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Discours

2007 | 2005

28/02/2007

La présidente s'adresse au Forum québécois sur la consultation des communautés autochtones

Cliquez ici pour télécharger les notes d'allocution de la présidente - PDFPDF

Forum québécois sur la consultation des communautés autochtones
Allocution d’ouverture de Me Renée Dupuis, coprésidente du Forum
28 février-1er mars 2007-Montréal

Je tiens à remercier les organisateurs du Forum québécois sur la consultation des communautés autochtones de m’avoir invitée à coprésider cette rencontre. La consultation des communautés autochtones constitue désormais un champ d’investigation inépuisable, pour le milieu juridique, et également en dehors de ce cercle. Depuis la fin du 19e siècle au Canada, la consultation est passée de la sphère administrative à l’arène politique et constitutionnelle avant de se retrouver décortiquée dans le forum judiciaire, au point de devenir un des concepts clés dans l’interprétation des droits des peuples autochtones que la Cour suprême du Canada trace au gré de ses décisions depuis 25 ans.

Un bref retour en arrière nous permettra de relever certaines bornes dans l’évolution de ce phénomène au 20e siècle. Nous ne considérons pas ici les traités signés entre la Couronne et les peuples autochtones du Canada, que ce soit les traités dits de paix et d’amitié ou les traités dits de cession de droits sur le territoire.

Un des moments importants au cours de cette période remonte à la politique indienne énoncée par le gouvernement fédéral en 1969, qui prévoyait l’abolition des réserves indiennes et du statut d’indien et de la compétence constitutionnelle fédérale à cet égard, dans l’optique déclarée de mettre un terme au statut juridique particulier des Indiens. Après l’annonce de son intention, le gouvernement fédéral a procédé à la consultation des communautés indiennes. La vive opposition exprimée en réaction à ce projet gouvernemental a amené le gouvernement à abandonner cette idée.

Le gouvernement a poursuivi une consultation informelle des Premières Nations sur divers sujets, entre autres sur la modification éventuelle de la Loi sur les Indiens. Par exemple, les débats parlementaires de la Chambre des communes entourant l’adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1978, font état du fait que le gouvernement étant alors en consultation avec les bandes indiennes pour la modification éventuelle de la Loi sur les Indiens, une exemption pour tout ce qui touche à la Loi sur les Indiens (et aux décisions du gouvernement et des bandes sous son autorité) devait être insérée dans la loi fédérale sur les droits de la personne, ce qui fut fait.

Au début des années 1980, le gouvernement fédéral a entrepris des pourparlers avec les provinces pour le rapatriement de la Constitution canadienne. Après que des représentants de Premières Nations ont fait connaître leur opposition au projet initial de rapatriement et entrepris des recours judiciaires devant les tribunaux britanniques, les représentants des peuples autochtones ont obtenu d’être consultés dans le cadre de cette initiative. Les résultats de ces discussions se trouvent inscrits dans la Constitution canadienne depuis 1982.

1982 : Des amendements à la Constitution canadienne : une série de précédents.

L’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 marque le rapatriement de la Constitution canadienne. Mais surtout, elle marque un changement de cap fondamental dans la relation entre la Couronne et les peuples autochtones. Cette relation est redéfinie sur de nouvelles bases et cette redéfinition va entraîner des conséquences majeures et durables sur le statut des peuples autochtones et sur l’interprétation de leurs droits. De nombreux précédents sont inscrits dans cette loi. Dans cette nouvelle loi constitutionnelle, non seulement des droits substantifs sont reconnus et confirmés aux peuples autochtones, mais un processus est institué pour la participation formelle ponctuelle des représentants des peuples autochtones aux discussions constitutionnelles les concernant. La consultation des peuples autochtones devient un élément formel essentiel des délibérations constitutionnelles qui ont des répercussions sur leurs droits.

Dans un premier temps, les dispositions sur les droits substantifs dans la loi de 1982 attirent beaucoup l’attention des juristes : 1e) La reconnaissance pour la première fois de l’existence de peuples autochtones au Canada (Indiens, Inuits et Métis); 2e) La reconnaissance et la confirmation que ces peuples ont des droits collectifs particuliers : des droits ancestraux et des droits issus de traités (y compris les droits issus d’accords contemporains de revendications territoriales, à partir de la modification constitutionnelle adoptée en 1983); 3e) La clause selon laquelle l’interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés ne doit pas porter atteinte aux droits des peuples autochtones.

