La vie d'écolier
au
(1847-1875)
On employait autrefois le terme écolier, plutôt qu'élève; jamais le terme étudiant. Ainsi le journal fondé en 1876 s'intitule La Voix de l'Écolier. Selon l'usage du temps (toujours actuel!), on prononçait Collége, et non Collège. Les trois premiers Annuaires du collège en font foi.
![]() |
Les effectifs
étudiants De 47 élèves en 1846-1847, la clientèle étudiante grimpe à 194 en 1874-1875. La plupart des élèves dorment au Collège et prennent leurs trois repas dans des pensions en ville. En 1875, le Collège peut recevoir environ 300 élèves; 206 couchent au dortoir, mais seulement 55 prennent leurs repas au Collège même. |
Selon le prospectus de 1847, le coût du logement et de la pension était de 12$. Treize ans plus tard, en 1860, il est de 96$ (80$ pour la pension et 16$ pour l'enseignement). En 1875, le coût de la pension monte à 100$, celui de la demi-pension, à 20$; le lit, le lavage et le raccommodage, à 18$. À cette époque, se souvient l'Abbé Dugas, chaque élève avait son baudet ou lit de sangles, lit à tréteaux retenu au moyen de sangles ou d'une bande de toile du pays. (A.-C. DUGAS, Gerbes de souvenirs, tome II). Ces baudets furent remplacés plus tard par des couchettes de fer plus commodes, plus solides, plus saines et plus jolies. |
![]() |
Le personnel enseignant
En 1850, le père Champagneur décrit le personnel ainsi que les conditions de vie du collège à son supérieur de Vourles, en France:
Des seules trois personnes qu'il compte en 1846, le personnel enseignant du Collège passe à 8 en 1850 et à près de 25 en 1875. En plus des Clercs de Saint-Viateur, le collège fait appel à des séminaristes, qui, selon l'habitude du temps, font leurs études théologiques en vue de la prêtrise, tout en enseignant. On recourt à un ou deux laïques pour le chant, le piano, la musique, l'hygiène, l'orgue et l'instruction des cadets.
Le Cercle littéraire
Le soin d'ajouter des activités d'ordre
culturel à la fonction d'enseignement a également été une constante à l'intérieur de
l'établissement et les élèves ont eu, dès 1847, un Cercle littéraire qui
fournissait à ses membres «une occasion magnifique de produire et de développer leurs
talents littéraires et oratoires.»
Le journal manuscrit L'Écho du Cercle littéraire, publié de 1847 à 1863 (19 numéros), reproduisait les chefs-d'oeuvre du Cercle littéraire. Selon l'abbé Dugas, il s'agirait du premier journal paru à L'Industrie et à Joliette. Sa devise était: La charité fait le chrétien, l'Étude fait l'avenir.
Ce Cercle littéraire est l'ancêtre de l'Académie Saint-Étienne et de son pendant anglophone, The Alfred the Great Academy, qui ont fourni des tribunes aux élèves durant une centaine d'années. |
Les sorties
À certaines occasions, tout le collège était de sortie, les élèves autant que le personnel. Parmi ces sorties qui venaient rompre le rythme des études, on dénombre quelques variantes : les campagnes, les congés, les pique-niques et les voyages. Les promenades hors du Collège, on les appelait campagnes. L'abbé Dugas, dans ses Gerbes de Souvenirs, en rappelle un bon nombre:
C'est lors d'une de ces sorties...
Lorsque nous étions rendus au but de notre promenade, le terrain que nous foulions se transformait comme par enchantement en arène politique et littéraire, où les orateurs, montés sur une souche, en guise de tribune, se préparaient, dans la mêlée des chaudes discussions et des éloquents discours, à manier la parole en public. Je connais plus d'un de nos meilleurs orateurs qui ont cueilli leurs premières palmes dans ces joutes d'écoliers.
A.-C. Dugas, Tome I
Quant aux pique-niques, ils avaient comme destinations le Moulin des soeurs, la Pointe des pins (Saint-Gorlots), etc. (A.-C. Dugas, I, 41-42). Les pique-niques annuels eurent lieu à Lanoraie jusqu'en 1858. Tous les élèves prenaient le train. Puis cette coutume fut interrompue à cause d'une fredaine de quelques innocents; elle reprit cependant en 1872.
