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La polygamie au Canada : conséquences juridiques et sociales pour les femmes et les enfants – Recueil de rapports de recherche en matière de politiques

Examen international de la polygamie : répercussions juridiques et politiques pour le Canada


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1. CONTEXTE DE LA CONTROVERSE ENTOURANT LA POLYGAMIE AU CANADA

Objet et portée de l'étude

Les craintes et les controverses concernant la polygamie dans le monde entier ne cessent de croître. Dans de nombreux pays où la polygamie se pratique traditionnellement, on a pu constater un mouvement accru préconisant l'abolition ou la restriction de la polygamie afin de protéger les femmes contre les mauvais traitements et de promouvoir l'égalité entre les sexes; la pratique de la polygamie demeure profondément patriarcale, tout en reflétant et renforçant l'inégalité entre les sexes. Un certain nombre de pays occidentaux ayant une tradition de monogamie sont maintenant confrontés à un autre problème, étant donné que les populations immigrantes de plus en plus nombreuses en provenance de l'Asie et de l'Afrique ont aussi apporté avec elles leurs attitudes et leurs pratiques concernant la vie familiale, dont la polygamie. Aux États-Unis, la pratique de la polygamie et d'autres formes de violence envers les femmes et les enfants par les dirigeants des groupes de mormons fondamentalistes dans certains États de l'Ouest suscitent de plus en plus d'inquiétude, même si ce groupe religieux pratique la polygamie depuis plus de 100 ans.

Au Canada, la question de la polygamie est de plus en plus inquiétante et controversée pour un certain nombre de raisons associées aux événements survenus dans d'autres pays, ainsi qu'à quelques événements qui sont typiquement canadiens. L'exemple dont on a le plus entendu parler est celui de la polygamie qui est pratiquée par un groupe de mormons fondamentalistes dans la région de Bountiful, en Colombie-Britannique. Même si ce groupe pratique la polygamie au Canada depuis plus de 50 ans, le problème n'a retenu l'attention qu'au cours des 15 dernières années, lorsque d'anciens membres de la communauté ont soulevé des préoccupations au sujet de la pratique de la polygamie et des mauvais traitements qui avaient cours dans la communauté. En raison de l'incertitude concernant la constitutionnalité des lois du Canada interdisant la polygamie et des préoccupations relatives à la manière de faire respecter la loi, les autorités de la Colombie-Britannique ont hésité à agir. Des familles immigrantes, principalement des musulmans, pratiqueraient également la polygamie au Canada, et cela soulève certaines questions sur la manière dont la politique d'immigration devrait prendre en compte la polygamie. En outre, dans le débat concernant la redéfinition du mariage pour que les conjoints de même sexe soient inclus, certains ont également voulu inclure la polygamie dans la définition du mariage au Canada. On a soutenu que l'inclusion des conjoints de même sexe dans le mariage est, du moins dans le passé, sans grand précédent, mais que la polygamie est pratiquée depuis déjà longtemps, et ce à une grande échelle, dans de nombreux pays.

Comme les craintes et les controverses entourant la polygamie ne cessent de croître, il est normal que Condition féminine Canada demande que des études soient menées à ce propos afin d'informer les politiciens, les intervenants et le grand public et de façonner la politique gouvernementale. Ce document fait partie d'une série de quatre documents rédigés dans le cadre du contrat établi par Condition féminine Canada et portant sur les questions liées à la polygamie. Il se propose de situer la controverse actuelle au Canada dans un contexte international plus général, en examinant les ouvrages publiés en sciences sociales et l'évolution de la procédure dans d'autres pays et en établissant un rapport entre cette documentation internationale et la situation prévalant dans notre pays.

Le chapitre 1 introduit l'étude sur la polygamie et en établit le contexte. Le chapitre 2 évalue les ouvrages publiés sur les sciences sociales et les comptes rendus médiatiques traitant des effets de la polygamie sur les femmes et les enfants au Canada et dans d'autres pays. Quant au chapitre 3, il fait le résumé des questions de droit qui ont été soulevées dans d'autres pays en ce qui concerne la polygamie, l'accent étant mis sur les pays dont le système judiciaire ressemble le plus au nôtre. Le chapitre 4 présente les questions d'ordre juridique et les enjeux politiques actuels concernant la polygamie au Canada. Finalement, le chapitre 5 se penche sur la manière dont l'information et les événements survenus dans d'autres pays font la lumière sur les controverses ayant cours actuellement au Canada, et il offre une analyse juridique et des recommandations d'ordre politique à l'intention de notre pays.

Il est important de mentionner les limites de notre étude. Nous avons disposé de très peu de temps pour organiser et effectuer les recherches nécessaires et pour terminer les étapes de l'analyse et de la rédaction. La documentation internationale portant sur certains aspects de la polygamie est très vaste, surtout en ce qui concerne ses origines historiques et les comptes rendus des personnes qui la pratiquent, et nous n'avons pu l'examiner en entier. En outre, même si nous avons eu des contacts informels avec des personnes qui s'inquiètent de la polygamie qui est pratiquée à Bountiful et avec des personnes qui l'appuient, ainsi qu'avec le milieu professionnel au Canada qui a fait l'expérience de la polygamie, nous n'avons pas procédé nous-mêmes à des recherches inductives systémiques. L'une des principales recommandations vise la nécessité de poursuivre les recherches sur la pratique de la polygamie au Canada et dans les autres pays, étant donné que la documentation actuelle et les rapports publiés qui en traitent présentent d'importantes lacunes.

La polygamie mise en contexte : aperçu historique

Sur le plan social, religieux et juridique, l'histoire de la polygamie remonte à très loin. En effet, l'Ancien Testament et la Bible en font mention, la polygamie ayant été pratiquée par Abraham, David, Salomon et bien d'autres personnages. Le Coran aussi accepte la pratique de la polygamie, quoiqu'il ne l'exige pas comme moyen de subvenir aux besoins des veuves et des orphelins. « Il est permis d'épouser deux, trois ou quatre femmes qui vous plaisent, mais si vous craignez de n'être pas justes avec celles-ci, alors une seule. Cela afin de ne pas faire d'injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille). » (4:3). Le Coran reconnaît également les défis que pose le mariage polygame. « Vous ne pourrez jamais être équitables entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux. » (4:129). Dans les sociétés agraires ou de chasse primitive où le taux de mortalité des hommes était élevé, surtout en raison des guerres, et où le soutien économique n'était accordé qu'aux membres du ménage, la polygamie a servi à plusieurs fonctions sociales utiles. La pratique de la polygamie était grandement répandue, surtout en Asie et en Afrique, mais aussi parmi les peuples autochtones de l'Amérique du Nord.

Bien que la polygamie ait été pratiquée par quelques-uns des premiers chrétiens et qu'elle continue de l'être par certains chrétiens, l'église chrétienne des premiers temps l'a rejetée parce qu'elle ne se conformait pas à l'idéal du mariage correspondant à un partenariat d'égaux fondé sur l'amour.

Même si les mariages polygames sont juridiquement reconnus dans bien des pays, vu l'acceptation de plus en plus croissante du principe de l'égalité entre les sexes, nous avons pu constater une nette tendance, au cours du dernier siècle, à l'interdiction de la polygamie. Cette question est traitée plus à fond au chapitre 3. Les sociétés qui promulguent des lois visant à interdire la pratique de la polygamie reconnaissent toutefois le besoin de protéger les plus vulnérables et, par exemple, interdisent le mariage polygame à compter d'une date en particulier, tout en accordant les pleins droits que confère l'état matrimonial aux personnes ayant contracté un mariage polygame avant la date fixée.

