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PIONNIERS

Big Bear/Mistahimusqua (2)

Young retrouva son calme froid et élabora un plan pour retourner à la mission avec Erasmus afin d'obtenir des renseignements sur sa famille. En chemin, ils se sont arrêtés dans le magasin de Umla où ils ont rencontré six des braqueurs qui avaient pillé le poste du Lac La Biche. Umla leur a demandé de se soumettre. Erasmus a rencontré secrètement Umla avant de confronter les braqueurs et de mettre sur pied un plan pour les effrayer. Ils se sont mis d'accord qu'Umla poserait des questions à Erasmus sur « les soldats, la police et ce qui s'était passé pendant la rébellion » en face des braqueurs. Erasmus répondrait que les nouvelles n'étaient pas favorables à leur cause. En répondant aux questions d'Umla, Erasmus a déclaré « Il y des soldats qui arrivent d'Edmonton et le général Middleton est en train d'envoyer deux armées au lac Frog. Ces armées veulent la peau de Big Bear et l'ont probablement déjà mise sur une civière à l'heure qu'il est ». « Combien d'hommes viennent d'Edmonton? » demanda Umla. « Oh, il doit y avoir mille soldats, avec des routiers et des éclaireurs. Oui, avec en plus une troupe de police en tenue et je pense qu'il doit y avoir plus de cent hommes à chevaux. Les hommes de Big Bear ont été tués à Whitefish et je m'attends à ce qu'ils enquêtent sur ces meurtres et sur les pillages au magasin de la Baie d'Hudson du Lac La Biche. Les soldats ont déclaré qu'ils allaient massacrer tous les indiens qu'ils trouveraient à l'extérieur de sa propre réserve » (Erasmus 1976:288-289). Après la menace verbale de représailles, il y eut un bref affrontement armé qui s'est terminé avec la capitulation des braqueurs rendant leurs armes à Umla.

Les membres du Lac La Biche étaient fort anxieux, car l'ambassadeur de cette région avait récemment visité la mission afin d'inciter les Métis, qui avaient refusé de s'impliquer, à rejoindre la révolution. En réponse à la demande de Big Bear pour appuyer Louis Riel, les Métis à la mission ont fait savoir qu'ils n'avaient pas de fortes convictions politiques et n'étaient intéressés que dans la paix et la tranquillité. Ils ont aussi prévenu les personnes travaillant avec Big Bear qu'ils se défendraient certainement s'ils étaient attaqués pour ne pas avoir rejoint les insurgés (Faraud 1976). L'ambassadeur a répondu que « Big Bear serait mécontent de cette réplique, [et] qu'il se vengerait certainement en envoyant entre 150 et 200 de ses meilleurs hommes pour s'emparer de ces hommes et des biens qu'ils avaient refusaient de lui donner. De plus, dans neuf ou dix jours tout au plus, juste assez de temps pour aller au lac Frog et en revenir, il retournerait au Lac La Biche » (Faraud 1976:334).

La peur était endémique. Comme l'évêque Faraud remarquait, « nos personnes (...) ont épuisé leur courage avec leur réplique. Le feu propagé par le feu à travers le petit bois n'aurait pu se propager plus rapidement que la peur chez les Indiens. C'était la panique générale. Les Indiens étaient partout. Le lendemain à neuf heures du matin, tous nos soldats avaient fui. Des familles inquiètes amenaient leurs enfants à l'école. Affolées elles ne savaient où elles allaient. Elles sont parties sans réserves ni provisions. Elles abandonnaient leurs maisons et ne pensaient à leurs récoltes » (Faraud 1976:334). Dans de telles circonstances, Umla relâcha les braqueurs en les avertissant que « s'ils étaient intelligents ils retourneraient à la réserve du lac Beaver et y resteraient. Si vous vous occupez de vos affaires et ne causez plus d'ennuis, je pourrais peut-être obtenir une peine de prison plus courte » (Erasmus 1976:289-290). Umla a par la suite donné des instructions à Young afin qu'il quitte le magasin et se distancie des braqueurs, car ces derniers pouvaient « aisément se procurer des armes et être de retour ce soir » (Erasmus 1976:290).

