Harper courtise le Québec; Fédéralisme d'ouverture, rôle international accru, fin du déséquilibre fiscal
Publication : Le Devoir
Section : Les actualités
Page : A1
Byline : Robert Dutrisac
**Extrait**
Le chef du Parti conservateur Stephen Harper a promis, hier, de créer une charte du «fédéralisme d'ouverture» et de régler le déséquilibre fiscal tout en encadrant le pouvoir fédéral de dépenser.
Stephen Harper s'est prêté à une opération charme au cours de laquelle il a dévoilé, dans un discours devant la Chambre de commerce de Québec, son programme électoral pour le Québec.
Dans son allocution, le chef conservateur a même évoqué la possibilité que le Québec, qui n'a toujours pas signé la Constitution de 1982, puisse intégrer «la famille constitutionnelle quand les circonstances y seront favorables».
Dans ce même esprit d'ouverture, M. Harper s'est engagé à permettre au Québec de participer aux institutions internationales comme l'UNESCO, selon le modèle du Sommet de la Francophonie. C'est plus que l'exigence présentée par le gouvernement Charest, qui s'est contenté de réclamer d'Ottawa une place dans la délégation canadienne au sein de cet organisme onusien.
Dès son arrivée au pouvoir, M. Harper entamerait des discussions pour régler le déséquilibre fiscal. «Le déséquilibre fiscal n'est pas seulement un problème budgétaire, une question de gros sous. C'est le fonctionnement et l'esprit même de la fédération canadienne qui est en cause», a-t-il déclaré. Le chef conservateur s'est engagé à encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, le corollaire du déséquilibre fiscal, dont «ont tellement abusé» les libéraux fédéraux. «Le pouvoir de dépenser exorbitant a donné naissance à un fédéralisme dominateur, un fédéralisme paternaliste qui est une menace sérieuse pour l'avenir de notre fédération», a-t-il dit.
Le chef conservateur ne fixe pas d'échéance pour régler le déquilibre fiscal puisque les provinces et le gouvernement fédéral doivent en venir à un consensus et que les discussions à ce sujet seront difficiles, a-t-il prédit. Mais contrairement aux libéraux qui nient le déséquilibre fiscal, les conservateurs reconnaissent qu'il s'agit d'un problème réel et qu'il est sérieux. «Je reconnais que l'argent est à Ottawa mais que les besoins sont dans les provinces», a dit M. Harper, reprenant une formule que l'ancien premier ministre Bernard Landry a répétée à satiété. «C'est une grande reconnaissance.»
Pour régler le déséquilibre fiscal, le Parti conservateur est prêt à étudier toutes les possibilités, comme en fait foi une résolution adoptée lors de leur congrès de mars dernier, soit le transfert de points d'impôt, le transfert d'un champ fiscal ou encore les transferts financiers, a indiqué M. Harper.
Les changements constitutionnels que M. Harper envisage seront graduels («incremental», a-t-il dit en anglais) et devront faire l'objet de consensus. Il a écarté la tenue de grandes négociations constitutionnelles. «Nous n'allons pas empêtrer le gouvernement dans une discussion sur chacun des aspects de la Constitution ou sur une espèce d'amendement constitutionnel omnibus», a-t-il dit.
Le chef conservateur avoue que le tout reste vague. «C'est vague mais c'est différent de la position des libéraux qui s'opposent à n'importe quelle discussion de la Constitution, point final», a-t-il fait remarquer. Parmi les changements envisagés, M. Harper a cité l'exemple de la réforme du Sénat proposée par les conservateurs et des ententes non constitutionnelles sur le rôle international des provinces, ententes qui pourraient être un jour constitutionnalisées.
Sur le plan international, le Québec ainsi que les autres provinces, bien qu'elles en voient moins l'utilité, «pourront avoir voix au chapitre sur des choses qui affectent leurs propres compétences», a dit le chef conservateur, ce qui est fidèle à la doctrine Gérin-Lajoie, jugée dépassée par le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew. «Il est prouvé que le Québec peut exprimer ce côté de sa nature, ce caractère distinct, sans avoir nécessairement recours à la souveraineté.»
Enfin, cette charte du «fédéralisme d'ouverture» se veut une option alternative «à la vieille attitude paternaliste et arrogante pratiquée par les libéraux fédéraux envers le Québec et à l'obstruction aveugle et stérile du Bloc québécois», a fait valoir M. Harper. Elle comprendra la reconnaissance de l'autonomie des provinces et «des responsabilités culturelles et institutionnelles spéciales du gouvernement du Québec». Elle liera le gouvernement au respect des compétences provinciales tout en instituant un mécanisme de consultation permanente avec les provinces et la collaboration avec le Conseil de la fédération. En outre, cette charte consacrera la correction du déséquilibre fiscal et l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser.