CMAJ/JAMC Special supplement
Supplément spécial

 

Guides de pratique clinique pour la prise en charge et le traitement du cancer du sein

4. Évidement axillaire

Le Comité directeur des guides de pratique clinique pour la prise en charge et le traitement du cancer du sein

Ce guide a fait l'objet d'un examen par les pairs.


Résumé

Objectif : Fournir aux patientes atteintes d'un cancer du sein (stades I et II) et à leurs médecins l'information dont ils ont besoin pour décider de l'indication d'un évidement axillaire.

Options : Aucune chirurgie axillaire; exérèse complète de tous les ganglions axillaires; exérèse des ganglions de niveaux 1 et 2; prélèvement d'échantillons axillaires.

Résultats : Classification exacte par stade permettant de prendre des décisions thérapeutiques plus éclairées; réduction des récidives ganglionnaires axillaires; amélioration de la survie.

Preuves : Revue systématique de la littérature de langue anglaise dans les bases de données MEDLINE et CANCERLIT jusqu'en septembre 1996 et recension non systématique jusqu'en juin 1997. La qualité des preuves est exprimée sous forme de niveaux.

Avantages : Traitement optimal, avec durée maximale de survie et taux minimal de récidive locale.

Inconvénients : Augmentation de la morbidité postopératoire.

Recommandations :

  • L'exérèse et l'examen pathologique des ganglions axillaires devraient constituer l'intervention type dans les cas de cancer du sein primaire invasif.
  • Pour bien établir le stade d'évolution de la tumeur et réduire le risque de récidive ganglionnaire axillaire, les ganglions de niveau 1 et de niveau 2 devraient être enlevés.
  • Les patientes devraient être parfaitement informées de la fréquence et de la gravité des complications éventuelles de l'évidement axillaire.
  • L'irradiation axillaire est à prescrire avec prudence après l'évidement axillaire.
  • On peut songer à omettre l'évidement axillaire lorsque la patiente présente très peu ou pas de risque d'envahissement axillaire métastatique ou si la connaissance de l'état ganglionnaire n'influera pas sur le traitement.
  • Il importe d'offrir aux patientes l'occasion de participer à des études cliniques, lorsque c'est possible.

Validation : Les premières versions du guide ont été revues et révisées successivement par un comité de rédaction, par des lecteurs principaux experts, par des lecteurs secondaires choisis dans toutes les régions du Canada ainsi que par le Comité directeur. Le document final est le fruit d'un consensus parmi tous ces collaborateurs.

Commanditaire : Le Comité directeur des guides de pratique clinique pour la prise en charge et le traitement du cancer du sein a été constitué par Santé Canada.

Complété : Le 1er juillet 1997


L'utilité et l'étendue de l'évidement ganglionnaire axillaire pratiqué dans le cadre d'un traitement chirurgical du cancer du sein n'ont pas encore été complètement établies. L'exérèse de ces ganglions fournit d'importants renseignements pour établir le stade du cancer et, en plus, réduit le taux de récidive ganglionnaire axillaire. Malheureusement, l'évidement axillaire peut être associé à une importante morbidité à long terme. Avant de décider s'il faut enlever les ganglions axillaires et s'il faut réaliser un évidement étendu ou non, il faut bien soupeser les avantages et les coûts éventuels sur le plan de la santé.

Le présent guide se veut une synthèse des renseignements disponibles et vise à aider les patientes et leurs médecins à prendre ces décisions. Les données utilisées proviennent d'études comparatives randomisées ou d'études de cohortes et, lorsque nous ne disposions pas de ce type de données, nous nous en sommes remis à l'opinion d'experts. Les preuves sont classées en cinq niveaux.

