2. LE CADRE D'IMPUTABILITÉ ET DE COORDINATION
2.1 Enjeux
2.2 Notre plan
Notre Plan d’action est fait d’un cadre d’imputabilité et de trois
axes d’action. Le cadre porte sur la méthode de travail du gouvernement, les
axes visent à orienter son action. Il convient de commencer par examiner le
cadre d’imputabilité, car avant de considérer ce que le gouvernement compte
faire, il faut s’entendre sur comment il compte le faire.
Le gouvernement veut s’assurer que les langues officielles demeurent une
priorité quotidienne dans la conception et la mise en oeuvre de politiques
publiques et de programmes gouvernementaux. Aussi a-t-il examiné son processus
décisionnel en matière de langues officielles. Cette réflexion interne,
menée aussi en consultation avec les communautés et la Commissaire aux langues
officielles, a conduit le gouvernement à adopter le cadre d’imputabilité que
l’on trouvera reproduit à l’annexe
A. Ce cadre constitue assurément une pièce maîtresse de notre Plan d’action.
2.1 Enjeux
Trois grands enjeux ont mené à la conception de ce cadre d’imputabilité
et de coordination.
1. Les institutions fédérales ont besoin d’être mieux sensibilisées à
l’esprit et à l’objet de la Loi sur les langues officielles.
La mise en oeuvre de la Loi laisse encore à désirer, le gouvernement est le
premier à le reconnaître. Il a entendu les critiques en provenance, notamment,
de la Commissaire aux langues officielles, des communautés en situation
minoritaire et du Comité mixte permanent sur les langues officielles.
Le gouvernement est sensible aux avis de la Commissaire aux langues
officielles qui souligne, parmi les priorités suggérées dans son rapport de
2001-2002, l’importance de renforcer le régime d’application de la Loi «
…y compris la mobilisation du leadership politique et administratif et la
transformation de la culture de la fonction publique »17.
Il importe que chaque institution fédérale comprenne son rôle à l’égard
de la dualité linguistique et du développement des communautés de langue
officielle.
2. Les communautés de langue officielle doivent être consultées par les
institutions fédérales qui ont des responsabilités importantes à l’égard
de leur développement.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont demandé
qu’on les consulte systématiquement dans l’élaboration des orientations ou
des priorités en matière de dualité linguistique, qu’on les informe des
actions envisagées pour réaliser ces priorités, et qu’on les tienne au
courant des actions effectivement entreprises ainsi que des résultats atteints
ou non sur une période donnée.
3. Le gouvernement a besoin d’un mécanisme formel de coordination
interministérielle en matière de langues officielles.
En plus de leur travail respectif à l’égard du développement des
communautés, les institutions fédérales doivent agir ensemble et se donner
les moyens de s’appuyer les unes les autres.
Il est impératif que le gouvernement se dote de mécanismes internes pour
assurer la cohésion de ses politiques et de ses programmes en langues
officielles. Il est également important que ces mécanismes d’appui
permettent un échange continu d’information entre les institutions
fédérales et les amènent à travailler ensemble au bénéfice de la dualité
linguistique.
Ainsi, la triple visée du cadre d’imputabilité est de conscientiser
toutes les institutions fédérales, de renforcer les mécanismes de
consultation auprès des communautés et d’établir une coordination d’ensemble
du processus gouvernemental en matière de langues officielles.
La FCFA suggère de « …réorienter l’approche fédérale pour qu’elle
se fonde non plus sur la réalisation de projets épars (…) mais plutôt
sur une action concertée qui inciterait les ministères et organismes
gouvernementaux à intégrer les considérations relatives au
développement des communautés au moment même où ils élaborent leurs
politiques et leurs programmes ministériels (…) ».
Fédération
des communautés francophones et acadienne du Canada, Des communautés
en action : politique de développement global à l’égard des
communautés francophones et acadiennes en milieu minoritaire,
document non publié, mai 2002, p.5.
|
Le QCGN souhaite que le plan d’action gouvernemental « veille à ce
qu’il existe un mécanisme de consultation pour discuter avec les
communautés et leur demander leur avis avant l’élaboration de la
politique et une déclaration ministérielle ». Il insiste aussi pour que
le plan d’action « …comporte des mécanismes d’imputabilité ».
Suggesting Change, The situation of the English-speaking Minority of
Quebec and proposals for change, Report to Minister Stéphane Dion,
President of the Privy Council and Minister for Intergovernmental Affairs,
document non publié, juin 2002, p.2.
|
2.2 Notre plan
Le cadre d’imputabilité et de coordination accomplit deux choses.
Premièrement, il énonce les responsabilités actuelles des institutions
fédérales. Deuxièmement, il en ajoute de nouvelles.
