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Le Souper d'Emmaüs dans la sculpture
du Québec
par John R. Porter et Léopold Désy
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L'espace au-dessus des
personnages du Souper d'Emmaüs de Sainte-Anne-de-Beaupré
est parsemé de nuages d'où trois angelots considèrent la scène
avec intérêt. À l'opposé, le sol est suggéré par un
quadrillage évoquant un dallage de carreaux aux motifs fleuris.
Le cartouche où apparaît le Souper d'Emmaüs semble
rivé au tombeau de l'autel par deux clous dont on aperçoit les têtes
près des extrémités du relief. Sous celui-ci, entre les
feuillages, se profile un serpent qui ouvre la gueule pour croquer
une pomme. Des variantes de ce motif évoquant l'épisode de la
tentation dans la Genèse se retrouvent sur deux autres autels du Québec.
À l'église Saint-Joachim (Saint-Joachim, comté de Charlevoix), le
serpent à la pomme apparaît sous un relief représentant les
saintes femmes au tombeau, oeuvre entreprise en 1816 par Thomas
Baillairgé et son père François (Québec, 1759- Québec,
1830). (8)
On le retrouve également sur le tombeau du maîtreautel de l'église
Sainte-Geneviève (Sainte-Geneviève, Pierrefonds, île de Montréal)
qu'Ambroise Fournier, un sculpteur de Vaudreuil, exécute vers
1847-1848 en s'inspirant probablement des plans de Thomas
Baillairgé. (9) Cette fois, la scène représentée est la mise au
tombeau.
Dans ses Notices biographiques et généalogiques, George Frédérick
Baillairgé (Québec, 1824-1909) écrivait en 1891 le passage
suivant à propos de l'oeuvre de son ancêtre Thomas:
Comme statuaire, il n'y a guère eu de ciseau supérieur au
sien sur ce continent.
Les deux statues de St. Ambroise et de St. Augustin, dans la
chapelle Ste. Anne de la Basilique de Québec, et son Souper
d'Emmaüs dont le bas-relief orne peut-être encore
l'un
des autels de St. Anne de la Pocatière, lui ont mérité la visite
et les félicitations de Lord Dalhousie, un connaisseur dans
1'art,
qui fut gouverneur du Canada, au 19 juin 1820 au 7 septembre 1828. (10)
L'auteur, semble-t-il, aurait commis une erreur dans la localisation
du relief de son ancêtre. Deux lettres qu'il adresse en 1892 à
monseigneur Charles-Édouard Poiré (Saint-Joseph de Lévis, 1810 -
Sainte-Anne à La Pocatière, 1896), supérieur du collège et curé
de l'église Sainte-Anne à La Pocatière (comté de Kamouraska),
nous indiquent en effet que les recherches entreprises pour
retracer le relief dans cette paroisse étaient restées vaines. (11)
Malgré la méprise du biographe, la note relative aux félicitations
de George Ramsay, comte de Dalhousie (1770-1838), nous apprend que
le Souper d'Emmaüs de Baillairgé à Sainte-Anne-de-Beaupré
était perçu comme une oeuvre prestigieuse par les contemporains du
sculpteur. Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que le
bas-relief de Baillairgé ait influencé certains sculpteurs du
XIXe siècle et plus particulièrement les Berlinguet.
A l'église Saint-Rémi (Saint-Rémi, comté de Napierville), il y
avait naguère une représentation du Souper d'Emmaüs (fig.
2) sur la porte du tabernacle de la sacristie. Cette porte aurait été
remplacée par une autre il y a plus de vingt ans (12) et nous avons
tenté en vain de la retrouver. Il en reste heureusement une
photographie, prise en 1937, qui est conservée à l'Inventaire
des oeuvres d'art du Québec. (13)
L'oeuvre ayant été recouverte de plusieurs couches de peinture et
de dorure, plusieurs détails de la sculpture dans son état
originel nous échappent. Cependant, il est facile d'y déceler
dans l'ensemble l'influence du relief de Thomas Baillairgé. Bien
que simplifiées et rendues avec moins d'habileté, la position réciproque
des trois personnages ainsi que leurs attitudes sont les mêmes que
dans le, Souper d'Emmaüs de Sainte-Anne-de-Beaupré. Le
Christ toutefois a une expression plus mélancolique et sa tête est
entourée d'un nimbe circulaire composé de rayons. Par ailleurs,
le sculpteur a curieusement traduit la perspective de la table.
Disposant d'assez peu d'espace pour représenter la vaisselle et la
nourriture, il a radicalement relevé le plan légèrement oblique
du dessus de la table de sorte que celui-ci est vu presque à la
verticale. Le résultat fait songer à certaines expériences que
feront plus tard les cubistes dans leur désir de traduire l'intégrité
des objets. Quoi qu'il en soit, la disposition de la vaisselle n'est
plus tout à fait la même qu'à Sainte-Anne-de-Beaupré, et ceci
malgré les efforts évidents du sculpteur. Faute de place, le
Christ n'a plus de verre. La carafe perd de son importance, tandis
que le plat principal et la salière gagnent en volume.
Introduisant d'autres variations, le sculpteur de l'église Saint-Rémi
pose deux couteaux de biais sur le bord de la table, remplace les
trois poissons par une cuisse de poulet et met de la nourriture dans
les assiettes des trois personnages. Enfin, le devant de la table
est maladroitement simplifié. La longue nappe qui tombe ne laisse
voir que les extrémités des deux pattes du devant de la table de même
que les pieds informes du Christ.
Par delà les changements introduits avec plus ou moins de succès
par son sculpteur, le Souper d'Emmaüs de l'église Saint-Rémi
dénote une grande originalité par le cadre intérieur où il se déroule.
En effet, même si l'artiste a curieusement omis le carrelage au
niveau du sol, il n'a pas hésité à remplacer les anges et les
nuages de Thomas Baillairgé par un décor bien terrestre. Ainsi,
le pourtour de la partie supérieure du relief est parcouru par de
grands rideaux pincés aux angles et au milieu. A ce dernier
endroit, ils sont séparés par un lustre qui pend au-dessus de la tête
du Christ. À l'arrière-plan, deux panneaux rectangulaires sont enfoncés dans le mur, vis-à-vis des disciples: il s'agit
vraisemblablement de fenêtres. La structure de cette composition très
équilibrée rappelle par sa lampe et ses deux fenêtres une gravure
sur bois coloriée conservée au Musée Alsacien de
Strasbourg. (14)
Gérard Morisset attribuait le relief de l'église Saint-Rémi à
Louis Narbonne (Saint-Rémi, 1833- Montréal, 1869) et situait son
exécution vers 1840. Dans le deuxième livre de comptes de cette
paroisse, il n'est pourtant question de Louis Narbonne, en 1840-1841, qu'à propos de lustres. D'autre part, ce sont les
architectes et entrepreneurs Louis-Thomas Berlinguet (Saint-Laurent
[Montréal], 1789- Québec, 1863) et Louis Laurent Flavien
Berlinguet qui réalisent, de 1845 à 1854, l'ensemble des ouvrages
sculptés de cette église. En ce qui concerne la sacristie, deux
mentions des livres de comptes de la fabrique nous semblent devoir
être retenues:
1853 Pour les ouvrages de la sacristie à Ms Berlinguet 100.0.0.
...
1854 Pour M. Berlinguet, pour tabernacle et sacristie
100.0.0. (15)
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