Méthode

Pour retracer les publications en langue anglaise sur le sujet, nous avons consulté systématiquement les bases de données MEDLINE (1980 à septembre 1996) et CANCERLIT (1983 à septembre 1996) en utilisant les mots clés suivants : breast cancer, axillary nodes, axillary dissection, axillary recurrence. Une récension non systématique de la littérature a été prolongée jusqu'en juin 1997. Deux ébauches du guide rédigées par les auteurs ont été fusionnées par un comité de rédaction composé de cinq membres du Comité directeur. Le document a fait l'objet de révisions successives, tout d'abord par quatre lecteurs principaux experts, puis par tous les membres du Comité directeur. L'ébauche de la version finale a ensuite été examinée par des lecteurs secondaires de partout au Canada, notamment des oncologues (chirurgiens, radiologistes et médecins), des femmes atteintes d'un cancer du sein, des infirmières et des médecins de famille. Tous les changements ont été pris en considération par les auteurs de la version initiale. Le document final approuvé par le Comité directeur est le fruit d'un consensus parmi tous ces collaborateurs.

Recommandations

  • L'exérèse et l'examen pathologique des ganglions axillaires devraient constituer l'intervention type dans les cas de cancer du sein primaire invasif.

  • Pour bien établir le stade d'évolution de la tumeur et réduire le risque de récidive ganglionnaire axillaire, les ganglions de niveau 1 et de niveau 2 devraient être enlevés.

L'exérèse et l'examen pathologique des ganglions axillaires ont depuis longtemps constitué le traitement type chez les patientes atteintes d'un cancer du sein opérable. La conférence de concertation sur le cancer du sein primaire des National Institutes of Health américains1, la première conférence nationale australienne sur le cancer du sein2 ainsi que deux provinces canadiennes qui ont publié des lignes directrices pour le traitement du cancer, ont recommandé la poursuite de ce type de traitement3,4 (preuves de niveau IV). La principale raison expliquant cet important consensus en faveur de l'évidement axillaire est qu'il permet d'établir le stade du cancer et qu'il fournit des données pronostiques qui orientent le choix du traitement systémique adjuvant. Il contribue en outre à réduire les taux de récidive axillaire.

Évidement axillaire et détermination du stade

La présence ou l'absence d'envahissement ganglionnaire axillaire demeure le principal facteur pronostique dans le cas des patientes porteuses d'un cancer primitif du sein invasif5.

Dans deux importantes séries de cas de cancer du sein ayant fait l'objet d'un suivi, on a observé une relation manifeste entre, d'une part, la présence ou l'absence d'envahissement ganglionnaire axillaire et le nombre de ganglions touchés et, d'autre part, la survie des patientes (preuves de niveau III)6,7. Malheureusement, l'examen clinique ne peut à lui seul permettre d'estimer de façon précise l'envahissement ganglionnaire.

On ne peut déterminer avec exactitude l'état des ganglions lymphatiques axillaires qu'en procédant à leur exérèse et à leur examen histologique (preuves de niveau III).

L'examen clinique des ganglions axillaires est une méthode fondamentalement inexacte. Dans l'étude B-04 du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP), 27 % des patientes chez qui l'on soupçonnait la présence de métastases axillaires sur la foi des données cliniques ne présentaient aucun envahissement ganglionnaire. Parallèlement, 39 % des patientes dont les ganglions axillaires étaient, croyait-on, indemnes étaient en fait porteuses de métastases (preuves de niveau III)8. Il est essentiel de connaître l'état des ganglions et l'importance de l'envahissement ganglionnaire pour être en mesure de choisir le traitement adjuvant indiqué (voir guides nos 7 et 8); c'est pourquoi il faut envisager l'évidement axillaire.

Si l'on s'entend sur la nécessité d'effectuer une exérèse des ganglions axillaires afin d'établir le stade de la tumeur, les opinions sont plus partagées quant au nombre de ganglions à enlever. Dans l'étude B-04, on en est arrivé à la conclusion que l'état qualitatif des ganglions (envahis ou non envahis) peut être déterminé avec exactitude si l'on enlève seulement de trois à cinq ganglions. L'estimation quantitative de l'état ganglionnaire (un à trois ganglions envahis ou plus) est cependant plus fiable si l'on pratique l'exérèse de dix ganglions (preuves de niveau III)8. Cette conclusion est corroborée par une étude comportant l'établissement d'un modèle mathématique à partir des résultats de 1446 évidements axillaires et par les observations du Danish Breast Cancer Cooperative Group9,10.