La polygamie au Canada : introduction

Jusqu'au récent débat entourant le mariage entre personnes de même sexe, la définition acceptée du mariage au Canada était fondée sur une décision rendue dans une affaire britannique en 1866, soit l'arrêt Hyde c. Hyde1 qui définit le mariage comme étant uniquement et exclusivement l'union volontaire d'un homme et d'une femme.

Personne ne peut contracter un mariage polygame valable au Canada, et depuis 1892, contracter un mariage polygame ou vivre dans une union polygame au Canada constitue un acte criminel. Toutefois, on n'a signalé que deux cas de poursuite pour polygamie, et ces poursuites qui ont eu lieu il y a environ 100 ans se rapportaient aux peuples autochtones. En 1985, la Commission de réforme du droit du Canada a proposé que les dispositions du Code criminel relatives à la polygamie soient abrogées, puisqu'elle a conclu que la polygamie est une pratique marginale qui ne correspond à aucune réalité juridique ou sociologique significative au Canada (CRD, 1985 : 23). Depuis cette époque, toutefois, on est beaucoup plus sensibilisé au nombre de personnes faisant partie d'une famille polygame au Canada, nombre apparemment à la hausse en raison de l'immigration et du taux de natalité élevé découlant de la polygamie. De plus, une grande partie des travaux de recherche portant sur la polygamie et ses effets négatifs sur les femmes et les enfants n'ont été publiés qu'au cours des deux dernières décennies.

On estime que le nombre de mormons fondamentalistes vivant dans une union polygame dans la région de Bountiful, en Colombie-Britannique, et dans certains régions avoisinantes de l'Alberta, s'élève à environ 1 000. Bien que des enquêtes policières aient été menées sur la polygamie et que des allégations de mauvais traitements aient été faites dans cette communauté, aucune poursuite n'a été entamée pour polygamie, parce qu'on se préoccupe en partie du moins de la validité constitutionnelle des lois du Canada régissant la polygamie. Comme il en est question au chapitre 3, il est important de noter que les lois des États-Unis sur la polygamie ont systématiquement résisté aux contestations constitutionnelles, tandis que la loi du Canada n'a toujours pas fait l'objet d'une contestation fondée sur la constitution devant les tribunaux.

Dans les années 1980, le mariage musulman polygame est devenu un grand sujet de préoccupation en Europe de l'Ouest. Au Canada, aucune mention n'est faite dans la documentation de la pratique de la polygamie chez les musulmans. Cependant, lorsque cette question est soulevée dans les comptes rendus médiatiques, on y parle vaguement d'un nombre peu élevé de musulmans pratiquant la polygamie au Canada, et les conversations que nous avons eues avec le milieu professionnel confirment que l'Ontario compte effectivement des familles musulmanes polygames. Des cas documentés font état du problème que les mariages musulmans polygames posent dans le contexte de l'immigration au Canada. Bien que les parties à un mariage polygame ne soient pas admissibles à titre de « conjoint » en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de 2001, on a signalé des cas où des musulmans ou des mormons fondamentalistes ayant contracté de telles unions ont tenté d'entrer au Canada ou y sont effectivement entrés en vertu d'autres catégories d'immigrants.

Même si le nombre réel de mariages polygames au Canada n'est pas connu, ces mariages demeurent une réalité. Afin de ne pas porter préjudice aux personnes qui sont déjà dans une position vulnérable, soient les épouses multiples et leurs enfants, l'Ontario accorde aux mariages polygames qui ont été contractés valablement à l'étranger une reconnaissance juridique limitée. En vertu de la loi provinciale de l'Ontario, la définition de « conjoint » aux fins de séparation et du droit successoral comprend les parties à un mariage polygame, si le mariage est valable dans le pays étranger dans lequel il a été célébré. En outre, il est tout probable qu'une femme qui vit dans une union polygame au Canada puisse faire une demande de pension alimentaire et d'allégement foncier au même titre que les conjoints de fait ordinaires en se fondant sur le principe de la fiducie par interprétation.

