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Le Souper d'Emmaüs dans la sculpture
du Québec
par John R. Porter et Léopold Désy
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À la lumière de ces
extraits, il nous semble plus logique d'attribuer le relief du Souper
d'Emmaüs à l'un des Berlinguet. Selon nous, Louis Laurent
Flavien en serait l'auteur, car les deux interprétations du même
thème, sculptées quelques années plus tard par Louis-Thomas,
font preuve d'une maîtrise beaucoup plus grande aux plans de la
composition et de la technique.
La première représentation du Souper d'Emmaüs exécutée par
Louis-Thomas Berlinguet (fig. 3) se trouve sur la porte du
tabernacle de la sacristie de l'église Saint-Pascal (Saint-Pascal,
comté de Kamouraska). Il sculpta cette oeuvre vers 1857. (16)
Suivant les mêmes dispositions générales que les reliefs de
Sainte-Anne-de-Beaupré et de Saint-Rémi, elle en est une sorte de
synthèse. Comparativement à ce dernier, la perspective de la table
est rétablie; la nappe tombe de façon normale; toutes les pattes
de la table et celles du banc du Christ réapparaissent en même
temps que ses pieds et qu'une partie de sa tunique. Le carrelage recouvre à nouveau le sol et les attitudes des disciples sont rendues
avec plus de soigné et avec plus de détails. Malgré ce retour
au modèle premier de Sainte-Anne-de-Beaupré, Louis-Thomas
Berlinguet tire parti de certaines innovations introduites par le
sculpteur de l'église Saint-Rémi. La disposition de la vaisselle et de la nourriture est identique, mais les divers éléments
y sont sculptés avec davantage de précision. Le lustre, les
rideaux et les fenêtres sont également représentés. Les rideaux
sont toutefois surmontés d'un bandeau, l'ensemble formant désormais
une cantonnière; quant aux fenêtres, elles acquièrent moulures
et carreaux, tandis qu'une armoire pannelée à corniche apparaît
derrière le Christ.
Dans l'ensemble, la composition de Saint-Pascal s'avère très
consistante. Par surcroît, elle est plus aérée et plus dynamique
que celle de Saint-Rémi. Cette fois, on a l'impression d'être
devant un véritable intérieur où se sont attablés trois
personnages, certes un peu lourds et joufflus, mais en même temps
très concrets.
La seconde version du Souper d'Emmaüs de Louis-Thomas Berlinguet
(fig. 4) est quasi identique à la première (si l'on excepte le
traitement de la nappe au premier plan). Il s'agit de la porte du maître-autel
de l'ancienne église Saint-Antoine de la Baie-du-Febvre, exécuté
vers 1859 et aujourd'hui conservé au Musée de l'Homme, à
Ottawa. (17) Grâce à une meilleure application de la dorure, les
contrastes du relief sont mieux accusés et les personnages, ainsi
que les objets, se détachent plus nettement. La touche du sculpteur
confère également plus d'expression aux trois personnages,
notamment au Christ.
Aux variations des Berlinguet exécutées à partir du relief de
Thomas Baillairgé vient s'ajouter une interprétation (fig. 5) du
sculpteur Jean-Baptiste Côté (Québec, 1832- Québec, 1907) à la
fin du XIXe siècle. On ignore la provenance de cette oeuvre en bois
polychrome qui fait maintenant partie de la collection de Monsieur
Paul Gouin de Montréal. (18) On peut toutefois présumer qu'elle
ornait originellement un tombeau d'autel, tout comme les reliefs
en stuc polychrome si populaires à l'époque. En effet, la
sculpture de Côté se présente à mi-chemin entre le haut-relief
et la ronde-bosse, une seule face dc l'oeuvre demeurant inachevée.
Le Souper d'Emmaüs de Jean-Baptiste Côté ne s'apparente à
l'oeuvre de Thomas Baillairgé que par sa disposition générale et par
les gestes de ses personnages. Tout le reste a été réinterprété
ou modifié suivant l'originalité de l'artiste. Le Christ et les
deux disciples sont assis à une table reposant sur deux tréteaux
et recouverte d'une nappe à frange. Devant chacun des protagonistes
se trouve une simple assiette ronde au rebord fortement prononcé.