Les ganglions axillaires sont situés sur trois niveaux ou étages, définis par rapport au muscle petit pectoral11,12. Les ganglions du niveau 1 se trouvent sur ou au-dessous du bord externe du petit pectoral. Ces ganglions reçoivent la majeure partie du drainage lymphatique du sein. Les ganglions de niveau 2 sont situés sous le petit pectoral et reçoivent le drainage du niveau 1 et également un peu de lymphe directement du sein. Les ganglions de niveau 3 se trouvent à l'interne du petit pectoral dans la fosse sous-claviculaire. Ils reçoivent le drainage des deux autres niveaux de ganglions mais aussi directement de la partie supérieure du sein.

Lorsqu'un cancer se développe dans le sein, les ganglions axillaires sont habituellement envahis de façon séquentielle, tout d'abord ceux de niveau 1, puis ceux de niveau 2 et enfin ceux de niveau 3. Une atteinte isolée des ganglions des niveaux 2 ou 3 est cependant possible («envahissement non séquentiel»). L'envahissement exclusif des ganglions de niveau 3 est rare, survenant chez moins de 3 % des patientes. Dans une étude, on a observé la présence d'un envahissement des ganglions de niveau 2 sans envahissement des ganglions de niveau 1 dans jusqu'à 25 % des cas où cet aspect avait été examiné13. Par contre, dans l'étude de Milan portant sur 539 patientes porteuses d'un carcinome du sein qui avaient fait l'objet d'un évidement axillaire complet, seuls les ganglions de niveau 1 étaient envahis dans 58 % des cas, les ganglions de niveaux 1 et 2 étaient atteints dans 22 % des cas et les ganglions des trois niveaux dans 16 % des cas; seulement 4 % des patientes présentaient une distribution non séquentielle14. Pour ces raisons, la pratique courante consiste à enlever tous les ganglions des niveaux 1 et 2. Il est rare qu'un tel évidement partiel cause un important lymphœdème15 et cette intervention est recommandée par les deux conférences de concertation et les deux guides déjà mentionnés (preuves de niveau IV)1-4,15. L'exérèse des ganglions de niveau 3 s'accompagne d'une plus grande morbidité et fournit rarement d'ailleurs des informations additionnelles utiles16.

L'évidement des ganglions des niveaux 1 et 2 comporte habituellement l'exérèse de dix ganglions ou plus, ce qui est suffisant pour établir exactement le stade d'évolution du cancer du sein dans environ 97 % des cas12,17. En revanche, l'évidement limité aux ganglions du niveau 1 peut être inadéquat pour déterminer le stade du cancer chez une proportion importante des patientes, qui peut atteindre 25 % (preuves de niveau III)12. Il convient ainsi de revoir les techniques chirurgicales et anatomo-pathologiques si l'on enlève régulièrement moins de dix ganglions (preuves de niveau V).

De nouvelles techniques de cartographie lymphatique semblent prometteuses. Elles font appel à des marqueurs, tels le colorant vital bleu et le soufre colloïde marqué au technétium, pour identifier un ganglion sentinelle qui draine la lymphe de la zone tumorale18,19. Par exemple, dans une étude portant sur 62 patientes, on a réussi à identifier le ganglion sentinelle dans 92 % des cas, et ce dernier était envahi dans tous les cas de cancer métastatique. Aucun cas de métastase limitée aux étages supérieurs n'a été détecté20. Si ces résultats sont confirmés, il se peut que, dans l'avenir, on puisse éviter un nombre considérable d'évidements axillaires et de morbidité du membre supérieur.

Évidement axillaire et récidive locale

L'exérèse des ganglions lymphatiques axillaires contribuera également à réduire le risque de récidive de cancer au niveau du creux axillaire.

En l'absence d'évidement axillaire, on observe fréquemment une récidive axillaire après une chirurgie mammaire. Dans une étude rétrospective des patientes ayant subi une tumorectomie sans évidement axillaire, le taux moyen de récidive axillaire après 10 ans s'établissait à 28 %. Le taux variait selon la taille de la tumeur, la moyenne étant de 10 % lorsque les tumeurs primitives avaient un centimètre ou moins, de 26 % lorsque la taille des tumeurs primitives variait entre 1,1 et 2,0 cm et de 33 % lorsque leur diamètre était égal ou supérieur à 2,1 cm (preuves de niveau III)21.