Questions liées aux sciences sociales : les effets de la polygamie sur les femmes et les enfants

Une des questions fondamentales dont devrait tenir compte le Canada pour déterminer son approche en matière de polygamie porte sur les répercussions d'ordre social, psychologique et physique que cette pratique peut avoir sur les femmes et les enfants. L'examen de la documentation internationale en sciences sociales que nous avons effectué porte sur les questions suivantes.

  • Quels sont les effets sur la santé ainsi que les effets sociaux, économiques et psychologiques d'une relation polygame chez les femmes? Quelle est l'incidence politique de cette information pour le Canada?

  • Les relations polygames favorisent-elles l'inégalité entre les femmes et les hommes?

  • Quels sont les effets sur la santé ainsi que les effets sociaux, économiques et psychologiques d'une relation polygame chez les enfants? Quelle est l'incidence politique de cette information pour le Canada?
Trois grandes questions juridiques bien distinctes, quoique connexes

Ce document aborde trois grandes questions juridiques associées au traitement accordé aux mariages polygames au Canada, à savoir la liberté de religion, le multiculturalisme et le respect de la loi.

La première question porte sur l'étendue du droit à la liberté de religion. Bien que les individus aient la liberté de croyance religieuse quelle qu'elle soit, la tolérance, ou l'intolérance, du Canada à l'égard des pratiques des minorités religieuses qui entrent en conflit avec les croyances de l'ensemble du pays et qui produisent des effets négatifs importants chez les femmes et les enfants suscite une certaine controverse. La polygamie pose un grave problème : les enfants issus de ces communautés sont endoctrinés d'une croyance dans la polygamie dès la naissance au lieu d'avoir la liberté de choisir par eux-mêmes la pratique de la polygamie. Plus particulièrement, on a qualifié les groupes de mormons fondamentalistes de « sectes » dans lesquels les enfants sont élevés au sein d'une communauté extrêmement isolée qui façonne leur perception entière du monde. Cet isolement peut les empêcher de prendre des décisions pleinement éclairées sur leurs propres vies. Ainsi, si les Canadiennes et les Canadiens viennent à tolérer la polygamie, ils devront sans doute la réglementer.

Deuxièmement, on doit déterminer si le Canada, en tant qu'État multiculturel, doit reconnaître et réglementer des pratiques telles que la polygamie, qui sont acceptables par les groupes immigrants dans leurs pays d'origine, mais qui sont contraires au comportement traditionnellement canadien. Cette question a déjà été soulevée dans d'autres contextes. Les mariages arrangés, par exemple, sont courants dans les communautés de l'Asie du Sud et cette pratique a été acceptée au Canada, pourvu qu'il y ait un véritable consentement au mariage. En revanche, la mutilation des organes génitaux féminins n'est pas acceptée, même s'il est possible qu'elle se poursuive au Canada. On ne s'entend pas sur la question de l'autorisation de l'arbitrage en droit de la famille, ou charia, ainsi que sur la polygamie. Tout comme la polygamie d'ailleurs, la charia fait l'objet de nombreux débats contemporains.

Troisièmement, on doit déterminer comment les lois canadiennes actuelles qui interdisent la polygamie doivent être appliquées. Les lois sur la polygamie visent à améliorer la condition des femmes et des enfants et à empêcher une pratique qui est associée aux torts importants qui leur sont causés. Cependant, l'application à la lettre de ces lois peut produire des effets négatifs sur les personnes les plus vulnérables d'une union polygame, soit les femmes et les enfants. Les enjeux entourant l'application des lois sont rendus encore plus complexes puisque les femmes qui vivent dans une union polygame, ainsi que leurs enfants, ne se perçoivent généralement pas comme des « victimes » et résistent à l'ingérence de l'État dans leur vie familiale.



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Mise à jour : 2005-12-19
Contenu revu : 2005-12-19
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