Mais on ne semble pas encore prendre la pleine mesure des effets de la participation formelle des représentants des peuples autochtones au processus constitutionnel (avec droit de parole sans droit de vote) qui y est inscrite. Il importe de rappeler l’importance du précédent que cela représente dans le régime juridique constitutionnel canadien. Jusque-là en effet, la participation directe au processus constitutionnel a été réservée aux premiers ministres (fédéral, provinciaux et territoriaux). La loi de 1982 élargit le forum constitutionnel en assurant la participation, c’est-à-dire en formalisant la consultation des peuples autochtones. Cette participation était d’abord prévue pour une seule conférence constitutionnelle qui devait servir à préciser la définition des droits des peuples autochtones nouvellement reconnus dans la Constitution.

Constatant les positions fondamentalement divergentes des parties en présence à la conférence de 1983, il fut convenu d’ajouter l’article 37.1, prévoyant la tenue d’au moins deux autres conférences. La participation ponctuelle des représentants des peuples autochtones au processus constitutionnel est devenue un processus formel de consultation constitutionnelle. Même si ce processus est arrivé à son terme sans avoir produit de consensus sur la définition et la portée des droits reconnus et confirmés par l’article 35, la loi de 1982 est néanmoins à l’origine d’une convention constitutionnelle relativement à la consultation des peuples autochtones, puisque les représentants des peuples autochtones ont également été invités par la suite à participer aux discussions entourant le projet d’Accord du Lac Meech (1987), le projet d’Accord de Charlottetown (1992) et l’Accord de Kelowna (2005), même si aucun de ces trois accords constitutionnels (fédéral-provincial-territorial) n’a eu de suite à ce jour.

De plus, la loi de 1982 a été modifiée lors de la conférence constitutionnelle de 1983, pour inclure, en réponse à la demande d’un droit de veto des peuples autochtones sur tout amendement constitutionnel sur une question qui les concerne, un engagement de principe, de la part des représentants gouvernementaux, à les inviter à toute conférence constitutionnelle qui porterait sur la modification de la compétence constitutionnelle fédérale sur les Indiens et les terres qui leur sont réservées (prévue à la catégorie 24 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867) ou la modification des articles 25, 35, 35.1 et 37.1 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit ici d’une autre garantie de consultation qui ne crée toutefois pas d’obligation de convoquer une telle conférence. La formulation en termes d’un engagement de principe permettait ainsi de soustraire l’article 35.1 à l’interprétation judiciaire, selon la volonté exprimée alors par les représentants du gouvernement fédéral. Il n’en demeure pas moins que cet article a également valeur de convention constitutionnelle, comme ces derniers l’ont reconnu à l’époque.

L’absence de consensus politique durant les années 1980 et l’absence de volonté politique depuis ce temps de reprendre des discussions sur la portée des droits constitutionnels a entraîné un déplacement de la discussion à ce sujet vers les tribunaux. C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner l’interprétation de la Cour suprême du Canada, appelée à se prononcer sur les droits constitutionnels des peuples autochtones depuis 1982. Le premier arrêt rendu après 1982 par la Cour suprême s’inscrit pleinement dans ce nouvel environnement juridique, puisqu’il marque un changement complet de l’interprétation de l’autorité fédérale dans l’exercice de sa compétence constitutionnelle dans le contexte de la Loi sur les Indiens.