Avant de quitter le Lac La Biche, Young s'est arrêté à la mission pour informer l'évêque Faraud de ce qui se passait. Faraud note dans son journal que Young est arrivé à 22 heures le 1er mai. Sur la base des comptes rendus d'Erasmus, il semble que Young soit parti la nuit même à la recherche de sa famille. Faraud, par contre, écrit dans son journal que Young serait resté à la mission jusqu'au 5 mai. À son arrivée, Young informait l'évêque que l'armée avançait et que la révolte ne durerait pas plus longtemps. Comme mesure de protection « Messieurs Young, Erasmus et Patrick [Pruden] ont convenu que la résistance devrait être organisées » (Faraud 1879-1890:217) avant l'attaque de Big Bear. Selon Faraud, Young aurait enrôlé vingt-sept hommes pour protéger la mission en leur promettant « de les payer et de leur fournir les vivres au nom du gouvernement » (Faraud 1976:335). Les hommes ont nommé Alexandre Hamelin comme capitaine. Comme autre mesure de précaution, Young a aussi expédié un messager au général Strange à Edmonton en lui demandant un détachement de soldats pour protéger la mission.

Après avoir reçu les assurances que les braqueurs avaient agit par peur et étaient préparés à la restitution, Young est allé à la recherche de sa famille qui avançait vers la rivière La Biche avec Piche Pruden. Il désirait les trouver et les accompagner jusqu'à Edmonton à travers Athabasca Landing. Erasmus relate avoir découvert la piste de Piche après un voyage de vingt milles. Il était vraiment prudent même s'il était certain que Pruden aurait « un homme à l'arrière de sa piste pour s'assurer que personne ne le suive » (Erasmus 1976:291). De plus, il ne voulait pas être la cible d'un type qui aurait la gâchette facile, qui tirerait d'abord et poserait des questions par la suite. Young était d'accord que Pruden aurait certainement « un homme pour relever tout défi que présenterait un étranger suivant leur piste » (Erasmus 1976:291).

Confiant qu'il serait reconnu, Young consentit à aller devant. La précaution que Pruden a pris en plaçant un homme à environ deux milles derrière le groupe principal a été payante. Young et Erasmus n'avaient voyagé qu'environ un mille lorsqu'ils furent interceptés par un homme de Pruden, armé et prêt à protéger son peuple. Le gardien « a reconnu Young qui, tremblotant, l'appela par son nom » et les a envoyé devant pour rejoindre le groupe principal. Erasmus était très content d'avoir envoyé Young en premier car le garde le scrutait « avec curiosité et sans sympathie » (Erasmus 1976:291). En retrouvant sa famille, Erasmus raconte que Young était inflexible et qu'il n'avait aucune « intention de revenir en arrière s'il le pouvait » (Erasmus 1976:292) – étranges propos pour un homme qui, selon l'évêque Faraud, regagnait Edmonton et « par la suite revenait avec des provisions pour la colonie » (Faraud 1976:335). En effet, le journal de Faraud (1879-1890) indique que Young était de retour au Lac La Biche le 10 juin.

Les hommes de Big Bear ne sont jamais revenus attaquer la mission. Le 28 mai, Julien Cardinal ramena les nouvelles que Louis Riel avait été fait prisonnier et que Big Bear avait fui vers Carlton (Faraud 1976:336). Avec cette victoire, il y avait un profond sentiment de soulagement. Cependant ce sentiment fut de courte durée. Le 15 juin, l'évêque Faraud apprenait que le général Strange avait permis à Big Bear de s'échapper et était inquiet que ce dernier attaque la mission et prenne des otages. Confus par rapport au lieu où se cachait Big Bear, Strange ne prenait aucune chance. Comme mesure de précaution il envoyait la police montée de Saint-Albert (Borgstede, 1985), une armée volontaire d'environ quarante hommes sous le commandement du Capitaine Des Georges pour protéger la mission. L'armée est arrive plus tard cette journée. Faraud a laissé les soldats dans le hangar à chaland et les officiers dans la mission. Le 27 juillet, le capitaine recevait les ordres de partir. Big Bear était encore libre mais les rumeurs affirmaient qu'il était entouré par les troupes.

