Histoire de l'évolution constitutionnelle du Canada
Table des matières
L'évolution constitutionnelle du Canada reflète l'histoire même du Canada, son cheminement vers une démocratie autonome et l'évolution constante des idées et des événements. La Constitution, tout comme le pays, s'est transformée avec les années. Elle porte fortement l'empreinte du passé et elle doit aussi pouvoir s'adapter à des situations nouvelles et permettre aux Canadiens d'affronter les exigences du XXIe siècle.
Au Canada, certaines dispositions constitutionnelles sont écrites et d'autres ne le sont pas. Ensemble, elles forment l'assise fondamentale nécessaire au fonctionnement du gouvernement, présidant à la définition et à l'élaboration des principales institutions de celui-ci et de leurs relations mutuelles. De plus, c'est dans ces dispositions que sont énoncés les droits, tant collectifs qu'individuels, des Canadiens par rapport à l'État.
Le bref survol que nous ferons de l'évolution constitutionnelle canadienne vise à donner une perspective historique et à préciser le contexte relatif aux efforts consacrés à la réforme constitutionelle.
Faits antérieurs à la Constitution
L'évolution politique et constitutionnelle du Canada n'a pas commencé à l'arrivée des premiers colons européens. Les peuples autochtones du pays avaient diverses langues et cultures et de multiples régimes de gouvernement, et ils négociaient des alliances et des traités. La Constitution du Canada confirme les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones de notre pays et les reconnaît. Les questions qui concernent les Autochtones, dont celle de leur autonomie gouvernementale, demeurent un élement clé des efforts du Canada en vue de renouveler la Constitution.
L'élaboration de la Constitution canadienne a débuté au Canada en 1663 à la proclamation de l'Édit de création du Conseil souverain de Québec dans lequel les Français firent de la Nouvelle-France une province royale et prévoyèrent l'établissement d'un gouvernement civil. À la suite de la cession du Canada à l'autorité britannique, la Proclamation royale de 1763 établit, entre autres choses, certains principes relatifs au gouvernement civil du Québec et aux relations avec les peuples autochtones.
Dans les années qui précédèrent la Révolution américaine, le gouvernement britannique se préoccupa de plus en plus de la façon de conserver la loyauté de ses nouveaux sujets canadiens. Soucieux des profondes différences culturelles qui distinguaient le Québec du reste de l'Amérique du Nord britannique, le Parlement de Westminster adopta en 1774 l'Acte de Québec, dans lequel il autorisait l'utilisation du droit civil français et le libre exercice de la religion catholique romaine. C'est cette loi que le Québec invoquera par la suite comme source légale première de ses revendications en faveur du maintien de la reconnaissance de la société distincte qu'il forme en Amérique du Nord.
À la suite de la Révolution américaine et de la venue au Canada de nombreux Loyalistes, l'Acte constitutionnel, en 1791, divisa le Québec en deux provinces, le Haut et le Bas-Canada, toutes deux dotées d'une assemblée élue. Ces deux assemblées permettaient pour la première fois aux Canadiens de se donner un gouvernement représentatif et de contrôler la levée de nouveaux impôts. Cependant, le pouvoir exécutif du gouvernement n'était aucunement comptable, devant l'assemblée élue, de ses politiques, programmes et activités, ce qui suscita avec le temps un profond mécontentement au sein des dirigeants élus.
En 1837 et 1838, des soulèvements secouèrent le Haut et le Bas-Canada et l'on réclama un régime de gouvernement responsable. Le gouvernement constitutionnel fut suspendu et lord Durham, dépêché au Canada afin d'y faire enquête sur la situation et de formuler des recommandations. Deux recommandations clés ressortent du Rapport Durham :
que le Haut et les Bas-Canada soient réunis en une seule union législative, que l'usage du français soit interdit et que l'on favorise l'assimilation de la population francophone par son pendant anglophone;
que soit établi un régime de gouvernement responsable.
Par l'Acte d'Union, en 1840, on tenta en vain de réaliser le premier objectif. Huit ans plus tard, anglophones et francophones étaient placés sur un pied d'égalité à toutes fins officielles. Même si le régime de gouvernement responsable n'était pas prévu dans l'Acte d'Union, ce second objectif fut atteint au Canada aux termes de la constitution «non écrite» -- soit les traditions, coutumes, usages et lois d'importance plus ou moins grande qui viennent presque inévitablement compléter la constitution écrite d'un État.
Le principe du gouvernement responsable, l'un des principaux éléments fondamentaux de la Constitution du Canada, ne se retrouve pas dans la constitution écrite, mais plutôt dans les coutumes établies et les précédents. Ce principe et diverses autres caractéristiques de la démocratie canadienne s'inspirèrent du modèle britannique de gouvernement qui, en raison de l'absence de constitution écrite officielle, demeure fondé sur les conventions constitutionnelles non écrites qui fournissent les assises de la démocratie parlementaire.
La formule de gouvernement responsable suppose un régime selon lequel les membres du Cabinet sont collectivement comptables à la Chambre élue des actions de l'exécutif. S'ils en perdent la confiance ou l'appui, ils doivent démissionner ou chercher à obtenir un nouveau mandat.