C'est dans une assiette de même type, quoique plus petite, que
repose une coupe de forme curieuse à la portée du Christ. Dans la
main gauche, celui-ci tient un gros pain ovoïdal qu'il bénit de
l'autre main. Il est revêtu d'une longue tunique qui, sous la
table, tombe sur ses pieds nus. À sa droite, un disciple barbu
traduit son émotion dans un geste dynamique accentué par le tracé
de ses vêtements et l'expression de son visage. Le disciple qui lui
fait pendant est également assis sur un tabouret de forme primitive
et il a les pieds nus. Barbu, les cheveux longs avec le haut de
la tête dégarnie, il joint les mains dans un geste de prière et
d'humilité tout en dirigeant un regard pathetique vers le Christ.
Les vêtements des deux disciples différent totalement de ceux que
nous avions retrouvés dans les versions antérieures.
En regard du Souper d'Emmaüs, des différences encore plus marquées
apparaîtront dans des hauts-reliefs en stuc fabriqués en séric au
cours du XXe siccle. Vers 1867, Thomas Carli (Coreglia
Antelminelli, province de Lucca, Italic, 1838- Montréal, 1906)
fonda à Montréal un atelier se consacrant essentiellement à
l'exécution
de moulages de statues et de scènes religieuses. L'atelier de T.
Carli connut bientôt une grande prospérité; il devait être pris
en charge en 1906 par les fils de son fondateur. Dès lors, trois
sculpteurs collaborerent aux créations chez T. Carli: son fils
Alexandre (Montréal, 1861- Montréal, 1937) ainsi que ses neveux
Apollo (Coreglia Antelminelli, 1881- Montréal 1968), à partir de
1915, et Carlo (Coreglia Antelminelli, 1894), à partir de 1920.
Vers 1923, les intérêts de l'atelier T. Carli furent rachetés par
Petrucci & Frères pour former l'atelier T. Carli-Petrucci Ltée
qui demeura en activité jusqu'en 1965. (19) Nous avons pu retracer
quelques reliefs du Souper d'Emmaüs sortis des moules de l'atelier
T. Carli. Deux d'entre eux prennent place au centre de tombeaux
d'autels entre des représentations du Sacrifice d'Isaac et de la Bénédiction
du pain et du vin par Melchisédech, roi et prêtre de Jérusalem.
On conserve dans le Fonds Joseph Villeneuve (Archives de l'université Laval) un grand nombre de plans d'autels dont plus de
vingt-cinq nous présentent les trois scènes dont nous parlions à
l'instant. Comme ces plans, pour la plupart, ne nous indiquent pas
l'endroit où ils devaient être appliqués, nous devons nous
contenter ici des deux qu'il nous a été possible de repérer.
Le relief central (fig. 6) du maître-autel de l'église
Saint-Sauveur (Québec) est un moulage polychrome signé, installé
en 1920. (20) Le Souper d'Emmaüs se situe dans un cadre
classique suggéré par une sorte de grande niche à pilastres et à
conque apparaissant à l'arrière-plan. Le Christ s'inscrit au
milieu de ce décor. Barbu, les cheveux longs, la tête entourée
d'un nimbe dont les rayons évoquent la forme de pétales, il lève
les yeux au ciel en bénissant le pain. La table est entièrement
recouverte d'une grande nappe qui tombe jusqu'au sol. On n'y voit
qu'un calice et un morceau de pain (en exceptant celui que le
Christ tient dans la main gauche). Les disciples sont assis sur des
tabourets de part et d'autre du Christ. Comme le Sauveur, ils sont vêtus
de longues tuniques. Tous deux ont les pieds nus et avancent un
genou devant la table. Celui de gauche est imberbe et joint les
mains; l'autre, barbu, a la main droite sur la table et l'autre
au-dessus de la jambe gauche. Les deux disciples ont le regard rivé
sur le Christ. Le sol est carrelé et devant la table se trouvent
une grosse carafe et un linge déposés sur un plateau.
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