Historique des Hopitaux de la Péninsule Acadienne
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Lazaret - La Lèpre

Légende à propos de l'origine de la lèpre à Tracadie

Deux lépreux acadiens

La plus ancienne de ces légendes, c'est qu'un navire français partit de Morlaix vers 1758, et vint s'échouer sur les rives de la Miramichi à son embouchure. Ce bateau s'appelait l'Indienne et aurait eu à bord de germes de lèpre. Cela semble probable, car ce navire faisait le commerce entre la France et les pays d'Orient où la lèpre existait.

Plusieurs d'entre les marins naufragés avaient contracté la lèpre dans ces pays où ils débarquaient et séjournaient sans doute assez longtemps. Peut-être après leur naufrage, qu'ils se réfugièrent dans les familles établies le long de cotes de la baie des Chaleurs et aussi de la rivière Miramichi, et communiquèrent leur mal à leurs hôtes.

Une autre légende raconte que au commencement du XIXe siècle, deux Acadiens de Caraquet, Michel (fils de Pierre à Alexis Landry) et Alexis(fils de Anselme à Alexis), avaient une goélette qui s'appelait Florida, qui naviguait de la baie des Chaleurs à Québec. À l'occasion de l'un de ces voyages, deux Européens demandèrent au capitaine Landry de les conduire à la baie des Chaleurs. Le capitaine les conduisit sur la côte de Caraquet, d'où ils se rendirent à pied à Tracadie.

Les deux hommes étaient, croyait-on, des déserteurs du Lazaret des Fourches, en Norvège, et se trouvaient dans les derniers stades de la lèpre. Au cours de la traversée, le capitaine Landry s'aperçut qu'ils répandaient une mauvaise odeur et étaient couverts d'ulcères. Il avertit son équipage de les éviter, les supposant atteint d'un mal honteux de la pire espèce. On croit qu'ils étaient deux déserteurs d'un lazaret en Norvège.

Quelques jours après les avoir débarqués à Maisonnette, le capitaine Landry apprit que les deux étrangers partis à pied, dans la direction de Tracadie, à vingt-cinq milles au sud de Caraquet. Regrettant amèrement de les avoir amenés à la baie des Chaleurs, et craignant qu'ils n'infectent quelques familles acadiennes du bas comté de Gloucester, où ils demanderaient probablement l'hospitalité, il partit lui-même pour mettre en garde les habitants de Pokemouche et de Tracadie. Il arriva malheureusement trop tard. Les deux hommes s'étaient arrêtés, quelques jours auparavant, chez un habitant de Tracadie, où les habitants y vivaient dans la plus grande pauvreté. On y était très hospitalier, - nul ne frappait à la porte d'une maison acadienne sans être accueilli. Ursule Benoit donna son propre lit aux deux voyageurs et se contenta pour elle-même d'une natte jetée à terre. Mais n'ayant probablement pas de draps de rechange, elle se sera servie ensuite du lit qu'elle avait, par charité, cédé à ces passants et qu'ils avaient contaminé de la bacille de la lèpre. Elle contracta ainsi la maladie de ces malheureux et en mourut en 1828. Elle en fut la première malheureuse victime.

Description des effets de la lèpre, par le Père Ferdinand Gauvreau

"Mais malheur à lui! et puisse Dieu venir à son secours! C'est un lépreux, et le terrible virus de la lèpre est en lui; et comme s'il tendant une embuscade, il n'attend que le moment de se développer. Le fléau est là, comme un serpent venimeux engourdi, qui le mordra infailliblement lorsqu'une fois il sera réveillé."

Jeune Lépreuse

"A cette période de la maladie, la peau ne tarde pas à perdre son apparence naturelle et saine; la fraîcheur et le brillant du teint disparaissent, et sont remplacés par une blancheur morbide, matte, depuis les pieds jusqu'à la tête. Cette blancheur parait comme si l'affreuse maladie avait pris possession des membranes muqueuses, et déplacé le fluide nécessaire à ses fonctions."


"Au second degré, la peau devient légèrement jaunâtre; puis dans la troisième et dernière période, elle devient d'un rouge foncé, violet ou prend même quelquefois une teinte verdâtre. La maladie est alors pleinement confirmée...

"Examinons maintenant les progrès de la maladie, et suivons-la pas à pas, si c'est possible."

Mme Wasyl Reelkoof

"La pitoyable victime commence par éprouver une fièvre qui la dévore et la fait trembler de tous ses membres, une raideur et une faiblesse dans toutes ses articulations, une pesanteur sur la poitrine comme causée par un vif chagrin, une abondance de sang au cerveau, une fatigue, un assoupissement, et d'autres sensations extrêmement désagréables que les lépreux avancés m'ont fait connaître mais qui maintenant échappent à mon souvenir."

"Le système nerveux tout entier est alors frappé d'une insensibilité absolument complète, de telle sorte qu'un instrument aigu comme une aiguille, ou une lame de couteau, enfoncé dans les parties charnues, ou même à travers les tendons ou les cartilages du malheureux lépreux, ne lui fait éprouver aucune sensation douloureuse, et ne l'affecte en aucune manière."

"Bien plus, le lépreux, avec le plus grand calme du monde pourrait placer son bras ou sa jambe dans un bûcher ardent de bois et de goudron, jusqu'a ce que le membre tout entier et même les os fussent consumés, et cependant il n'éprouverait rien de douloureux du tout absolument rien, et il pourrait, dans cet état, s'endormir aussi paisiblement que s'il était couché sur un bon lit."

Phases de la lèpre chez un malade telles que décrites par le docteur Charles Taché

En 1872, le docteur Charles Taché, sous-ministre de l'agriculture à Ottawa et professeur titulaire de l'Université Laval, s'était intéressé au problème de la lèpre au Canada et était venu l'étudier à Tracadie. Il a écrit un rapport sur le sujet à partir de ses observations et de ses connaissances médicales. Voici ce que dit Dom Lajat, dans son livre Le Lazaret de Tracadie, à propos de ce rapport. " Il distingue dans la lèpre, grosso modo, trois phases qui succèdent aux prodromes : la période progressive, la période maladive, la période destructive. La première peut durer bien longtemps, et avoir de sérieuses manifestations, qui toutefois n'affectent guère la santé générale. La seconde peut prendre des mois, des années, et présente des intermittences d'accès graves et de repos relatif. La troisième est comparativement courte, ce qui peut vouloir dire parfois plus d'un an "

" Cette division que j'aventure, ajoute le docteur, et les appellations que je donne, me sont suggérées par le caractère même de la maladie, qui n'offre de degrés vraiment distincts que ceux de son retentissement général sur l'organisme. "