Le régime canadien de gouvernement parlementaire responsable tire ses origines des instructions données en 1846 par le Colonial Office aux gouverneurs de l'Amérique du Nord britannique. À la suite des élections générales tenues en Nouvelle-Écosse, l'assemblée se prononça par un vote de blâme contre le gouvernement le 25 janvier 1848. Le conseil exécutif démissionna deux jours plus tard et, le 28 janvier, J.B. Uniacke forma le premier gouvernement responsable en Amérique du Nord britannique.
Les coutumes et les précédents demeurent encore aujourd'hui le fondement du gouvernement responsable au Canada.
L'union législative des deux Canadas, en 1840, ne fut pas un système stable. Leur représentation égale au sein de l'assemblée élue ne reflétait pas fidèlement leurs différences du point de vue de la population, de la richesse, des contributions aux recettes de l'État et des besoins budgétaires. L'union législative existait bel et bien, mais elle devait régir deux sociétés fondamentalement différentes : le droit civil français s'appliquait dans le Canada-Est tandis que la common law britannique était pratiquée dans le Canada-Ouest; l'enseignement se faisait principalement en français et était surtout de confession catholique dans le Canada-Est tandis qu'il se faisait principalement en anglais et était surtout de confession protestante dans le Canada-Ouest.
D'entrée de jeu, la coexistence de deux régimes juridiques nécessita la nomination de deux procureurs généraux au sein du gouvernement. La dualité se traduisit également dans le fait que, pendant près des deux tiers de la durée de l'Union des deux Canada, même la charge de premier ministre fut partagée par un représentant de chacun des deux Canada, Est et Ouest (par exemple, Baldwin et Lafontaine, Cartier et Macdonald).
Dès les années 1850, diverses considérations culturelles, sociologiques, démographiques et politiques favorisèrent un relâchement de l'union de la manière suivante :
les questions litigieuses, telles que l'éducation, l'administration de la justice, la propriété et les droits civils, pouvaient être retirées à l'assemblée législative de l'union et confiées aux gouvernements locaux;
les grandes questions d'intérêt commun, comme le commerce, la défense et l'activité bancaire, pouvaient continuer de relever de l'autorité centrale.
Cependant, si certains facteurs laissaient entrevoir la nécessité de relâcher les liens de l'union, il y en avait d'autres qui plaidaient en faveur d'une autorité centrale forte :
le déclin du commerce du bois, la perte de la préférence impériale en Grande-Bretagne et celle de la réciprocité avec les Américains menacèrent le bien-être économique des colonies de l'Amérique du Nord britannique;
la guerre civile américaine encore récente avait montré la fragilité d'un régime fédéral décentralisé;
la présence de soldats américains démobilisés dans les États du Nord et les incursions répétées des Féniens en sol canadien ajoutèrent au débat un élément de crainte d'une intervention militaire;
l'élan principal vers le fédéralisme vint non pas de la volonté d'États séparés de renoncer à une partie de leur souveraineté en faveur d'une nouvelle union, mais plutôt de la nécessité d'adapter l'union existante.
Entre 1864 et 1867, les dirigeants politiques de la Province du Canada et des provinces de l'Atlantique se réunirent à Charlottetown, à Québec et, finalement, à Londres afin d'examiner la possibilité de créer une nouvelle union fédérale et d'en proposer les conditions d'établissement. Finalement, celles-ci ne furent discutées que par le Parlement de l'Union; les assemblées législatives de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick se bornèrent à se demander s'il y avait lieu d'envoyer des délégués à la Conférence de Londres, où les dernières négociations eurent lieu.
L'union fédérale qui vit le jour le 1er juillet 1867 était fortement centralisée, non seulement pour les raisons mentionnées ci-dessus, mais également parce que le gouvernement fédéral assumait certains des pouvoirs qui relevaient auparavant du Parlement britannique. La Constitution de 1867 prévoyait ce qui suit :
les lieutenants-gouverneurs des provinces étaient nommés et rémunérés par le gouvernement fédéral et pouvaient, à la demande de ce dernier, assujettir toute loi provinciale à l'approbation ou au rejet du gouverneur général en conseil;
le gouverneur général en conseil pouvait annuler ou désavouer toute toi provinciale dans un délai d'un an suivant réception du texte de la loi;
le gouvernement fédéral possédait des pouvoirs d'imposition illimités, tandis que les provinces devaient se contenter de lever des impôts directs à l'intérieur de leur territoire;
le Parlement pouvait déclarer d'intérêt général pour le Canada, ou pour deux ou plusieurs provinces, et donc faire relever de la compétence législative du Parlement, les ouvrages locaux, même si, ces structures étaient situées entièrement dans une province;
aux termes de l'article 91 de la Constitution, le gouvernement fédéral jouissait de plus de pouvoirs exclusifs que les fédérations existant aux États-Unis et en Suisse;
le gouvernement fédéral jouissait de pleins pouvoirs résiduels en raison de son habilitation à légiférer en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement du Canada, contrairement au modèle américain et, par la suite, au modèle australien selon lesquels les pouvoirs résiduels étaient attribués aux États.