Le Collège participe à la célébration de la Saint-Jean-Baptiste depuis 1857. Le canon fait toujours partie du programme. Un incident bien particulier dans l'histoire du collège Joliette. Le 24 juin l872 un tragique accident vient assombrir les fêtes de la Saint-Jean. Le canon du collège, qui a résonné toute la journée à proximité de la rivière l'Assomption, fait explosion à 5 h du soir et un éclat d'obus blesse mortellement M. Octave Dufresne, marchand de la ville et voisin du collège. On attribue l'accident à l'inexpérience des jeunes artificiers.
On a beau faire valoir que le canon a fonctionné sur les instances du comité de la St-Jean-Baptiste, et malgré les objections soulevées par le P. Beaudry, la veuve intente au collège un procès.
Malgré la défense confiée à Me Georges Baby, il fallut payer 2000$ à la veuve Dufresne. A cause de l'issue du procès le collège s'abstiendra de prendre part officielle à la fête nationale de Joliette durant les années qui suivront. Cet épisode met fin à toute utilisation du canon.
![]() |
Des élèves parmi les
zouaves (1865) On nomme zouaves les volontaires partis défendre la cause du Pape contre Garibaldi. Or, à partir de 1867, de nombreux Canadiens français répondent à l'appel de l'évêque de Montréal, Mgr Bourget. Parmi ces zouaves figurent nombre de jeunes. Le ton avait été donné par un ancien élève du collège, B.-A. Testard de Montigny, en 1860. |
En 1868, on compte plusieurs élèves du collège parmi les zouaves, de gauche à droite: Alfred Baby, David Dufresne, Joseph McGowan, Auguste Marion, Georges-Édouard Panneton, Oscar Melançon, Aristide Beaugrand-Champagne (n'apparaît pas sur la photo). Les zouaves partirent en plusieurs détachements.
Cette même année, le père Joseph
Michaud, professeur d'architecture au Collège, accompagne le deuxième détachement. En
plus d'être l'aumônier des zouaves, le père Michaud est chargé par Mgr
Bourget de faire un relevé des plans de l'Église Saint-Pierre de Rome afin de s'en
servir pour la cathédrale qu'il projetait de construire.
À son retour, le 22 mai 1869, le père Michaud, aidé de se son élèves Dangeville Dostaler, mit 18 mois à réaliser une maquette de Saint-Pierre de Rome. C'est sur ce plan-maquette que fut construite la cathédrale de Montréal. Devant celle-ci se dresse le monument de Philippe Hébert, au bas duquel le P. Michaud présente les plans à Mgr Bourget. Le père Michaud avait son atelier dans une petite boutique blanche...
Sur la petite boutique blanche...
![]() |
Tout près du
collège, l'affiche PAS D'ADMISSION sur la petite boutique
blanche du P. Michaud était gravée dans l'esprit des élèves. C'est là, qu'avec son
élève Dangeville Dostaler, le P. Michaud construisit patiemment ce chef-d'oeuvre
[la maquette de saint-Pierre de Rome] que nous pouvions voir, nous les élèves, à la
dérobée, par un châssis ou l'entrebâillement de la porte, car pour tout l'or du monde,
aucun de la gent écolière n'eût osé pénétrer à l'intérieur sans avis
préalable. C'est là également que le P. Michaud fabriqua la machine électrique
qui est au cabinet de physique (en 1914). Gerbes de souvenir, A.-C. Dugas, ptre |
La milice
La milice étudiante jouait un grand rôle dans la vie des élèves. Elle existait déjà en 1860. En 1864, le Collège avait un bataillon régulier avec des armes. Le 24 mai 1862, les miliciens du collège simulent la prise de la prison défendue par des miliciens de la ville et le collège en sort vainqueur. Une expérience semblable a lieu l'année suivante où les carabiniers du collège affrontent une compagnie de Joliette sur la place du Marché. Le canon du collège entre en action, il y a de nombreuses décharges d'armes, on chante Canadiens, ô notre patrie, etc., simulations de combat de part et d'autre. Une fois le combat terminé et la paix conclue, on se réconcilie, on crie Vive la reine et le capitaine Leprohon fait un discours aux combattants.
On note que des officiers de l'armée canadienne visitent régulièrement les miliciens du collège pour les encourager. Grâce à l'entraînement de la milice, James J. Sheppard, avait obtenu, en 1864, un certificat de l'École militaire de Québec et le titre de capitaine. C'est ce même James Sheppard, qui prit part à la campagne contre l'invasion des Féniens en 1870 et qui, en tant que docteur, enseigna l'hygiène au Collège.