Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 2, 1978-1979

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A. Y. Jackson en France, en Belgique et en Hollande: Carnet de croquis de 1909

par Rosemaire L. Tovell

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*Tous les dessins sont illustrés d'après le carnet de 1909. lis sont au crayon sur vélin. Dimensions: 21,8 x 17,5 cm.

En 1976, les membres de la famille de feu Charles Bowlby Clement offraient, en son nom, à la Galerie nationale du Canada le seul carnet relié de A. Y. Jackson qui subsiste encore. (1) Le carnet est peut-être le document le plus important que nous possédions puisqu'il nous renseigne sur ses façons de travailler et évoque avec clarté ce temps crucial où Jackson cesse d'être l'élève pour devenir un artiste accompli.

L'importance du carnet tient à plusieurs raisons. D'abord, il nous renseigne sur ses activités à Épisy (France) au cours de 1909 et sur son voyage trop peu connu en Belgique et en Hollande. Lorsque le carnet est étudié de concert avec les lettres que Jackson écrivait à sa mère et à sa soeur, une surtout qu'il destinait à sa mère, le carnet fournit un récit précis de ses voyages et de ses travaux entre avril et novembre ou décembre 1909, alors qu'il revenait au Canada. (2) Ensuite, à travers les dessins, on peut voir l'évolution des perceptions et, par conséquent, des styles - depuis les oeuvres où le style académique et l'abondance des détails, jusqu'à celles où l'intérêt grandissant pour la forme et la couleur traduit un style de plus en plus personnel. Les codes de tons ou de valeurs, qu'il devait utiliser plus tard dans bon nombre de dessins à la mine, font ici une apparition incertaine. Enfin, ce carnet est d'autant plus précieux qu'il contient les croquis qui ont donné naissance à quelques-unes des grandes toiles de 1909, dont certaines ont été perdues ou détruites.

On trouve des dessins sur 39 des 52 feuillets du carnet, lequel mesure 21,8 x 17,5 cm, pour un total de 57 illustrations. Le carton vert de la couverture porte l'inscription A. Y. Jackson / 13 rue / de l'Abbé Grégoire / Paris; il s'agit du numéro de l'appartement qu'il partageait avec Frederick Porter (1883-1944) et Eric Spencer Macky (1880-1958), deux Néo-Zélandais qui étudiaient les beaux-arts. C'est là que Jackson a habité de temps en temps de septembre 1907 à novembre ou décembre 1909, date où il rentre au Canada.

Ses activités durant 1909

Le carnet aurait été acheté pour 1,10 franc, à la maison Moreaux, boulevard Montparnasse, si l'on en croit le cachet à l'intérieur de la couverture. Jackson l'a sans doute acheté, avant de prendre la route d'Episy (passant par Moret-sur-Loing), donc avant le 3 avril 1909, puisqu'on n'y trouve aucun dessin de Paris. Sauf les rares exceptions, les dessins identifiables suivent un certain ordre chronologique. Comprenons donc que Jackson n'utilisait pas les pages les unes après les autres, mais par groupes successifs et que, à l'intérieur de ces groupes, l'ordre n'a pas été respecté.

Dans le premier groupe, recto du feuillet 2 au recto du 5 (ex; fig. 1), on peut reconnaître quatre paysages de la région d'Episy, sur le canal du Loing, près de la forêt de Fontainebleau. Vu l'absence de dessins pendant ce premier mois à Épisy, il se peut que A. Y. ait surtout travaillé à l'huile. (3)

Jackson et Porter s'étaient installés dans la ferme de Madame Goix; (4) cependant, le 14 juin il était de retour à Paris pour rencontrer Mlle Geneva Jackson, sa tante, qui visitait l'Europe. Resté à Paris jusqu'au 1er juillet, il prit le train pour Anvers (passant par Bruxelles) et y descendit vers le vendredi matin. (5)

Sa première journée en cette ville se résuma à un tour, à un petit somme dans le parc et à une randonnée au Jardin zoo-logique. Comme il ne se sentait pas bien il ne réussit aucun dessin le samedi matin, mais le dimanche, s'étant tout à fait remis, il commença à dessiner. (6) Le seul dessin qui puisse être rattaché avec certitude à Anvers est une étude méticuleuse de la cathédrale Notre-Dame (f. 9ro; fig. 2). Un autre dessin qui montre un détail de fenêtres gothiques (f. 6ro), est probablement une représentation de la cathédrale et le paysage qui figure au recto du feuillet 7 et a peut-être été dessiné au cours de la randonnée qu'il fit le samedi après-midi et qui l'amena en Hollande en traversant l'Escaut. (7)

Le mardi 6 juillet, Jackson arrive à Dordrecht. « Il a commencé à pleuvoir pendant que j'étais dans le train...les trois premiers jours, il a plu presque sans arrêt. J'ai fait mes excursions sous la pluie. C'est une jolie petite ville, bien qu'elle soit presque trop propre et soignée pour en faire des croquis...les gens sont trop curieux, on aurait du mal à tailler son crayon sans être aussitôt entouré d'une cinquantaine de badauds...Ai réussi à faire quelques dessins mais pas grand-chose, devais tenir mon parapluie en même temps, pas facile. » (8) Hardy, un artiste anglais qu'il avait rencontré à Etaples (Pas-de-Calais) l'année précédente et qu'il ne mentionne que par son nom de famille, se trouvait aussi à Dordrecht et devait plus tard rejoindre Jackson à Katwijk aan Rijn.

Le carnet ne semble contenir aucun dessin décrivant avec certitude Dordrecht. Toutefois, au recto du feuillet 13 jusqu'au recto du 16 s'y trouve une série de dessins et de notes qui étudient la façon de présenter la direction des vents et leurs effets sur les voiliers (ex. fig. 3). En 1966, Jackson disait avoir copié ces dessins dans un livre sur la peinture marine. Il se peut qu'il ait aussi copié le texte, car son écriture ne coule pas avec le même naturel que d'habitude. Le fait qu'il ait dépeint la mer et des voiliers qui lui étaient peu familiers avec autant d'exactitude semble confirmer les souvenirs de A. Y. à ce sujet. Compte tenu du mauvais temps qui marqua son séjour à Dordrecht et l'endroit où se trouvent les dessins dans le carnet, il est probable que ceux-ci aient été faits dans sa chambre d'hôtel. (9) Si Jackson a effectivement tenté de réaliser quelques dessins, le seul qui puisse être rattaché à Dordrecht se trouve au recto du feuillet 10, où sont esquissés divers personnages.

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