L'autorité fédérale se trouva encore renforcée du fait que les sénateurs étaient nommés à vie par le gouverneur général en conseil, tandis qu'en 1867 leurs homologues américains étaient élus indirectement par les assemblées législatives des États qui les chargeaient de veiller à leurs intérêts au sein de la législature fédérale. De plus, la Constitution donna au Parlement l'autorité de créer une cour d'appel générale pour le Canada, la Cour suprême du Canada, créée par le Parlement en 1875, à qui il revient aujourd'hui de trancher en dernier ressort les différends constitutionnels entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral.
Néanmoins, même si le pacte de 1867 donna naissance à une fédération hautement centralisée, certaines parties de ce pacte reconnaissaient expressément le caractère distinctif du Québec dans le droit fil de la tradition de l'Acte de Québec de 1774 -- dont le statut officiel du français au Québec et le droit civil propre à cette province.
La Confédération même était une solution innovatrice aux grands problèmes constitutionnels et économiques de l'heure. Ainsi, le nouveau régime combinait le gouvernement parlementaire responsable et le fédéralisme d'une façon tout à fait originale, contrairement aux modèles américain ou suisse de fédération qui n'étaient pas parlementaires. Le modèle canadien a par la suite inspiré l'Australie et plusieurs autres fédérations.
L'évolution depuis la Confédération
Lorsque la colonie canadienne s'affranchit de la Grande-Bretagne, par suite de l'adoption en 1931 du Statut de Westminster, le gouvernement fédéral se vit conférer la compétence touchant les affaires extérieures du Canada et d'autres domaines relevant antérieurement du gouvernement britannique.
La répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement ne fut modifiée officiellement que quatre fois depuis 1867 :
en 1940 : attribution au Parlement de la compétence exclusive en matière d'assurance-chômage;
en 1951 : habilitation du Parlement à légiférer à l'égard des pensions de vieillesse, sous réserve de la primauté des provinces;
en 1964 : élargissement du pouvoir conféré au Parlement en matière de pensions de vieillesse de manière à englober les prestations supplémentaires, sous réserve de la primauté des provinces;
en 1982 : confirmation et renforcement des pouvoirs provinciaux touchant les richesses naturelles.
Il faut également mentionner que, même si la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés n'a amené la cession à Ottawa d'aucun domaine de compétence législative des provinces, ou vice versa, elle a imposé de nouvelles limites aux deux ordres de gouvernement. Exception faite de certains cas où la «clause nonobstant» permet de déroger à la Charte, les lois fédérales et provinciales doivent désormais y être conformes.
Les modifications apportées officiellement à la Constitution n'ont donc pas joué de rôle important dans le changement de l'équilibre des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Cependant, elles ne sont pas l'unique moyen d'infléchir cet équilibre. Les circonstances -- et la manière dont les gouvernements y font face -- peuvent en effet influer profondément, dans la pratique, sur l'importance des pouvoirs que chaque ordre de gouvernement peut exercer. Ainsi, dans les années 30, les bouleversements socio-économiques provoqués par la Dépression suscitèrent de nouvelles initiatives provinciales dans le domaine de la politique sociale. Durant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral exerça pleinement ses pouvoirs afin de diriger l'effort de guerre, et la fédération s'en retrouva de nouveau hautement centralisée.
La conscientisation sociale qui s'opéra à la suite de ce conflit suscita plus d'intérêt pour certains domaines de compétence provinciale, tels l'éducation, la santé et le bien-être social. L'intérêt pour les nouveaux programmes sociaux prit souvent naissance dans les provinces mêmes -- surtout en Saskatchewan. Mais le gouvernement fédéral y prit part lui aussi, utilisant parfois son pouvoir de dépenser pour verser à des établissements et à des particuliers des paiements directs touchant des domaines de compétence provinciale, et attribuer, par exemple, des subventions aux universités et des bourses aux étudiants qui les fréquentaient.
En 1957, certains critiques en vue du fédéralisme canadien s'élevèrent contre les subventions fédérales accordées aux universités, alléguant que ces paiements estompaient la ligne de démarcation des responsabilités politiques respectives des deux ordres de gouvernement : si les provinces détenaient la compétence exclusive en matière d'éducation, elles seules devaient déterminer le niveau de financement des universités par l'État, et elles seules devaient rendre compte à la population des décisions prises en la matière.
Le gouvernement fédéral utilisa encore son pouvoir de dépenser pour mettre sur pied des programmes nationaux cofinancés dans des domaines de compétence provinciale exclusive. Ainsi, il offrit sa participation financière aux provinces qui instaureraient des régimes d'assurance-maladie. Celles-ci détiendraient le pouvoir exclusif de passer les lois concernant ces régimes, de les réglementer et d'en fixer les normes. Pour sa part, le gouvernement fédéral verserait sa contribution financière uniquement si les régimes provinciaux satisfaisaient à certaines conditions ou normes : les régimes devraient être gérés par une autorité publique, être complets et être applicables et accessibles à tous, et cette accessibilité devrait être transférable quelle que soit la province de domicile des bénéficiaires. Selon certains critiques, de telles initiatives fédérales ont bouleversé les priorités des provinces et la responsabilité politique de l'action gouvernementale.
