 marque aussi le passage du poète, architecte et théoricien Jean-François Pirson. Consulté au sujet de cette manoeuvre, il collabore en esquissant les fondements de la structure.

Encore faut-il trouver 3 500 chaudières, ce qui ne va pas sans peine ! Les producteurs de sirop de sirop d'érable ont depuis longtemps délaissé les chaudières pour le procédé d'extraction de l'eau d'érable par un réseau de tubes. Après plusieurs appels, deux producteurs de Rawdon, Pierre Breault et Guy Breault, affirment avoir conservé leurs chaudières et consentent à les prêter pour l'occasion.

Simultanément s'élabore un tout autre travail : la sollicitation du public pour qu'il collabore à cette grande manoeuvre.

Enfin, avec l'appui de nombreux commanditaires, la construction commence au Club des archers de Joliette, du 23 au 25 juin 1994, pour les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste.

De porteur d'eau à bâtisseur

...ou de la métaphore à la manoeuvre

Extrait de Joliette. Convertibles. De porteur d'eau à bâtisseur
par Suzanne Joly et Michel Perron, revue Inter, 1994

Métaphore puissante et symboles forts

L'appellation même de cette manoeuvre procède d'une utilisation audacieuse de deux concepts d'identité avec lesquels la culture québécoise n'a pas encore réglé ses comptes : le porteur d'eau (d'érable ?) et le bâtisseur (de cathédrale, de stade, de pyramide...).
Ces deux «problèmes» d'identité sont ici posés (et déposés) par le truchement d'une manoeuvre elle-même tributaire de l'ancienne «corvée», où les efforts concertés de plusieurs individus étaient mis au service d'un projet faisant l'objet d'un consensus.

Il s'agit donc de construire -- action classique de la corvée -- un lieu d'exotisme par des pyramides dont la forme-symbole de monument est transgressée par son antithèse, soit l'éphémérité et l'utilisation postmoderne d'éléments pauvres : des chaudières, des câbles d'acier et de l'eau.

Arte povera

Arte povera. -- partage d'idées et de gestes au sein d'une manoeuvre où le public est invité à se joindre aux artistes (des familles entières l'ont fait) et à réaliser la forme d'un rêve d'aluminium.

Collectif d'artistes partagé collectivement avec des gens du coin et d'autres de passage dans une ambiance de fête.

La vidéo et les polaroïds captent l'histoire des visiteurs qui «oeuvrent» à la tâche.

La réappropriation du jeu et de l'humour calme marquent l'ambiance du chantier où quatre pyramides d'approximativement 270 pieds carrés de base et 14 pieds de hauteur sont en voie de réalisation.

Pour le fin mot de l'histoire

Crédits

* Photos n/b : manoeuvre De porteur d'eau à bâtisseur, 1994, photos Manon Fafard.
* Photos couleur : manoeuvre De porteur d'eau à bâtisseur, 1994, photos Danielle Binet.

Intervenants
La population et les membres actifs des Ateliers convertibles : Michèle Bergeron, Danielle Binet, Ginette Déziel, Manon Fafard, Normand Forget, Suzanne Joly, Francis LaPan, Sylvie Tourangeau, Jocelyne Tremblay.

Collaborations spéciales
Manon Fafard, Mario Forest, Irène Mayer, Jean-François Pirson, Société nationale des Québécoises et des Québécois, les commanditaires.

La vidéo
Documentaire sur l'empilement de 3,500 chaudières d'eau d'érable sur le site des fêtes nationales à Joliette en juin 1994. Produit par les Ateliers convertibles (1996) et réalisé par Francis Lapan et Suzanne Joly

Bibliographie (par ordre de parution) :
* Les Ateliers convertibles, «Travaux préliminaires Manoeuvre des Ateliers convertibles», L'Artefact, vol. III no 2, juillet-août-septembre 1994, p. 22-23.
* S.n., «Empiler 3,000 chaudières d'eAu d'érable De porteur d'eau à bâtisseur», L'Action, dimanche 12 juin 1994, p. 46.
* Joliette Journal, mercredi 15 juin 1994, photo, p. B-13.

L'Action, dimanche 19 juin 1994, photo, p. 49.
* LEFEBVRE, Michel, «De porteur d'eau à bâtisseur», Bulletin des agriculteurs, vol. 77 no 8, juillet-août 1994, p. 5.
* JOLY, Suzanne, «Chronique d'été 94/ une parole d'artiste», L'Artefact, vol. III no 3, octobre-novembre 1994, p. 22.23.
* JOLY, Suzanne, PERRON, Michel, «Joliette. Convertibles. De porteur d'eau à bâtisseur», Inter, no 60, automne 1994, p. 14-15.

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