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Le Souper d'Emmaüs dans la sculpture
du Québec
par John R. Porter et Léopold Désy
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Le relief (fig. 7) occupant le
centre du tombeau du maître-autel de la cathédrale de Chicoutimi
(comté de Chicoutimi) a été exécuté vers 1922; (21) il est presque identique au précédent. Toutefois, on a donné plus
d'importance au décor; son architecture diffère sensiblement de
celle du relief de l'église Saint-Sauveur. Grâce aux jeux de la
polychromie, deux fenêtres s'ouvrent de part et d'autre de la niche
centrale et un paysage y apparaît. Les couleurs vives confèrent
également plus de contrastes, plus de relief et plus d'expression
à l'ensemble de la scène.
À la lumière des reliefs de Saint-Sauveur et de Chicoutimi, il
semble logique d'attribuer également à l'atelier T. Carli celui
qui occupe le tympan du portail central de la cathédrale de
Saint-Hyacinthe exécuté vers 1907 (22) (fig. 8). La composition et
les personnages sont les mêmes, avec, pour seules différences,
le déplacement de la carafe et la disparition du linge au premier
plan, l'omission du décor de l'arrière-plan et l'addition de rayons
complémentaires au nimbe du Christ.
Analyse
Le repas eucharistique
d'Emmaüs, au cours duquel le Christ ressuscité se révèle par la
fraction du pain, est en quelque sorte une répétition réduite de
la Cène. (23) En ce sens, les différentes versions du Souper
d'Emmaüs
au Québec sont rattachées de diverses façons au repas
eucharistique. Placé sur la porte du tabernacle, le Souper d'Emmaüs
est un rappel direct du contenu de l'armoire où sont conservées
les Saintes Espèces. Sur le tombeau, le repas eucharistique apparaît
comme l'un des fondements essentiels de la vie chrétienne. On
peut interpréter sa présence au portail comme une invitation au
sacrifice du pain et du vin. Quoi qu'il en soit, les différents
sculpteurs n'ont pas conféré la même intensité au caractère
eucharistique de cette scène. Chez Baillairgé, cet aspect nous
semble très accentué par la noblesse des personnages et par la présence
des anges dans le ciel. Il en est de même chez
les Carli, pour leur part, n'ont retenu sur la table que le pain et
le vin. On constate une absence quasi totale de mystère chez les
Berlinguet, leurs oeuvres s'apparentant davantage à une scène de
genre. Quant à côté, c'est essentiellement par la figure mystique
du Christ qu'il dépasse le caractère de repas paysan qui se
dégage à première vue de son oeuvre.
Ces variations peuvent s'expliquer par l'importance apologétique
que l'Église confère au Souper d'Emmaüs. (24) En effet, à travers
ce repas, on a longtemps cherché à prouver que le Christ attablé
avec deux disciples n'était pas un pur esprit, mais plutôt le
Ressuscité, en chair et en os. Dès lors, certains artistes ont
accordé plus ou moins d'importance au caractère terrestre et
concret du repas à Emmaüs. Par delà la préoccupation
apologétique, Thomas Baillairgé a conféré une signification
additionnelle à son relief. La présence du serpent de la tentation
sous celui-ci lui permet de souligner le triomphe du bien sur le mal
à travers le sacrifice eucharistique. Son oeuvre acquiert par le
fait même une valeur didactique.
La composition des variantes québécoises du Souper d'Emmaüs
contribue en elle-même à leur densité religieuse. Dans chacune
d'elles, il y a une recherche de perspective d'où découle une
structure axée. Celle-ci permet de souligner une différence de
rôle entre le Christ et les disciples. Quant aux accessoires, ils
se réduisent presque à l'essentiel et sont subordonnés à la
structure du groupe ternaire. La scène se jouant sur deux plans
(celui du Christ et celui des disciples) avec un axe fortement
marqué, on aboutit à un idéal classique. Par surcroît, les
figures latérales, assisses aux deux bouts de la table, se
présentent de profil et il en résulte un jeu de courbes plus
riche; ce jeu assure un contraste graphique entre la figure axiale
du Christ et les figures latérales des disciples.
Un principe d'intimité mystique détermine dès lors la vraie
ambiance du Souper d'Emmaüs, tout véritable élément de
diversion étant éliminé. C'est ainsi qu'un espace restreint
suffit pour fixer l'instant idéal de la transfiguration,
c'est-à-dire le moment où les disciples s'aperçoivent en
présence de qui ils sont. Dans le relief de l'église Saint-Rémi
et dans ceux des Carli, le nimbe rayonnant autour de la tête du
Christ vise à accentuer le moment de la transfiguration. Même s'il
ne fait pas usage de cette radiance, Baillairgé arrive à un effet
analogue en faisant apparaître des anges dans le haut de son
relief, tandis que Côté y parvient par le regard céleste du
Christ. Cette impression est moins nette dans les oeuvres de
Louis-Thomas Berlinguet bien qu'elle soit quand même assurée par
la réaction des disciples. En effet, comme dans toutes les versions
étudiées, un certain fluide énergétique se dégage du personnage
du Christ et délenche chez ses compagnons de vives réactions. On
peut dès lors parler de pôle actif et de pôles réactifs, la
réaction suivante une ligne soit ascendante (sursaut ou
redressement), soit descendante (fléchissement ou mouvement
d'agenouillement). Suivant la même veine, on pourrait interpréter
ces mouvements comme centripète (on se porte vers le Christ) ou
comme centrifuge (on se rejette en arrière). (25)
Conclusion
Bien qu'elles ne
soient guère diversifiées, les versions du Souper d'Emmaüs que
nous avons étudiées sont révélatrices de préoccupations
structurales, plastqiues et religieuses. Dans le cas présent, il
nous est pas possible de distinguer la part du client de celle du
sculpteur dans ces préoccupations. Toutefois, il ne fait aucun
doute que si certains sculpteurs ont fait preuve de mimétisme dans
leurs oeuvres. ils ont quand même démontré leur originalité par
des variations, notamment au niveau de la nature morte. De plus,
alors que les uns vont insister sur le caractère religieux du
Souper d'Emmaüs, d'autres préféreront laisser place à une scène
quasi paysanne se déroulant dans un intérieur québécois. Malgré
nos recherches, de nouvelles facettes de ce thème restent sans
doute à découvrir, comme en fait foi la curieuse interprétation
(fig. 9) apparaissant sur un plan d'autel attribué à David Ouellet
(Québec, 1844- Québec, 1915) et probablement dessiné à la fin du
XIXe siècle. (26)
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