Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 1, 1977-1978

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Femme couchée de Henry Moore

par Alan G. Wilkinson


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D'autres dessins de carnet exécutés vers le milieu des années 1920 nous permettent de retracer l'évolution de cette influence dans les oeuvres de Moore. Elle se manifeste en effet dans les trois dessins de figures couchées qui apparaissent à la page 39 du Carnet no 3 de 1922-1924 (fig. 11), et en particulier dans l'étude esquissée à l'intérieur d'un rectangle qui nous montre la figure montée sur une base. Bien qu'il se rapproche par le style de plusieurs oeuvres naturalistes du milieu des années 1920, comme la Femme couchée de 1926, le dessin figurant à la page 21 du Carnet no 5 (fig. 12), qui date de 1925-1926 environ, annonce la sculpture de Leeds, en particulier par la position des bras et la puissante montée du genou. Bien qu'on retrouve ici des réminiscences du Chacmool, le galbe arrondi des formes évoque plutôt Maillol.

The Underground Relief Sketchbook (Croquis pour un relief commandé pour une gare du métro de Londres) de 1928 - qui renferme de nombreuses études de figures couchées en préparation de la première commande de Moore, le Vent du Nord (fig. 13), exécutée pour le Headquarters Building of London Transport à St James's Park Station, Westminster - marque, chez l'artiste, l'apparition du thème obsédant de la figure couchée. Il a d'ailleurs expliqué lui-même l'importance de ce thème dans son oeuvre:

L'élément vital dans la carrière d'un artiste est de trouver un sujet qui lui permette de mettre à l'essai toutes sortes de concepts formels - des concepts dont il n'est pas encore sûr mais qu'il veut expérimenter, comme Cézanne et ses « Baigneuses ».
Dans mon cas, cette expérimentation porte sur les figures couchées. Le sujet est trouvé. Il est là, vous le connaissez et vous l'aimez, de sorte que dans le cadre de ce sujet que vous avez reproduit une douzaine de fois auparavant, vous êtes libre d'inventer un concept formel tout à fait nouveau. (25)

Les dessins esquissés en vue de l'exécution du relief du Vent du Nord allaient finalement mener l'artiste aux croquis préliminaires de la Figure couchée de Leeds. Page de « Underground Relief » Sketchbook: Trois figures couchées de 1928 (fig. 14) illustre bien les dessins que contiennent les quinze premières pages du carnet, où le naturalisme des figures évoque certains dessins de l'époque, de même que la Femme couchée de 1927 en béton coulé. Dans les pages suivantes, et dans certaines études de plus grande dimension, les poses statiques font place à des dessins de figures en mouvement conformes au sujet de la commande. Dans les Idées pour la sculpture « Vent du Nord » de 1928 (fig. 15), la tête, les bras et le buste de la figure qui se trouve juste au-dessus du rectangle annoncent de façon quasi parfaite la Figure couchée de Leeds; ils évoquent également les rythmes du Chacmool. Les formes « en blocs » et la conception plus angulaire de la silhouette humaine que nous présente le dessin comptaient parmi les caractéristiques de la sculpture mexicaine que Moore admirait particulièrement. « J'ai toujours eu un faible pour les formes carrées. La quadrature d'un angle droit émane d'un principe très rigoureux. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles je suis sensible à la sculpture mexicaine et, en particulier, à la sculpture aztèque. » (26)

L'influence du Chacmool se manifeste avec toute sa force dans les études d'une figure couchée pour une sculpture de jardin, à la page 58 du «Underground Relief » Sketchbook (fig. 16), d'où allait naître la Figure couchée de Leeds. La pose de cette dernière est présentée par l'étude de droite, au centre de la page, bien qu'ici la tête soit à droite. Dans le dessin au crayon de la page 52 (fig. 17), l'angularité de la silhouette est encore plus prononcée avec les angles droits que forment le coude et le genou droit. Les protubérances rectangulaires ajoutées de chaque côté de la tête s'inspirent sûrement des caractéristiques semblables qu'on retrouve dans le Chacmool. Il est presque certain que le dessin de la page 51 (fig. 18) du même carnet, qui nous montre la figure couchée au dos d'un banc de jardin, (27) la figure couchée dans l'autre sens, c'est-à-dire la tête à gauche, a conduit à l'étude définitive qui a précédé la Figure couchée de Leeds.

Étude pour la Figure couchée de Leeds de 1928 (fig. 19), c'est-à-dire le dessin définitif préalable à la sculpture, constitue selon toute vraisemblance une version un peu plus grande de la figure allongée du banc de jardin (fig. 18). Le cou est un peu plus long et la tête tournée perpendiculairement au reste du corps. A certains aspects, la sculpture diffère du dessin. Ainsi, dans ce dernier, la main gauche est placée à côté de la tête, tandis qu'elle rejoint l'arrière de la tête dans la sculpture. Le dessin nous présente les trois protubérances rectangulaires et parallèles de la chevelure sous une forme simplifiée, comme une masse unique. L'espace entre les jambes qu' on peut observer dans le dessin n'a pas été dégagé dans la sculpture.

Les différences fondamentales entre le Chacmool et la Figure couchée de Leeds sont tout de suite évidentes. La figure mexicaine représente un dieu de la pluie chez les Toltèques et les Mayas; la figure de Leeds, une femme. Contrairement à la pose quasi symétrique du Chacmool, dont le poids repose sur les coudes, le bas du dos et les pieds, la figure de Leeds est couchée sur le côté droit et supportée par le bras, la hanche et la jambe, ce qui dégage le bras et la jambe gauches de la base. C'est précisément cette pose - la figure couchée sur le côté, une jambe repliée au-dessus de l'autre - qui allait caractériser les différentes versions du thème de la figure couchée chez Moore.

Contrairement à la Figure couchée de Leeds et aux dessins préliminaires qui l'accompagnent, la Femme couchée d'Ottawa, exécutée l'année suivante, n'est pas précédée d'une série d'esquisses ou de dessins qui pourraient nous aider à en retracer l'évolution. Mais, comme la méthode de travail de Moore, de 1921 jusque vers 1955, consistait à esquisser sur papier des idées de sculptures en vue de les concrétiser plus tard, il est permis de supposer que la sculpture d'Ottawa fut exécutée d'après un dessin ou une série de dessins qui ont été perdus par la suite.

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