Le gouvernement fédéral instaura également un programme de péréquation à l'intention des provinces dont les recettes étaient inférieures à la moyenne de l'ensemble des provinces. Ces paiements inconditionnels visaient à améliorer la capacité budgétaire des provinces moins bien nanties de façon à leur permettre de fournir une gamme convenable de services publics sans devoir soumettre leurs habitants à un niveau de taxation trop élevé.
Ces nouvelles formes d'exercice du pouvoir de dépenser eurent des effets paradoxaux. D'une part, elles donnèrent lieu à une décentralisation fiscale plus poussée de la fédération. D'autre part, les conditions dont étaient assortis certains paiements de transfert renforcèrent les pouvoirs d'Ottawa en matière d'élaboration des politiques sociales.
Néanmoins, le gouvernement fédéral n'a pas utilisé pendant plusieurs années certains pouvoirs exceptionnels qui lui avaient été conférés en 1867 et qui lui permettaient de passer outre à la compétence des provinces. Ainsi, il n'a pas exercé ses pouvoirs de réserve et de désaveu depuis la Seconde Guerre mondiale, et il a rarement eu recours à son pouvoir déclaratoire à l'égard de nouvelles questions au cours des dernières années.
L'interprétation judiciaire, autre moyen de modifier l'équilibre des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement, mérite une attention spéciale.
L'interprétation juridique de la
Constitution
En interprétant les dispositions générales de la Constitution et en les appliquant à des différends particuliers, les tribunaux ont joué un rôle de premier plan dans l'adaptation de la Constitution aux conditions et idées nouvelles. En effet, pour reprendre l'expression d'un éminent constitutionnaliste, ils ont ainsi réussi à «parachever l'esquisse» de ce document.
Les décisions judiciaires ont, de façon incommensurable, façonné la Constitution et le pays.
Même si la Cour suprême du Canada a été créée en 1875, c'est le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres qui, jusqu'en 1949, était encore au Canada le tribunal de dernière instance.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982, la majorité des affaires constitutionnelles examinées par les tribunaux portaient sur les articles 91 et 92 et articles connexes de la Loi constitutionnelle de 1867, où sont énumérées et réparties les compétences gouvernementales du Parlement et des législatures provinciales.
Le Comité judiciaire était vivement conscient des revendications contradictoires des autorités centrales et provinciales du Canada, et de la nécessité de trouver un point d'équilibre entre ces deux ordres de gouvernement. L'héritage qu'il nous a laissé -- à savoir le principe que les gouvernements fédéral et provinciaux ont tous deux primauté dans les domaines respectifs où ils détiennent le pouvoir de légiférer -- est l'un des thèmes centraux de l'histoire canadienne.
Non seulement le Comité judiciaire s'est-il opposé aux tendances centralisatrices inscrites dans la Constitution, mais, au fil des ans, il a su façonner de manière fondamentale la répartition des pouvoirs dans la Constitution.
Le Comité a créé des précédents selon lesquels, par exemple, les principaux pouvoirs fédéraux, tels les pouvoirs «résiduels» et celui qui touche le commerce, ont été interprétés de façon stricte, et selon lesquels également la compétence des provinces touchant «la propriété et les droits civils», s'est vu attribuer une acception large, ce qui donnera naissance à toutes fins pratiques à un nouveau pouvoir résiduel.
En 1949, le Canada cessa d'en appeler au Comité judiciaire et la Cour suprême devint le tribunal de dernière instance.
Depuis 1949, la Cour suprême a présidé à un renforcement général des pouvoirs gouvernementaux aux niveaux tant fédéral que provincial à mesure que la société et l'économie canadiennes devenaient plus complexes et plus difficiles à gérer. Cependant, elle a pris soin de ne pas faire pencher indûment la balance des pouvoirs d'un côté ou de l'autre.
Si un gouvernement est insatisfait de la décision judiciaire concernant une affaire, quelle qu'elle soit, il peut tenter de faire modifier la Constitution, bien que ce ne soit pas une démarche facile. La Saskatchewan et l'Alberta ont cependant réussi, dans l'Accord de 1981, à faire modifier l'article 92 de manière à renforcer la compétence des provinces en matière de richesses naturelles en ce qui a trait aux impôts et aux exportations interprovinciales.
La Charte des droits, adoptée en 1982, a sensiblement élargi la portée de l'examen judiciaire au Canada. Maintenant, non seulement les lois d'un gouvernement doivent-elles relever de sa compétence législative, mais elles doivent en outre être conformes aux dispositions de la Charte.
Même si la Charte habilite davantage les tribunaux à prescrire, à la lumière des droits et libertés fondamentaux, des normes constitutionnelles régissant les rapports entre l'État et la société et, partant, à transformer la société canadienne, la Charte ne régit pas directement la répartition des pouvoirs entre Ottawa et les provinces, laquelle tombe encore le plus souvent sous les articles 91 à 95.
Le rapatriement, la formule de
modification et le renouvellement de la Constitution
Lorsque l'indépendance du Canada fut reconnue en principe, en 1926, dans le Rapport Balfour, les Canadiens se retrouvèrent devant la nécessité de mettre au point, à l'égard de la Constitution (alors une loi britannique), une formule de modification qui leur permettrait de la rapatrier et de veiller à son évolution future sans devoir faire appel à un Parlement étranger.