Dans l'étude B-04 du NSABP, la mastectomie sans chirurgie axillaire était associée à des taux de récidive axillaire de 17,8 % chez les patientes ne présentant pas d'envahissement ganglionnaire à l'examen clinique, tandis que la mastectomie radicale, qui comporte un évidement axillaire, était associée à un taux de récidive axillaire de 3,1 % en cas d'envahissement ganglionnaire et de 1,0 % lorsque les ganglions étaient indemnes (preuves de niveau I)22.

Des suivis rétrospectifs de séries importantes de cas ayant fait l'objet d'un traitement conservateur avec évidement axillaire ont mis en évidence des taux de récidive axillaire de l'ordre de 0,3 % lorsque les ganglions n'étaient pas envahis23 et de 2,1 % lorsque moins de quatre ganglions étaient envahis24 (preuves de niveau III).

Le risque de récidive axillaire est inversement proportionnel au nombre de ganglions lymphatiques enlevés (preuves de niveau III).

Plusieurs études ont montré qu'un évidement complet est associé à une plus forte réduction du risque de récidive que le prélèvement de quelques ganglions. Dans une étude portant sur 3128 patientes ne présentant pas d'envahissement ganglionnaire à l'examen clinique, la probabilité de récidive axillaire après cinq ans variait entre 19 % lorsqu'aucun ganglion n'avait été enlevé et 3 % lorsqu'on avait procédé à l'exérèse de plus de cinq ganglions25. Des résultats similaires ont été signalés par d'autres chercheurs8,26. Dans l'étude B-04, aucune patiente qui s'était fait enlever six ganglions ou plus n'a présenté de récidive axillaire22. Ainsi, il faut pratiquer plus qu'un prélèvement minimal pour réduire les taux de récidive et pour déterminer correctement le stade clinique (preuves de niveau III).

Évidement axillaire et survie

On a émis l'hypothèse que l'évidement axillaire pouvait améliorer la survie27. Les données semblent toutefois indiquer qu'un tel effet, s'il existe, est plutôt modeste.

Dans l'étude B-04 du NSABP, les femmes de moins de 70 ans qui souffraient d'un cancer du sein primaire et ne présentaient pas d'envahissement axillaire à l'examen clinique ont été réparties au hasard en trois groupes de traitement, deux subissant une mastectomie radicale (qui comporte un évidement axillaire complet) et l'autre une mastectomie totale (qui ne comporte pas de d'évidement)22. La survie globale à 10 ans était de 58 % dans le premier cas et de 54 % dans le second cas, différence qui n'est pas significative sur le plan statistique (preuves de niveau II).

Une autre étude laisse également entendre que l'évidement axillaire pourrait améliorer la survie : les chercheurs ont classé au hasard en deux groupes 658 femmes de moins de 70 ans atteintes d'un cancer du sein primaire, le premier groupe devant subir une tumorectomie accompagnée d'une radiothérapie du sein et des ganglions axillaires (sans évidement axillaire) et le second, une tumorectomie (avec évidement axillaire en plus d'une irradiation mammaire)28. On a constaté une amélioration légère mais significative de la survie globale à cinq ans (p = 0,014) chez les femmes qui avaient subi un évidement axillaire (96,6 % contre 92,6 %) (preuves de niveau I). Il est cependant possible que cet avantage apparent soit attribuable au fait que 11 patientes dans le groupe ayant subi un évidement axillaire avaient reçu une chimiothérapie adjuvante, à la différence des membres de l'autre groupe.

Un suivi d'une série de 3128 patientes consécutives fournit aussi des données intéressantes : les patientes atteintes d'un cancer du sein qui avaient subi un «prélèvement» axillaire emportant moins de cinq ganglions lymphatiques présentaient des taux plus élevés de récidive axillaire et une moins bonne survie à cinq ans comparativement aux patientes qui avaient fait l'objet d'une chirurgie axillaire plus étendue (preuves de niveau III)25.