Il ne faut donc pas s’étonner que la Cour suprême du Canada ait imposé une obligation de fiduciaire au gouvernement fédéral quand elle a été appelée à se prononcer en 1984 dans l’affaire Guerin. Se fondant sur le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de décider ce qui est le plus avantageux pour les Indiens, tel que l’établit la Loi sur les Indiens, la Cour a créé une obligation de fiduciaire imposant à la Couronne fédérale une obligation de reddition de compte quant aux tractations et aux transactions foncières entourant la cession par les Indiens de leurs droits sur une réserve. En signant sans consultation un bail moins avantageux que les conditions convenues avec la bande, la Cour a estimé que le gouvernement fédéral a manqué à son obligation de fiduciaire et qu’il doit en conséquence réparer la perte subie par la bande. La notion de consultation est donc inscrite dans l’obligation de fiduciaire de la Couronne depuis l’arrêt Guerin. Après les modifications constitutionnelles de 1982, c’est la première occasion que la Cour a eue de se prononcer sur le degré de formalité requis dans la relation entre la Couronne et les Premières Nations.

Il ne faut pas non plus s’étonner du fait que, quelques années plus tard, dans l’arrêt Sparrow rendu en 1990, la Cour suprême du Canada a également fait de la consultation l’élément minimal obligatoire dans le test de justification auquel elle a décidé de soumettre toute initiative législative et gouvernementale qui porte atteinte à un droit constitutionnel ancestral ou issu de traités. La reconnaissance et la confirmation de droits constitutionnels particuliers aux peuples autochtones incorporent les rapports de fiduciaire et impliquent une certaine restriction à l’exercice du pouvoir souverain. Les pouvoirs législatifs fédéraux doivent donc être conciliés avec l’obligation fédérale et la meilleure façon d’y parvenir est d’exiger la justification de tout texte réglementaire qui porte atteinte à un droit ancestral d’un membre d’une Première Nation. En présence d’une atteinte à un droit ancestral de pêche (et à un droit issu de traités, selon ce que la jurisprudence ultérieure a précisé), au minimum l’information sur la conception de la réglementation et la consultation des peuples autochtones sur la mise en place des mesures de conservation sont deux éléments expressément identifiés par la Cour pour déterminer si un règlement est justifié.
 
En 1997, la Cour suprême étendra son exigence de justification aux atteintes à un titre aborigène, qu’elle définit alors comme une catégorie de droit ancestral. Elle précise alors que les rapports de fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones exigent la participation des peuples autochtones à la prise de décision, et au minimum une obligation de consultation, dont la nature et l’étendue varieront selon les cas. La Cour établit ici une gradation dans l’obligation de consultation qui échoit aux gouvernements : dans les rares cas d’atteinte mineure, l’obligation de consultation consistera à discuter des décisions importantes au sujet des terres sur lesquelles un titre est revendiqué. Dans la plupart des cas, l’obligation dépassera la simple consultation et elle pourra requérir le consentement des peuples autochtones, par exemple pour l’adoption de réglementations provinciales de chasse et de pêche.

Par ailleurs, la Cour a eu l’occasion de préciser en 2004 dans l’arrêt Nation Haïda que l’honneur de la Couronne, en plus de l’obligation de fiduciaire, emporte une obligation de consultation, une obligation qui incombe à la Couronne et non aux tiers engagés dans l’exploitation des ressources naturelles. La Cour réitère ici que le contenu de l’obligation de consultation varie selon le droit en question en l’espèce et l’impact possible de l’activité prévue sur les droits en cause : planification, gestion, utilisation des terres et des ressources naturelles.

La lecture des jugements rendus depuis 25 ans par la Cour suprême suggère que la Cour approfondit son raisonnement au gré de chaque cas d’espèce qui lui est soumis quant aux circonstances créant une obligation de consulter les communautés autochtones ou quant aux formalités de la consultation requise dans de telles circonstances. C’est la fonction même du pouvoir judiciaire. C’est également sa limite quand il s’agit de traiter des éléments aussi importants de politique publique.

Il faut toutefois rappeler que la Cour suprême du Canada a appelé tant les gouvernements que les peuples autochtones à régler ces questions par la négociation dans plusieurs des jugements qu’elle a rendus depuis 1982. C’est à cette tâche que toute notre société est conviée et vous entendrez au cours de ce forum québécois sur la consultation des communautés autochtones, plusieurs conférenciers qui vous entretiendront de leur perspective particulière de Premières Nations, de communautés locales, de gouvernement canadien et québécois et de promoteurs privés.

©Renée Dupuis

 



Dernière mise à jour : 2006-03-20 Haut de la page Avis importants