Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 4, 1980-1981

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À propos de Parachutes végétaux 
de Paul-Émile Borduas. Essai de définition 
du « surréalisme » pictural de Borduas

par François-Marc Gagnon

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C'est du 20 mars au 20 avril 1947, à l'occasion du 64e Salon du printemps de l'Art Association of Montreal que Borduas présenta pour la première fois au public le tableau qui fait l'objet du présent article. Il s'agit de Parachutes végétaux (fig. I), acquis à l'atelier de l'artiste le 21 décembre 1948 par la Galerie nationale du Canada et s'y trouvant toujours. Borduas avait aussi accroché à cette exposition un autre tableau de la même année, Carquois fleuris (fig. 2), qui est maintenant au Musée des beaux-arts de Montréal. Ces tableaux étaient probablement hors concours, Borduas faisant partie avec John Lyman (1886-1967) et Gordon Webber (1909-1965) du jury de la section « moderne » du Salon. Quoi qu'il en soit, la présentation de ces deux tableaux à cette exposition ne fit pas grand bruit dans la presse de l'époque. Le seul critique à en avoir parlé fut Gabriel La Salle qui leur consacra une ligne dans le journal Le Canada, livraison du 15 avril 1947: 
« Deux Borduas qui ont l'air  surpris devant tant de néophytes, sont d'une allure de plus en plus sévère et nue ».

Des deux toiles exposées au Salon du printemps, Parachutes végétaux était la plus proche de nous dans le temps. On sait que depuis l'hiver 1944-1945, Borduas avait pris l'habitude de donner un numéro d'ordre comme titre à ses tableaux. Ainsi, Parachutes végétaux fut titré 19.47 et Carquois fleuris, 8.47, dix toiles ayant été peintes dans l'intervalle. On ne connaît le titre que d'un seul autre tableau qui l'ait suivi: Nous irons dans l'île, numéroté 20.47. C'est dire que lorsque Borduas peignit Parachutes végétaux, il arrivait au bout d'un cycle de production de quatre mois. Il n'est donc pas étonnant que, même s'il est moins ambitieux qu'un tableau comme Sous le vent de l'île (fig. 3) numéroté 1.47, notre tableau paraisse plus achevé. D'un point de vue chronologique, on peut noter enfin qu'il a dû être peint à l'époque ou peu après la deuxième exposition automatiste de la rue Sherbrooke.

Parachutes végétaux est de dimensions moyennes et de format horizontal, signé et daté en bas à droite: Borduas / 47. Sur un fond (peint au pinceau) paraissant reculer à l'infini, l'artiste a détaché trois groupes de formes (peintes à la spatule) qui flottent dans l'espace. La forme de gauche s'ouvre en éventail vers le haut de la composition. Celle du centre est double et semble faire pivoter autour d'un même axe deux formes fermées. Celle de droite, enfin, est très ouverte vers le côté du tableau. Le détachement des formes sur le fond est assuré à la fois par la technique (spatleau lieu de pinceau), par les dominantes de couleur (rouge-brun pour le fond, vert chartreuse, noir, rouge et blanc pour les formes) et surtout par le caractère d'objet des formes. On notera que non seulement les formes ne sont pas distribuées également sur toute la surface du tableau mais qu'aucune d'entre elles ne touche la périphérie du tableau. Par ailleurs, la distribution des formes dans l'aire picturale crée une impression de grande maîtrise. On voit mal comment un élément ou l'autre de l'ensemble pourrait être déplacé sans compromettre l'équilibre de la composition.

Les caractères que nous venons de définir à propos de Parachutes végétaux sont, pour ainsi dire, classiques de la production automatiste de Borduas. On les retrouve tels quels dans la plupart de ses tableaux de cette époque. Ils s'appliquent tout à fait à Carquois fleuris, par exemple. La principale différence entre les tableaux vient, en plus de la nature des formes et des associations verbales auxquelles elles peuvent donner lieu, de la couleur dominante du fond suggérant des moments et donc des illuminations de l'atmosphère différentes. Carquois fleuris est un tableau du matin; Parachutes végétaux, un tableau sinon du soir, du moins de la tombée du jour, Borduas ayant une prédilection pour ces moments de transition de l'ombre à la lumière ou de la lumière à l'ombre.

Au moment où il peignait Parachutes végétaux, Borduas tenait déjà depuis quatre ans sa solution au problème de la transposition à l'huile de la spontanéité du dessin automatique. Borduas venait alors de terminer une brillante série de gouaches [1942], qu'il avait exposées au Théâtre de l'Ermitage à Montréal, du 25 avril au 2 mai 1942, sous le titre de Peintures surréalistes. Ces gouaches avaient été faites en deux étapes: le dessin d'abord, la couleur ensuite. Comme la gouache est une matière qui sèche rapidement, ces peintures improvisées sans idées préconçues avaient été exécutées dans un temps très court et portaient la marque d'une grande spontanéité d'invention. Comment garder quelque chose de cette spontanéité en peignant à l'huile? Certes on pouvait imiter à l'huile l'effet des gouaches en procédant aussi en deux étapes: arrêter le dessin au fusain sur la toile, puis colorer les surfaces une à une à l'huile.

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