Après une vaste recension des données publiées jusqu'en 1995, on a conclu que les données disponibles semblent indiquer, sans toutefois prouver, qu'un traitement axillaire initial, soit par chirurgie ou par radiothérapie efficace, peut contribuer à améliorer légèrement les résultats à long terme chez certains sous-groupes de patientes (preuves de niveau III)29.

Évidement axillaire et morbidité post-opératoire

  • Les patientes devraient être parfaitement informées de la fréquence et de la gravité des complications potentielles de l'évidement axillaire.

L'évidement axillaire peut entraîner des complications à court et à long terme. Leur fréquence et leur gravité varient selon l'étendue de la chirurgie axillaire pratiquée29. Les troubles au niveau du membre supérieur (raideur, perte de sensation, œdème) qui surviennent après une chirurgie mammaire sont plus fréquents lorsque l'on procède également à un évidement axillaire. Dans une étude de suivi, le nombre moyen de troubles au niveau du bras relevés après 18 mois chez les femmes qui avaient subi un évidement axillaire était de 2,5 par patiente comparativement à 0,9 dans le cas des femmes qui n'avaient pas subi d'évidement (p = 0,0001) (preuves de niveau III)30.

Des infections postopératoires (sein et aisselle) sont signalées dans 5 % à 14 % des cas. Elles sont plus fréquentes chez les personnes âgées ou mal nourries, dans les cas de drainage prolongé par cathéter, ou encore après une chirurgie mammaire récente telle qu'une biopsie chirurgicale ou une aspiration percutanée répétée d'un sérome (preuves de niveau III)31,32. L'administration d'antibiotiques à titre prophylactique peut réduire le taux d'infection des plaies (preuves de niveau I)33.

Le nerf intercosto-brachial peut être endommagé durant l'évidement axillaire, ce qui cause un engourdissement et une dysesthésie de la face interne du membre supérieur. Dans une étude, on estime entre 4 % et 6 % la fréquence d'apparition d'une douleur importante et parfois invalidante après une telle intervention. Dans une étude effectuée un an après une chirurgie, un engourdissement dans la distribution du nerf intercosto-brachial a été observé dans près de 80 % des cas34.

Des problèmes de mobilité de l'épaule ne sont pas rares. Ils ont été constatés dans 17 % des cas de l'étude sus-mentionnée (preuves de niveau III)34. Le problème de l'«épaule gelée» qu'éprouvaient autrefois les patientes est toutefois extrêmement rare aujourd'hui17.

Le lymphœdème est une des complications les plus redoutées de l'évidement axillaire et, une fois installé, il est rebelle au traitement. Sa fréquence varie selon l'étendue de l'intervention chirurgicale35-37. Les taux signalés varient également selon la définition du lymphœdème qui est utilisée. Lorsque les définitions se fondent sur des critères subjectifs et objectifs, les taux sont de l'ordre de 11 % à 27 %34,36,38,39. Par ailleurs, si on le définit comme «cliniquement apparent», le lymphœdème survient dans 2 à 7 % des cas36,40,41. Dans une étude, un œdème observable objectivement, mais peu prononcé, a été observé chez 10 % des femmes après un «évidement axillaire complet» (preuves de niveau III)42.

  • L'irradiation axillaire est à prescrire avec prudence après l'évidement axillaire.

L'irradiation axillaire peut à elle seule causer un lymphœdème et, si elle est précédée d'un évidement axillaire, elle peut être à l'origine d'une morbidité accrue, particulièrement si l'évidement est étendu17,36. Dans une étude, le risque actuariel après six ans de développer un lymphœdème symptomatique s'établissait à 4 % après une radiothérapie seule, à 6 % après un évidement des ganglions de niveau 1 ou 2 accompagné d'une radiothérapie et à 36 % après un évidement complet des ganglions de niveaux 1, 2 et 3 suivi d'une radiothérapie (preuves de niveau III)43. Nous recommandons donc de n'envisager une radiothérapie après un évidement axillaire que si le risque de récidive axillaire est augmenté3.