Avant 1968, on a toujours discuté de la formule de modification en elle-même -- en 1927, 1931, 1935-1936, 1950, 1960-1961, et 1964 -- sans faire de liens avec d'autres questions susceptibles d'être modifiées en profondeur. Finalement, ces discussions échouèrent toutes et les modifications formelles à la Constitution canadienne demeurèrent par conséquent soumises au pouvoir législatif britannique lorsque le Statut de Westminster fut adopté en 1931 et l'indépendance du Canada fut reconnue en droit.
En 1968, le Premier ministre du Canada et tous ses homologues provinciaux décidèrent d'amorcer, pour la première fois dans l'histoire du Canada, un vaste processus de renouvellement constitutionnel qui devait comprendre non seulement le rapatriement et une formule de modification, mais également des changements aux institutions nationales et à la répartition des pouvoirs, de même que la consécration des droits dans la Constitution.
À la Conférence de Victoria, en 1971, une série limitée de propositions firent l'objet d'une entente de principe, mais elles ne furent finalement pas adoptées et la Constitution demeura une loi britannique. Une tentative de moins grande envergure eut lieu en 1975-1976 en vue de procéder au rapatriement et d'établir du même coup une formule de modification, sans toutefois apporter de changements de fond à la Constitution; mais elle échoua, elle aussi.
En 1976, comme le Québec réclamait déjà depuis des années un renforcement des pouvoirs des provinces, l'élection du Parti Québécois, sur la base d'un programme préconisant que la province prenne de bonnes distances face au reste de la fédération canadienne, sembla rendre encore plus impérieux le renouvellement de la Constitution. Le gouvernement fédéral répondit en juin 1978 en publiant Le temps d'agir dans lequel il exposait sa vision du renouveau constitutionnel. Entre octobre 1978 et février 1979, les gouvernements s'employèrent activement à discuter d'un programme en douze points visant à modifier la Constitution, mais la Conférence des premiers ministres tenue en février aboutit encore une fois à une impasse : on ne s'était entendu sur aucun changement.
À la fin de 1979, le gouvernement du Parti Québécois publia sur le fédéralisme canadien un document dans lequel il réclamait une modification en profondeur des rapports entre le Québec et le Canada. Dans ce document, on ne préconise pas le retrait complet du Québec des institutions canadiennes, mais on prône plutôt l'établissement, entre Québec et Ottawa, d'un «partenariat» très souple appelé «souveraineté-association». On fixa au 20 mai 1980 la date d'un référendum visant à obtenir le mandat de négocier une telle entente. Le 14 mai, le Premier ministre du Canada promit aux Québécois un «fédéralisme renouvelé» s'ils votaient non au référendum.
«Je sais que je peux prendre l'engagement le plus solennel, déclara-t-il, qu'à la suite d'un non, nous allons mettre en marche immédiatement le mécanisme de renouvellement de la Constitution et nous n'arrêterons pas avant que ça soit fait.» Six jours plus tard, les Québécois décidaient de ne pas accorder à leur gouvernement le mandat sollicité.
Les résultats du référendum et l'engagement pris par le Premier ministre du Canada et par la majorité de ses homologues provinciaux au cours de la campagne référendaire suscitèrent des tentatives vigoureuses en vue de rapatrier la Constitution. Une série de réunions ministérielles fédérales-provinciales eurent lieu durant l'été en préparation de la Conférence des premiers ministres, tenue en septembre 1980.
Certaines des grandes questions discutées au cours des réunions de l'été reflétaient les priorités que le gouvernement fédéral s'était lui-même fixées : rapatriement de la Constitution assorti d'une formule de modification proprement canadienne, énoncé de principes, charte des droits, engagement constitutionnel à atténuer les inégalités économiques régionales (parfois appelé «péréquation»), et renforcement des pouvoirs fédéraux sur l'économie nationale.
D'autres difficultés surgirent du fait que les provinces réclamaient depuis longtemps un renforcement de leurs pouvoirs dans certains domaines : richesses naturelles, communications et radiodiffusion, droit de la famille, ressources marines et pêches. Les provinces réclamèrent également la réforme du Sénat et de la Cour suprême du Canada afin que ces institutions reflètent mieux le caractère fédéral du Canada.
Les priorités des provinces reprenaient des questions qui avaient été soulevées au cours des discussions de 1978-1979 et avaient une orientation similaire à celle des positions prises par l'Association du Barreau canadien (1978), par le groupe de travail Pepin-Robarts (1979) et par le Parti libéral du Québec dans son Livre beige (1980).
À la conférence de septembre, cependant, les premiers ministres ne purent faire l'unanimité sur aucun point. Aussi, le 6 octobre 1980, le gouvernement fédéral exprima-t-il son intention de rapatrier la Constitution de façon unilatérale, sans l'assentiment des premiers ministres provinciaux, en présentant à la Chambre une adresse commune à la Reine.