2.2.1 Le rappel des responsabilités existantes
Le cadre d’imputabilité et de coordination reproduit à l’annexe
A comprend 45 articles. Les 30 premiers consignent les principales
responsabilités juridiques des institutions fédérales et en particulier
celles du Conseil du Trésor et de Patrimoine canadien. Nous disposerons
dorénavant d’un document public qui établit de façon claire et formelle les
principales responsabilités en matière de langues officielles qui reviennent
à chaque ministère et organisme.
Le partage des responsabilités entre les ministères fédéraux découle de
l’architecture même de la Loi sur les langues officielles, adoptée la
première fois en 1969 et révisée en 1988, dans le nouvel ordre
constitutionnel instauré en 1982. C’est pourquoi les 30 premiers articles
abordent successivement les différentes parties de cette Loi.
Les articles 3 à 10 du cadre précisent l’imputabilité qui procède des
parties I à V de la Loi. Ces parties énoncent les obligations de toutes les
institutions fédérales en matière de débats et de travaux parlementaires, d’actes
législatifs, d’administration de la justice, de communications avec le
public, de prestation des services et de langue de travail. Ces articles
rappellent que la responsabilité première découlant de la Loi sur les
langues officielles appartient à chacune des institutions fédérales. Il
leur incombe notamment de servir le public dans les deux langues (partie IV) et
de respecter le droit de leurs employés de travailler dans l’une ou l’autre
(partie V).
Les articles 11 à 15 du cadre portent sur la partie VI de la Loi, qui
énonce l’engagement des institutions fédérales de veiller à la
représentation équitable des Canadiens d’expression française et d’expression
anglaise dans leurs effectifs. Les articles 16 à 29 traitent de l’importante
partie VII, laquelle engage politiquement le gouvernement à favoriser le
développement des minorités de langue officielle et à promouvoir la pleine
reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société. Le
cadre rappelle que cet engagement du gouvernement à promouvoir les deux langues
et à favoriser le développement des communautés lie bien chaque institution
fédérale.
Le cadre confirme les deux institutions clés, le Conseil du Trésor et
Patrimoine canadien, dans les responsabilités qui sont les leurs vis-à-vis des
différentes parties de la Loi.
Comme le cadre d’imputabilité l’indique, le Conseil du Trésor est
chargé d’une mission générale de coordination relativement aux parties IV,
V et VI. Il décrète des politiques ou des règlements, diffuse les directives
nécessaires, assure un suivi des organismes qui sont assujettis à la Loi,
évalue les politiques et programmes et informe le Parlement et le public des
résultats obtenus.
De même, le cadre d’imputabilité décrit les responsabilités de
Patrimoine canadien, notamment aux paragraphes 24 à 26. La ministre du
Patrimoine canadien a la mission de coordonner la mise en oeuvre de l’engagement
à promouvoir le français et l’anglais par l’ensemble des institutions
fédérales. Elle en fait rapport annuellement. La Ministre a le pouvoir de
prendre des mesures susceptibles d’aider à cette promotion de nos langues
officielles. Par exemple, ces mesures peuvent aider au financement des
activités d’organismes communautaires ou faciliter la contribution des
ministères et organismes à l’épanouissement des communautés. La Ministre
conclut des ententes avec les provinces et les territoires en éducation et dans
d’autres domaines pour améliorer la prestation des services aux communautés
dans leur langue officielle.
2.2.2 L’ajout de nouvelles responsabilités
En rappelant ainsi les principales responsabilités des ministères et
organismes, le cadre d’imputabilité sera un outil important pour sensibiliser
tout l’appareil fédéral à l’enjeu des langues officielles. Mais le cadre
d’imputabilité fait plus que cela. Tout en mettant en lumière les
responsabilités existantes, il ajoute cinq éléments essentiels qui nous
aideront à atteindre nos objectifs de sensibilisation, de consultation et de
coordination.
Premièrement, le cadre assigne à toutes ces institutions une
responsabilité nouvelle, celle de mieux prendre en compte la dimension des
langues officielles dans l’élaboration de leurs projets. Cette nouvelle
responsabilité est bien indiquée à l’article 7 : « À partir de maintenant,
toutes les institutions fédérales sont tenues d’analyser les incidences des
propositions qui font l’objet de mémoires au Cabinet sur les droits
linguistiques du public et des fonctionnaires fédéraux ». On pourra ainsi s’assurer
que les langues officielles seront l’une des préoccupations pour tout projet
modifiant les orientations du gouvernement.