Devrait-on dans certains cas s'abstenir de pratiquer un évidement axillaire?

  • On peut songer à omettre l'évidement axillaire lorsque la patiente présente très peu ou pas de risque d'envahissement axillaire métastatique ou si la connaissance de l'état ganglionnaire n'influera pas sur le traitement.

Compte tenu de la morbidité associée à l'évidement axillaire, il serait en théorie souhaitable d'éviter une telle intervention chaque fois que la morbidité éventuelle surpasse nettement les avantages sur le plan clinique. On ignore cependant s'il arrive que cette omission soit justifiée44,45.

On observe des métastases axillaires dans moins de 1 % des cas de carcinome canalaire in situ (CCIS) non invasif. Il y a généralement consensus pour dire que l'évidement axillaire n'est pas justifié dans les cas de CCIS.

Abstraction faite du CCIS, il est à noter que les faibles taux de récidive axillaire sont associés à un certain nombre de facteurs : la petite taille de la tumeur, le bas grade nucléaire, la présence de récepteurs d'estrogènes et le fait que la patiente soit ménopausée5. Il a été établi que les lésions détectées par la mammographie qui ont moins de 5 mm de diamètre s'accompagnent de métastases axillaires dans 5 % ou moins des cas29. Malgré la présence de ces facteurs, un important envahissement des ganglions axillaires est possible, et l'on ne dispose pas pour le moment de données suffisantes sur la foi desquelles on pourrait décider d'omettre l'évidement axillaire en présence d'un cancer invasif.

On a lancé l'idée que certaines patientes âgées de constitution frêle dont le creux axillaire est cliniquement indemne pourraient être dispensées d'un évidement axillaire, vu que cette intervention influera rarement sur la décision d'administrer ou non un traitement systémique adjuvant (preuves de niveau IV)46,47. Citons comme exemple la présence d'un cancer chez une femme âgée, où l'on fera appel au tamoxifène plutôt qu'à une chimiothérapie, même si l'on détecte un envahissement axillaire.

Études cliniques

  • Il importe d'offrir aux patientes l'occasion de participer à des études cliniques, lorsque c'est possible.

Comme on l'a fréquemment souligné, les données sur lesquelles on pourrait se fonder pour prescrire bon nombre des interventions thérapeutiques pratiquées dans le cadre du traitement du cancer du sein sont extrêmement limitées, voire inexistantes. Les zones grises où, pour le moment, les guides de pratique doivent s'appuyer sur des données de niveaux III, IV ou V ne peuvent être éliminées que par des études comparatives randomisées bien conçues. Pour améliorer les soins dispensés aux futures patientes atteintes d'un cancer du sein, il faudra donc qu'un nombre suffisant de celles-ci participent à ces études. Les médecins qui traitent des patientes atteintes d'un cancer du sein devraient par conséquent être au courant des études en cours et inviter leurs patientes à y participer.


Collaborateurs

Auteurs de la version initiale : David R. McCready, MD, Women's College Hospital, Université de Toronto; Jacques Cantin, MD, Centre hospitalier de l'Université de Montréal, Montréal

Comité de rédaction : S. Kishore Thain, MD, Université Memorial de Terre-Neuve, St. John's; Ivo A. Olivotto, MD, British Columbia Cancer Agency -- Vancouver Cancer Centre, Vancouver; Françoise Bouchard, MD, Santé Canada, Ottawa; Mark N. Levine, MD, Hamilton Regional Cancer Centre, Hamilton (Ont.); Maurice McGregor, MD (président), Hôpital Royal Victoria, Montréal

Lecteurs principaux : Drs R.G. Margolese, G. McGregor, A. Robidoux et H.R. Shibata

Lecteurs secondaires : Dr B. Anderson, Mmes D. Armann et P. Bellefontaine, Drs A. Bodurtha, S.P. Bugis, N. Flook et J. Hiscock, Mme L. Hardy, Drs E.J. Hunter et A. Loutfi, et Mme L. McLean

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| CMAJ February 10, 1998 (vol 158, no 3) / JAMC le 10 février 1998 (vol 158, no 3) |
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