Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 6, 1982-1983

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Les peintures à sujets mythologiques et historiques de Restout: à propos de l'achat, 
par la Galerie nationale du Canada,
de Vénus montrant ses armes à Enée

par Pierre Rosenberg et Antoine Schnapper


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Le second argument peut être tiré de la deuxième partie du texte de 1771: l'influence de Jouvenet est en effet plus sensible dans la toile Ségoura que dans celle d'Ottawa, au style beaucoup plus personnel. Dans la première, Restout reprend exactement la pose de Vulcain accoudé à son établi, sous la même grande planche fixée au mur, ainsi que la Vénus aux seins nus que l'on voit dans un tableau de même sujet, exposé par Jouvenet aux Salons de 1699 et de 1704, connu notamment par une gravure de L. Desplaces. (15) Le casque posé sur la table, l'idée du chien, le réalisme un peu appliqué des détails du mobilier soulignés avec insistance par la lumière, sont du pur Jouvenet. En voyant le tableau d'Ottawa, qui aurait pu croire au contraire « que Jouvenet respirait encore »? La leçon de Jouvenet s'y fait discrète et n'apparaît vraiment que dans les détails (têtes des putti, rendu des nuages, des mains, épaule relevée d'Énée, etc,). Curieusement, on ne retrouve pas non plus les formes grêles, si frappantes dans le tableau Ségoura, et visibles encore dans l'Alphée et Aréthuse, peint comme morceau qe réception à l'Académie en 1720 (fig. 4). Faut-il l'avouer? A défaut de l'inscription du verso, nous aurions proposé une date plus tardive pour la toile d'Ottawa, Il est vrai que le dessin préparatoire pour le tableau Ségoura, réapparu en 1977 (16) (fig. 5), montre beaucoup plus d'indépendance par rapport à Jouvenet, un style plus personnel que l'oeuvre achevée.

Que conclure? Peut-être faut-il tenir compte d'une coïncidence: les deux toiles ont les mêmes dimensions, l'une en hauteur, l'autre en largeur, et elles semblent provenir toutes deux de Suisse. On pourrait imaginer deux essais complémentaires sur deux sujets liés, dans deux styles différents, peints par Restout pour se préparer au grand prix, et dont l'un, sinon les deux, servit à son agrément. Le grand prix avait été rendu plus solennel en 1717, grâce à la générosité du Surintendant, le duc d'Antin, annoncée le 23 mai 1716. Les étudiants furent avisés d'avoir à se préparer le 20 mars 1717, mais le nom de Restout n'apparaît pas dans les quatre noms retenus pour l'épreuve finale le 24 avril. (17)

On sait que la carrière de Restout, comme celle de Jouvenet, fut principalement tournée vers la peinture d'église; mais, comme le dit élégamment le texte de 1771, « il a cependant tempéré quelquefois la noblesse de ses crayons, & enrichi les cabinets particuliers. » Ce sont quelques-uns de ces tableaux mythologiques et historiques réapparus depuis 1970, que nous voudrions publier maintenant.

On reprendra, pour ce faire, notre catalogue de 1970. On s'en souvient peut-être, celui-ci se composait d'une part, de classiques notices de catalogue, et d'autre part, d'une liste raisonnée qui tentait de dresser un catalogue complet des oeuvres de Restout connues en 1970 ou mentionnées dans un texte du XVIIIe siècle.

Outre les 29 compositions à sujets mythologiques ou historiques que nous cataloguions en 1970 (notre liste comprenait un total de 143 numéros), une seule oeuvre nouvelle est apparue, le tableau d'Ottawa.

Un certain nombre de modifications ou d'adjonctions nous autorisent cependant à revenir sur quelques-unes de ces 29 compositions en reprenant, pour ce faire, la numérotation de notre liste raisonnée qui avait l'ambition, rappelons-le, d'être chronologique.

Tableaux conservés

No 5 Il s'agit du tableau Ségoura mentionné et reproduit ici (fig. 2).

No 8 Diane et Endymion (Hôtel de ville de Versailles). Nous n'avions pas pu nous procurer en 1970 la photographie (fig. 6) de ce tableau, qui date de 1724.

No 9 Jupiter et Callisto 1725[7] et non 1752[7]. Une copie [7] (fig. 7) décore la préfecture de Châlons-sur-Mame (signalée par Nathalie Volle).

Nos 38 et 39 Abdolonyme travaillant dans son jardin (1737); Abdolyne paraissant devant Alexandre en costume royal. Pour des notices plus complètes sur ces tableaux, voir l'excellent catalogue des Tableaux français des XVIIe siècles du Musée d'Orléans (1981) de Mary O'Neill.

No 74 Le tableau signé et daté de 1749 appartenait en 1970 à la collection Mèwes. Il a été judicieusement acquis en 1977 (Musée à Strasbourg, no 1, octobre-décembre 1977, reproduit en couverture) par le musée des Beaux-Arts de Strasbourg. J. D. Ludmann (La Revue du Louvre..., 1979, nos 5-6, pp. 451-452) a voulu prouver que le tableau de Strasbourg ne représentait pas la Déification d'Énée mais Vénus donnant des armes à Énée. La comparaison avec le tableau d'Ottawa d'une part (fig. 1), et avec la Déification d'Énée de Le Brun à Montréal (catalogue d'exposition Le Brun, Versailles, 1963, no 5, illustré) d'autre part, prouve bien que nous avions correctement identifié le sujet (en fait les deux épisodes se suivent dans le récit d'Ovide) de la toile de Strasbourg, pour laquelle le musée de Caen vient d'acheter un beau dessin préparatoire (vente Hôtel Drouot, Paris, 6 novembre 1980, no 100); pierre noire et rehauts de blanc sur papier bleu, mis au carreau, avec important « repentir » sous forme d'un rabattant couvrant la figure de Vénus; 425 x 352 mm. Nous reproduisons ici les deux « états » du dessin (fig. 8 et 9).

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