Il faut s’occuper des anciens combattants handicapés : une décision judiciaire renforce la dénonciation du manque d’intérêt d’Ottawa
Section : éditorial
Publication : Calgary Herald
Page : A8
**Extrait**
On serait porté à penser que peu de Canadiens méritent davantage de bonne volonté de la part de leur prochain que les soldats âgés qui éprouvent des difficultés par suite de blessures subies lorsqu’ils ont servi sous les drapeaux.
Le chef conservateur Stephen Harper ne courait donc aucun risque lorsque, juste avant Noël, il a pris l’engagement qu’un gouvernement conservateur aiderait les anciens combattants handicapés en réorganisant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pour qu’il soit mieux disposé envers les demandeurs.
Il est devenu évident, dans la dernière semaine de décembre, qu’il ne courait vraiment aucun risque. En effet, une décision de la Cour supérieure de l’Ontario sur les pensions des anciens combattants handicapés a remis en question la gestion fédérale des affaires de ces anciens combattants. Cette décision, conjuguée à la critique que Harper a faite du Tribunal des anciens combattants fait ressortir, à Ottawa, une tendance à négliger les intérêts supérieurs des anciens combattants.
La Cour a conclu que l’intérêt sur les pensions détenues en fiducie par Ottawa pour les anciens combattants jugés incapables de gérer leurs propres affaires en raison de la gravité de leurs blessures n’avait pas été versé sur leurs comptes depuis la Première Guerre mondiale.
Le gouvernement fédéral n’a pas essayé non plus de maximiser leurs prestations en plaçant judicieusement leurs avoirs.
Le juge a donc décidé qu’Ottawa devait 4,6 milliards de dollars en intérêts accumulés à 30 000 anciens combattants et à leurs descendants.
La décision sera presque certainement portée en appel.
Si c’est bien le cas, le règlement pourrait demander des années. Toutefois, ce que Harper propose pour aider les anciens combattants handicapés dans leurs relations avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pourrait se réaliser bien simplement. Et c’est dans cette voie qu’il faut s’engager, peu importe le parti qui formera le gouvernement après le 23 janvier.
Le Tribunal, qui est saisi des demandes de pension d’invalidité rejetées par le ministère des Anciens Combattants, fait l’objet de nombreuses critiques parce qu’il tend à retarder les choses, à se défiler et à prendre de mauvaises orientations et à se montrer mesquin, comme un ancien combattant albertain l’a dit il y a quelques mois dans une lettre adressée au National Post.
Le problème tient en partie au fait que, sur les 26 membres du Tribunal, nommés par favoritisme, seuls quatre ont une expérience militaire.
Harper a promis de nommer des membres qui comprennent mieux les circonstances qui peuvent être à l’origine du handicap : des militaires qualifiés, des membres du personnel médical et des représentants des anciens combattants.
Ce serait un net progrès, car il est facile d’interpréter les règles existantes d’une façon défavorable au demandeur.
Par exemple, si un homme âgé qui a des problèmes auditifs a servi dans l’artillerie, c’est à lui qu’il incombe de présenter la preuve documentaire que ce handicap est lié de façon concluante au service militaire et qu’il n’est pas la simple conséquence du vieillissement.
En principe, cette rigueur semble une garantie normale si on veut protéger les contribuables contre les demandes frauduleuses.
Selon la proposition de Harper, par contre, les contribuables ont déjà été protégés une fois par les anciens combattants et il faut donner le bénéfice du doute au vieux soldat.
Du point de vue électoral, cette proposition est adroite, et il est probable qu’elle renforcera la popularité des Conservateurs auprès des 220 000 anciens combattants canadiens.
Pourtant, le fait de prendre bien soin de ceux dont la vie a été bouleversée parce qu’ils ont servi leur pays semble être une manifestation bien timide des valeurs canadiennes que le gouvernement actuel exalte si souvent.
Il a fallu des élections et une décision de la Cour supérieure de l’Ontario pour démasquer publiquement les lacunes du gouvernement dans le dossier des anciens combattants. Voilà qui montre à quel point il comprend mal la question.