Huit provinces s'élevèrent immédiatement contre cette action unilatérale. Le Manitoba, le Québec et Terre-Neuve soumirent la question à leurs tribunaux, question que le gouvernement fédéral renvoya finalement à la Cour suprême du Canada. Le 28 septembre 1981, la Cour suprême du Canada statua qu'un rapatriement « unilatéral » de la Constitution étal légal, mais qu'un « degré appréciable » de consentement provincial était conventionnellement nécessaire pour que les rapports fédéraux-provinciaux puissent être modifiés en profondeur par une modification constitutionnelle demandée à la Grande-Bretagne.
Dans la foulée de la décision de la Cour suprême, le gouvernement fédéral convoqua une autre Conférence des premiers ministres pour le 2 novembre 1981. Ottawa et les provinces, à l'exception du Québec, arrêtèrent finalement un train de mesures de réforme constitutionnelle, comprenant entre autres le rapatriement de la Constitution assorti d'une formule de modification et d'une charte des droits, un engagement face au principe de la péréquation, le renforcement de la compétence des provinces à l'égard des richesses naturelles, et la reconnaissance et la confirmation des droits existants des peuples autochtones du Canada.
Cette entente représentait un compromis entre neuf provinces et le gouvernement fédéral. Ces provinces acceptaient en effet la proposition d'Ottawa d'adopter une charte des droits en échange du pouvoir de passer outre à certaines parties de celle-ci en invoquant la« clause nonobstant », et de l'inclusion d'une formule de modification mise au point par elles.
Cependant, le gouvernement du Québec demeura en dissidence, alléguant qu'il n'avait pas été tenu compte des revendications du Québec, qu'une entente avait été conclue à son insu et que le Premier ministre du Canada avait manqué à sa promesse de «renouveler le fédéralisme». Le 1er décembre 1981, l'Assemblée nationale adopta une résolution rejetant la formule de rapatriement. En effet, partout au Québec, nombreux furent ceux qui ressortirent meurtris de l'expérience du rapatriement qui les laissa avec un sentiment d'isolement.
Après la proclamation, le 17 avril, de la Loi constitutionnelle de 1982, la Cour suprême du Canada statua que le Québec ne possédait pas de droit de veto sur le rapatriement de la Constitution, ni en vertu d'une loi ni par convention. Par conséquent, le Québec était lié légalement par la Loi constitutionnelle de 1982.
Cependant, tant le gouvernement que l'Assemblée nationale du Québec refusaient d'accepter les conditions sur lesquelles le Premier ministre et les neuf premiers ministres provinciaux s'étaient entendus le 5 novembre 1981 pour le rapatriement et dénonçaient la légitimité politique de la Loi constitutionnelle de 1982 qui, en vertu de la Charte, réduisait les pouvoirs de l'Assemblée nationale sans l'assentiment de celle-ci. Pour signaler son rejet de la légitimité politique de la loi, le Québec entreprit d'invoquer la «clause nonobstant» (ou de retrait) de la Charte automatiquement et systématiquement dans toutes ses lois.
En mai 1985, le Parti Québécois rendit public son Projet d'accord constitutionnel qui comprenait 22 conditions à l'acceptation de la légitimité de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces conditions auraient modifié en profondeur la répartition constitutionnelle des pouvoirs et auraient soustrait le Québec à l'application de la plus grande partie de la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'y eut aucune discussion intergouvernementale sur cette proposition.
En décembre 1985, le Parti libéral du Québec fut porté au pouvoir et, quelques mois plus tard, exprima son désir de réintégrer le giron constitutionnel aux cinq conditions qui sont énoncées dans sa plate-forme politique intitulée Maîtriser l'avenir. Le nouveau gouvernement du Québec a également cessé d'invoquer automatiquement la « clause nonobstant » dans toutes ses nouvelles lois.
Le retour du Québec devint la priorité de tous les premiers ministres à leur réunion annuelle, tenue en août 1986, et ils s'entendirent pour approfondir davantage les discussions en novembre 1986. Le 30 avril 1987, au lac Meech, une entente de principe fut conclue sur une série de modifications et, le 3 juin de la même année, à l'édifice Langevin, les premiers ministres s'entendirent sur le texte juridique de l'entente. Les cinq principaux éléments de l'entente étaient les suivants : une clause d'interprétation constitutionnelle touchant la dualité linguistique du Canada et le caractère distinct du Québec, un droit de veto constitutionnel à toutes les provinces applicable aux questions institutionnelles, la participation des provinces à la nomination des juges de la Cour suprême, la compensation versée aux provinces qui exerçaient leur droit de retrait de tout nouveau programme national à frais partagés à certaines conditions et le renforcement des pouvoirs provinciaux en matière d'immigration.
Comme l'Accord du lac Meech comportait des modifications requérant une approbation unanime sur le plan législatif - aucun délai n'était prescrit à cet égard - de même que des modifications requérant l'autorisation du Parlement et des deux tiers des assemblées législatives représentant au moins 50 p. 100 de la population - auquel cas un délai de trois ans était prévu - il fut décidé
que la résolution constitutionnelle promulguant l'accord devait être adoptée par toutes les assemblées législatives ainsi que le Parlement;
qu'elle devait être ratifiée à l'unanimité dans une période maximale de trois ans.
Cependant, l'Accord du lac Meech ne put finalement être ratifié dans le délai de trois ans et avorta le 23 juin 1990.
L'Accord du lac Meech a échoué parce qu'il n'avait pas pu être adopté par les Assemblées législatives de Terre-Neuve et du Manitoba dans le délai de trois ans prévu. Même s'il avait été adopté par la Chambre des communes - à deux reprises - et par toutes les autres assemblées législatives provinciales, l'échec de l'Accord laissait chez beaucoup de Québécois francophones le sentiment d'avoir été «rejetés» par le Canada anglais. Le nationalisme battait son plein et, le 24 juin, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, les rues de Montréal grouillaient de drapeaux fleurdelisés.
Les sondages indiquaient que plus de 60 p. 100 des Québécois auraient voté en faveur de la souveraineté si un référendum avait été tenu à ce moment-là. Et les souverainiste ont réclamé justement la tenue immédiate d'un référendum.
Partout ailleurs au Canada, l'émotion était forte aussi. Dans certains milieux, on invitait le Québec à accepter d'être une province au même titre que les autres ou de se retirer - ce qui ne se ferait pas nécessairement dans les conditions les plus généreuses. Certains groupes ne dissimulaient pas non plus le ressentiment qu'ils éprouvaient d'avoir été exclus de la «ronde Québec» et voulaient que soient entendues et réglées leurs revendications constitutionnelles.
Face à cette situation, tous les gouvernements eurent recours à des mécanismes de consultation pour se faire une idée de l'opinion de la population, pour étendre la portée du débat, pour répondre aux préoccupations de la population canadienne et pour rétablir le calme. Le gouvernement fédéral créa le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada pour étudier les valeurs communes aux Canadiens et un comité mixte spécial, le Comité Beaudoin-Edwards, qu'il chargea d'examiner la formule de modification. Une Commission royale sur les peuples autochtones fut également établie.
Le 28 septembre 1991, le gouvernement du Canada publia Bâtir ensemble l'avenir du Canada, une série de propositions constitutionnelles très étendues portant, entre autres, sur les sujets suivants : l'identité canadienne, le caractère distinct du Québec, les peuples autochtones, la réforme des institutions nationales, l'union économique, la clarification de la répartition des pouvoirs, y compris le pouvoir de dépenser, pour mieux servir les Canadiens et la rationalisation des services gouvernementaux. Le gouvernement fédéral publia également, pour faciliter le débat public, une série de documents de fond sur les questions constitutionnelles.
Les propositions mises de l'avant dans Bâtir ensemble l'avenir du Canada furent confiées à un comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada - plus tard connu sous le nom de Comité Beaudoin-Dobbie. Le gouvernement du Canada convoqua une série de cinq conférences nationales pour discuter des divers aspects des propositions de renouvellement constitutionnel. En février 1992, après la dernière des cinq conférences, le Comité Beaudoin-Dobbie publia son rapport intitulé Un Canada renouvelé. Le rapport du Comité servit en partie de point de départ à des négociations multilatérales d'envergure entre le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux (y compris le Québec aux dernières phases des négociations), les gouvernements territoriaux et les représentants des peuples autochtones. Ces négociations, auxquelles participaient 17 délégations, débouchèrent sur un accord constitutionnel unanime à Charlottetown le 28 août 1992.
L'Accord de Charlottetown prévoyait le droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, la reconnaissance du caractère distinct du Québec, une clause Canada, un Sénat fondé sur le principe de la représentation égale, un droit de veto pour toutes les provinces sur toute réforme ultérieure des institutions à l'exception de la création de nouvelles provinces dans les territoires, le renforcement de l'autorité législative des provinces, un meilleur reflet de la représentation selon le chiffre de la population à la Chambre des communes et une garantie à perpétuité pour le Québec d'obtenir au moins 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes.
Les premiers ministres avaient également convenu à Charlottetown de tenir deux référendums le 26 octobre : un référendum fédéral dans tout le Canada, sauf au Québec, et un référendum au Québec, tenu par cette province. Pour des raisons d'ordre politique, les dirigeants avaient convenu que le oui devrait l'emporter dans toutes les provinces pour que l'accord soit adopté, même si la loi ne l'exigeait pas. Le 26 octobre, l'accord était rejeté par la majorité des Canadiens dans la majorité des provinces, y compris la majorité des Québécois et la majorité des Indiens vivant dans des réserves.
Cependant, les résultats obtenus étaient un pis-aller : les Québécois n'avaient pas été rejetés par le reste du Canada, le reste du Canada n'avait pas été rejeté par le Québec, et les peuples autochtones n'avaient pas non plus été rejetés. Ce climat contribua au calme qui suivit le référendum, calme qui contrastait avec ce qui s'était passé après l'échec de l'Accord du lac Meech.
Modifications proclamées depuis 1982
Les échecs frappants qu'ont connus les tentatives de modifier la Constitution en vertu des Accords du lac Meech et de Charlottetown ont peut-être donné l'impression qu'il est impossible de modifier la Constitution. Mais ce n'est pas le cas. D'ailleurs, depuis l'adoption de la formule de modification en 1982, sept modifications y ont été apportées par proclamation.