Deuxièmement, l’article 17 du cadre d’imputabilité décrit comme
suit les étapes que doit franchir toute institution dans sa planification
stratégique et l’exécution générale de son mandat vis-à-vis des langues
officielles :
-
sensibiliser ses employés aux besoins des communautés minoritaires ainsi
qu’aux engagements du gouvernement;
-
déterminer si ses politiques et programmes ont une incidence sur la
promotion de la dualité linguistique et le développement des communautés,
des premières étapes d’élaboration des politiques jusqu’à leur mise
en oeuvre;
-
consulter les publics intéressés, en particulier les représentants des
communautés minoritaires de langue officielle, dans le cadre de l’élaboration
et de la mise en oeuvre des politiques et des programmes;
-
être en mesure de décrire sa démarche et de démontrer comment elle a
pris en compte les besoins des communautés minoritaires;
-
lorsqu’il aura été décidé que des répercussions existent, planifier
en conséquence les activités de l’année qui suit ainsi qu’à plus
long terme, présenter les résultats attendus (en tenant compte des budgets
prévus) et prévoir les mécanismes d’évaluation des résultats.
On le voit, l’étape d’information et de consultation des communautés se
trouve au centre de cette marche à suivre.
Troisièmement, et c’est là l’un des éléments essentiels du
cadre, il ajoute une coordination horizontale, laquelle est décrite en ses
articles 31 à 44.
Cette coordination sera centrée sur le ministre responsable des langues
officielles, dont le mandat renouvelé a été annoncé par le Premier ministre
du Canada le 12 mars 2003.
À la lecture du cadre d’imputabilité, on constate qu’en plus d’être
à l’écoute des communautés et de coordonner les dossiers où la question
des langues officielles est soulevée, le Ministre s’occupera de faciliter la
mise en oeuvre du Plan d’action du gouvernement. Il recevra l’appui des
ministres du Patrimoine canadien et de la Justice, de la présidente du Conseil
du Trésor et d’autres ministres pilotant des initiatives du Plan d’action
dans leur secteur d’activité.
Le ministre responsable appuiera les ministres ayant des responsabilités
législatives ou sectorielles en langues officielles. Il travaillera avec eux
afin que :
-
les communautés et les autres intervenants soient consultés au moins
annuellement;
-
les priorités des intervenants soient communiquées au gouvernement;
-
les questions de langues officielles soient portées à l’attention du
gouvernement;
-
le point de vue du gouvernement soit clairement exprimé dans les dossiers
d’actualité qui ont des répercussions sur les langues officielles.
Afin d’appuyer adéquatement le ministre responsable des langues
officielles et les autres ministres, le Comité des sous-ministres sur les
langues officielles voit son rôle renforcé. Il est en outre chargé de
promouvoir une plus grande imputabilité collective pour l’ensemble des
dispositions de la Loi. Il met en évidence les liens entre les différentes
parties de la Loi et du Plan d’action; il appuie les ministres concernés dans
la mise en oeuvre de ce Plan et dans la communication de ses résultats aux
Canadiens.
Le ministre responsable et le Comité des sous-ministres sur les langues
officielles sont appuyés par le Secrétariat des affaires
intergouvernementales, Bureau du Conseil privé. Ce dernier analysera les
mémoires au Cabinet et les projets de politiques en fonction de leur incidence
sur les langues officielles et sur le développement des communautés.
Quatrièmement, le cadre d’imputabilité, en son article 44, assigne
un rôle élargi au ministère de la Justice, qui doit dorénavant examiner les
initiatives, programmes et orientations de politiques susceptibles d’influencer
les langues officielles pour en dégager les implications juridiques. Cette
responsabilité nouvelle s’ajoute à celles que le ministère de la Justice
assume déjà. Il continuera donc de guider le gouvernement dans l’interprétation
des droits linguistiques, de formuler la position gouvernementale dans les
litiges et d’exercer des responsabilités particulières en matière de
rédaction législative et d’accès à la justice dans les deux langues
officielles.
Cinquièmement, l’évaluation de la politique des langues
officielles fera elle-même l’objet d’une coordination. Chaque ministère
conservera les responsabilités qui sont les siennes en matière d’évaluation,
mais il y aura une évaluation globale des mesures prises dans le Plan d’action.
Ainsi, l’article 37 précise que le ministre responsable « coordonne la mise
en oeuvre du Plan d’action, notamment le partage des outils de recherche et
les mesures d’évaluation ». L’article 36 prévoit « qu’un rapport de
mise en oeuvre du Plan d’action soit présenté au gouvernement à mi-parcours
et à la fin de la période de mise en oeuvre ».
Tel est le cadre d’imputabilité et de coordination par lequel le
gouvernement compte atteindre ses objectifs en matière de sensibilisation aux
langues officielles, de consultation des communautés et de coordination de ses
politiques. Mais par-dessus tout, ce cadre d’imputabilité a pour visée de
faire travailler tous les ministères en équipe. C’est par un travail d’équipe
que la politique des langues officielles a été relancée ces deux dernières
années. C’est par un travail d’équipe que le Plan d’action donnera le
maximum de retombées positives pour les Canadiens.
-
Commissariat aux langues officielles, op. cit. (note
11), p. 20.
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