Le capitaine Des Georges n'est pas parti immédiatement et le 29 juillet il recevait de deux Chipewyans qui revenaient tout juste du camp des nouvelles concernant Big Bear. Ils a raconté que lorsqu'ils ont quitté le camp de Big Bear, ce dernier « était entouré de tous côtés par des soldats, ses provisions étaient réduites et que probablement cela lui serait impossible de s'échapper à nouveau » (Faraud 1879-1890:224). Le lendemain, le capitaine recevait les ordres de partir. Alexandre Hamelin ramenait comme nouvelles que même si Big Bear n'était pas encore capturé il était « presque seul avec uniquement 12 ou 15 hommes qui avaient peur de se rendre. Les autres sauvages se sont rendus et ont été désarmés. Logiquement, il y a peu de crainte à avoir » (Faraud 1879-1890:224). L'armée volontaire n'était plus nécessaire et le capitaine partit pendant la soirée. La rébellion s'est terminée peu après. Big Bear, le dernier révolutionnaire sur le terrain, s'est rendu au Fort Carleton le 2 juillet.

Un écrivain de « The Bulletin » déclare que Harrison Young et sa famille se sont rétablis au Lac La Biche « en octobre, quand l'immeuble a été réparé. Entre-temps, les Indiens maintenant effrayés avaient ramené les fourrures et les biens volés » (Bulletin 1907, cité dans MacRae 1912:426). Peu après la razzia, Young « a rencontré de nombreux Indiens du lac Beaver et les a obligé à rendre (...) les fourrures et les biens qu'ils possédaient encore. Ils lui rendirent la moitié des fourrures pillées et une quantité considérable de biens mais la grande majorité de ces biens était tellement salie, déchiré et endommagée qu'ils n'avaient plus aucune valeur. Ces biens incluaient des couvertures, des vêtements, des articles en fer-blanc, des ficelles, du coton, des imprimés et des tissus » (HBCA, PAM, E.9/28, fos. 494-495).

Le retour de ces biens n'empêcha pas le procès des contrevenants plus tard. « L'inspecteur Brooks de la police montée est arrivé au poste avec quelques hommes et un message a été envoyé par M. Young afin que les Indiens du district se rassemblent au fort. Ce qu'ils ont fait, prestement, silencieusement, campant autour du fort à leur arrivée. Les meneurs étaient choisis par M. Young et la police. Cinq minutes après, la tribu entière levait le camp et se préparait à partir rapidement par peur que la police ne change d'avis et en veuille d'autres. On donna aux meneurs une audience préliminaire dans la chambre de commerce au poste et promis un procès au fort Saskatchewan. Ils ont langui pendant des journées dans la salle des gardes jusqu'à ce qu'un juge vienne et que leur punition étant considérée adéquate, ils soient relâchés. Ils quittèrent rapidement pour se rendre au camp de leur tribu et de suite reprirent leurs relations cordiales avec l'agent et sa famille » (Bulletin 1907, cité dans MacRae 1912:426). Néanmoins, pendant l'hiver 1885-1886 « les Indiens de la tribu du lac Beaver n'ont pas chassé (...) car ils s'étaient approvisionnés avec des vêtements chauds quand ils pillaient le Fort » (HBCA, PAM, B.60/e/12/fo.5). Le commerce était revenu à la normale et l'opposition était aussi nombreuse et active qu'avant. Young a essayé de protéger le commerce sans augmenter les prix à un niveau non profitable mais il a pensé qu'il pourrait protéger plus de fourrures et « ruiner quelques commerçants qui présentement achètent de nous et dont la fourrure est une règle protégée par la Compagnie » (HBCA, PAM, B.60/e/12/fo.5) s'il poussait davantage et augmentait les prix.


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