La première, dite « Proclamation de 1983 modifiant la Constitution », a pris effet en 1984 et avait trait aux droits des Autochtones. La deuxième, intitulée « Modification constitutionnelle de 1987 (Loi sur Terre-Neuve) », portait sur l'inscription dans la Constitution des droits des écoles confessionnelles des Assemblées de la Pentecôte à Terre-Neuve. La troisième, dite « Modification constitutionnelle de 1993 (Nouveau-Brunswick) », a consacré l'égalité des communautés francophone et anglophone du Nouveau-Brunswick. La quatrième, intitulée « Modification constitutionnelle de 1994 (Île-du-Prince-Édouard) », a dégagé le Canada de l'obligation d'assurer un service de bateau à vapeur à l'Île-du-Prince-Édouard une fois que serait achevée la construction d'un « raccordement permanent » entre l'île et le Nouveau-Brunswick. La cinquième, désignée « Modification constitutionnelle de 1997 (Loi de Terre-Neuve) », a élargi les pouvoirs de la législature de Terre-Neuve en matière d'organisation et d'administration du système provincial d'écoles confessionnelles. La sixième, dite « Modification constitutionnelle de 1997 (Québec) », a dégagé le Québec de l'obligation d'offrir des écoles confessionnelles, facilitant ainsi l'établissement d'un système scolaire linguistique. La septième, « Modification constitutionnelle de 1998 (Terre-Neuve) », a dégagé la province de l'obligation d'offrir des écoles confessionnelles, lui permettant ainsi de moderniser son système scolaire. La huitième modifie la Loi sur Terre-Neuve de 1949. Le terme province de Terre-Neuve est remplacé par celui de Terre-Neuve et Labrador.
Évolution récente sans modification
constitutionnelle
En plus des modifications constitutionnelles formelles, la fédération canadienne a connu une évolution graduelle grâce à une réforme non constitutionnelle. Certains de ces changements font suite à des promesses faites par le Premier ministre Jean Chrétien aux Québécois dans un discours prononcé à Verdun le 24 octobre 1995, lorsque la campagne référendaire du Québec sur la souveraineté tirait à sa fin. Le Premier ministre avait promis de reconnaître le Québec comme société distincte au sein du Canada, de n'apporter aucune modification constitutionnelle touchant le Québec sans l'assentiment de celui-ci et de prendre des décisions et d'offrir des services qui répondent davantage aux besoins des citoyens.
Le référendum du Québec s'est déroulé le 30 octobre 1995, et le mandat pour la souveraineté a été rejeté par un vote de 50,6 p. 100 pour le non contre 49,4 p. 100 pour le oui.
En décembre 1995, à la suite du référendum, la Chambre des communes et le Sénat ont adopté une résolution reconnaissant que le Québec est une société distincte au sein du Canada. Plus précisément, la résolution proclamait le caractère distinct du Québec de par sa culture, sa tradition de droit civil et sa majorité francophone. En vertu de la résolution, la Chambre des communes et le Sénat « s'engagent à se laisser guider par cette réalité » et « incitent tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif (du gouvernement du Canada) à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence. »
En outre, une forme de droit de veto fut accordée au Québec sur toute modification constitutionnelle. Le 2 février 1996, le projet de loi C-110, la loi sur les vetos régionaux, est entrée en vigueur. Le projet de loi stipule que le gouvernement du Canada ne peut déposer au Parlement une motion de résolution autorisant une modification de la Constitution que si le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique, les Prairies et la région de l'Atlantique y ont préalablement consenti.
Dans le discours du Trône du 27 février 1996, le gouvernement fédéral a consenti à un troisième élément d'évolution non constitutionnelle en s'engageant à ne pas utiliser son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes cofinancés dans des domaines de compétence provinciale exclusive sans le consentement de la majorité des provinces. Le gouvernement fédéral a promis que tout nouveau programme serait conçu de telle sorte que les provinces qui s'en dissocieraient seraient indemnisées, à condition qu'elles adoptent un programme équivalent ou comparable.
Le gouvernement fédéral s'est aussi efforcé de clarifier son rôle par rapport aux provinces dans des secteurs comme les mines, les forêts, les loisirs, le logement social, le tourisme et la formation de la main-d'oeuvre.
En outre, le discours du Trône de 1996 proposait une nouvelle approche en matière de mesures touchant la main-d'oeuvre selon lesquelles chaque ordre de gouvernement assumerait ses responsabilités de la façon la plus efficace possible. Depuis, des ententes sur la main-d'oeuvre ont été conclues avec neuf provinces, dont le Québec, et deux territoires.
Le gouvernement du Canada est toujours déterminé à moderniser la fédération et à travailler en partenariat avec les provinces. C'est pourquoi il a adhéré au souhait des provinces de donner suite à la déclaration de Calgary, qui poursuit le travail accompli après le référendum du Québec de 1995. Le gouvernement fédéral estime qu'une telle démarche de collaboration renforcera l'unité nationale et contribuera à la reconnaissance pleine et entière de la diversité du Canada, y compris du caractère unique du Québec.
(Texte préparé par les Affaires intergouvernementales, Bureau du Conseil
privé)
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