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Les influences cézanniennes chez Adrien Hébert
par Jean-René Ostiguy
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Le cheminement de la pensée intime de l'artiste dans
le dédale des possibles qu'il affronte commence à se révéler
dans les nombreux portraits qu'il exécute en 1923. On en dénombre six qui nous sont connus principalement par des
photographies. Ils
ont été précédés par celui de son ami
Préfontaine (fig. 12) qui date de 1922 et montre plutôt l'influence
de Favory à cause de la fougue de son exécution et ses formes
dodues. Dans ceux de Marcel Dugas (fig. 13) et de Pierre Dupuy (v. 1923,
coll. Michel Dupuy, Paris), Hébert campe ses personnages sur des
fonds sombres et, comme dans les Cézannes de la période
romantique, il accentue les reliefs par des pâtes épaisses
et probablement hautement coloréesl. (17) Celui de Léo-Pol Morin
(v. 1923, Musée du Québec) passerait pour l'exemple d'un
retour à la manière d'Henry Moret. Ceux de Robert de Roquebrune
(fig. 14) et Rodolphe Mathieu sont exécutés dans des pâtes
minces et, dans le cas du premier, les tons paraissent se distinguer nettement
les uns des autres comme si l'artiste avait pris plaisir à réfléchir
longuement avant de poser chaque touche. Vient enfin celui qui semble avoir
été le chef-d'oeuvre du groupe, le sien propre (fig. 15)
à propos duquel il écrira à sa mère le 20 mai
ces mots espiègles et frondeurs: « Je t'envoie le portrait
d'un beau Jésus peint par lui-même. » (18) Le buste du
jeune artiste barbu de 33 ans se présente de trois quart dans le
rectangle vertical du tableau tout comme celui de Cézanne dans l'Autoportrait
(1877) de la collection Philipps de Washington. Derrière lui apparaît
en oblique une toile non terminée où figurent du côté
droit, à peine esquissés, deux personnages nus dont l'un
porte un pipeau à sa bouche. Il s'agit sans doute de la Bacchanale
- autre sujet cézannien - que l'on connaît par une petite
photographie (fig.16) en provenance de l'album de photos de Fernand Préfontaine.
De franches obliques suivent le revers de son habit à partir de
son épaule droite et sont répétées dans les
larges ramages sous forme de hachures plutôt courtes et serrées.
Ce ne sont pas là des touches posées à la légère.
Elles rappellent celles qu'utilise fréquemment Cézanne dans
ses paysages d'Auvers et de Pontoise en 1877. Le côté droit
de la figure reprend les mêmes hachures obliques, parfois croisées
par de plus courtes en sens inverse.
Voilà qui fait le compte des tableaux cézanniens
d'Adrien Hébert à notre connaissance. D'autres tableaux de
l'époque pourront faire surface sans que notre compréhension
de son art en soit considérablement changée.
Lorsqu'il se peint lui-même près d'un joyeux
suiveur du dieu Pan, Hébert n'est pas encore connu comme « le poète du port de Montréal », (19) non plus comme l'auteur
des grandes compositions Le marché Jacques-Cartier et
Les patineurs (fig. 17). Il n'a pas encore renié la meilleure
part de l'héritage cézannien. (20) Si Adrien Hébert
n'a profité des leçons de Cézanne que pendant quelques
années, il reste toutefois, et cela on a fini par l'oublier totalement,
qu'à compter de son exposition au Cercle universitaire en 1921 et
jusqu'à sa deuxième exposition à la bibliothèque
Saint-Sulpice en 1923, l'artiste a consigné pour une petite société
d'intellectuels montréalais une première approche de la modernité.
En 1942, peu de temps après avoir peint Les patineurs,
Adrien Hébert écrira dans la revue Culture: « Paul Cézanne est considéré à juste titre comme
le pionnier de la peinture actuelle. Cézanne a peint d'excellents
portraits, de très beaux paysages [...], mais il a échoué
lamentablement dans la grande composition décorative montrant des
femmes dans un paysage. Il n'a jamais travaillé l'académie
d'après nature, et un de ses biographes prétend qu'il travaillait
d'après des gravures. » (21) On pourrait commenter très longuement
cette déclaration retardataire. Pour en comprendre le sens peut-être
faut-il évoquer brièvement deux facteurs. Le premier se
révèle dans la volonté dite classique d'André
Derain et d'Othon Firesz en 1908. Il s'ajoute à celle-ci le poids
des commentaires de Louis Vauxcelles et de Maurice Denis sur 1'oeuvre
de Cézanne dont les Salons d'Automne de 1904 et 1907, puis l'exposition
chez Bernheim-Jeune en 1905 avaient ravivé l'intérêt,
le critique et le peintre ne cessant de voir chez le maître d'Aix
l'exemple d'un nouveau classicisme. À leur recherche d'oeuvres construites avec «
mûre réflexion »
s'ajoutait le
désir de voir se multiplier les « oeuvres de composition ». (22) Le deuxième facteur touche Hébert de plus près.
C'est l'attention qu'André Favory se mérite auprès
des critiques tels que Claude Roger Marx et Waldemar George au cours des
années vingt pour avoir travaillé de larges compositions
décoratives sur des thèmes de la vie humaine dans un milieu
culturel caractérisé. Peu après l'époque de
cette volonté classique, on parle volontiers de « grands sujets ». (23) Ce sont là des exemples que le grand admirateur montréalais
de Puvis de Chavannes ne pouvait déconsidérer totalement.
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